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Eco-organismes : le Conseil d’Etat précise la nature juridique de l’arrêté d’agrément, pas des contrats conclus avec les opérateurs de collecte et de traitement des déchets (Conseil d’Etat, 9 juin 2022, n°463769)
La question de la valeur juridique exacte des contrats conclus entre les éco-organismes et, notamment, les opérateurs de collecte et de traitement des déchets continuera d’être débattue. Par une ordonnance n°463769 rendue ce 9 juin 2022, le Conseil d’Etat a rejeté une demande de suspension de l’exécution de l’arrêté d’agrément d’un éco-organisme au motif qu’il est incompétent pour statuer sur la légalité d’un acte administratif non réglementaire. Une décision qui peut relancer le débat relatif à la nature juridique de droit administratif ou de droit privé des contrats conclus par les éco-organismes.
Résumé
Par une ordonnance en date du 9 juin 2022, le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté une demande de suspension de l’exécution d’un arrêté ministériel d’agrément d’un éco-organisme.
Cet arrêté ayant le caractère d’un acte administratif non réglementaire, le Conseil d’Etat est incompétent, au fond comme en référé, pour en statuer sur sa légalité en premier ressort.
Cette ordonnance a été rendue alors que les requérants comme la ministre de la transition écologique ont débattu du point de savoir si la décision d’agrément d’un éco-organisme peut emporter approbation des contrats-types fournis par l’éco-organisme dans son dossier de demande. Dans l’affirmative, la question suivante aurait été de savoir si cette approbation influe sur la nature juridique des contrats issus de ces contrats-types.
A défaut de précision certaine de la nature juridique exacte des contrats conclus par les éco-organismes, il serait précieux que l’Etat procède à cette clarification.
I. L’arrêté ministériel d’agrément d’un éco-organisme a la valeur d’un acte administratif individuel dont le contrôle de légalité relève de la compétence du tribunal administratif de Paris
Par une requête en date du 5 mai 2022, la Chambre syndicale du reraffinage et la société Compagnie française Eco-huile ont demandé au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 24 février 2022 portant agrément d’un éco-organisme de la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) des huiles minérales ou synthétiques, lubrifiantes ou industrielles.
Par une ordonnance en date du 9 juin 2022, le juge des référés du Conseil d’Etat a rejeté cette requête au motif unique que celle-ci a été présenté devant une juridiction incompétente pour en connaître :
« 3. La Chambre syndicale du reraffinage et la société Compagnie française Eco-huile demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution de l’arrêté du 24 février 2022 portant agrément de la société Cyclévia en tant qu’éco-organisme de la filière à responsabilité élargie du producteur des huiles minérales ou synthétiques, lubrifiantes ou industrielles tel que défini par l’article R. 543-3 du code de l’environnement. Une telle décision, qui ne revêt pas un caractère réglementaire, n’est pas au nombre de celles dont il appartient au Conseil d’Etat de connaître en premier et dernier ressort en vertu des dispositions de l’article R. 311-1 du code de justice administrative ou d’autres dispositions.
4. Il suit de là que la requête de la Chambre syndicale de reraffinage et de la société Compagnie française Eco-Huile doit être rejetée.«
Aux termes de cette décision du Conseil d’Etat :
- il est rappelé que le Conseil d’Etat – statuant au fond ou en référé – ne peut être saisi en premier et dernier ressort que des demandes d’annulation ou de suspension dirigées contre des actes administratifs à caractère réglementaire
- la présente demande de suspension était dirigée contre l’arrêté d’agrément de la société Cyclévia, éco-organisme de la filière à responsabilité élargie du producteur des huiles minérales ou synthétiques, lubrifiantes ou industrielles tel que défini par l’article R. 543-3 du code de l’environnement
- le Conseil d’Etat est donc incompétent pour statuer sur cette demande, laquelle doit donc être présentée devant le tribunal administratif de Paris.
Cette solution ne constitue pas une réelle surprise puisque le tribunal administratif de Paris s’est déjà déclaré compétent pour statuer sur un refus d’agrément. Elle est toutefois intéressante dés lors qu’elle a été prise par le juge des référés du Conseil d’Etat.
II. La valeur juridique des contrats conclus entre les éco-organismes et producteurs
Cette décision du juge des référés du Conseil d’Etat est surtout intéressante à la lecture des moyens soutenus par les requérants ainsi que par
Il apparaît en effet, à cette seule lecture que les requérants contestent la légalité de l’arrêté d’agrément de la société au motif principal que ce dernier « emporte approbation de conventions types adressées par cette société aux opérateurs de collecte et de regroupement d’huiles usagées.
Ainsi, les deux moyens suivants des requérants étaient consacrés à cette question des contrats-types :
- Sur la condition d’urgence, les requérants ont soutenu que « la condition d’urgence est satisfaite dès lors que l’arrêté portant agrément de la société Cyclevia en tant qu’éco-organisme jusqu’au 31 décembre 2027 emporte approbation des conventions-types adressées par cette société aux opérateurs de collecte et de regroupement d’huiles usagées ce qui a pour effet d’exclure certains opérateurs du marché ou de les obliger à renoncer à une partie de leur activité et, par suite, porte une atteinte grave à la concurrence ; »
- Sur l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la décision entreprise, les requérants ont soutenu que l’arrêté litigieux « méconnaît l’article R. 543-10 du code de l’environnement, dès lors que les convention-types dans la demande d’agrément imposent des contraintes restreignant de fait l’accès aux mesure d’aide aux opérateurs de la filière et comporte une discrimination en excluant les installations de traitement d’huiles situées à l’étranger;«
A titre liminaire, il convient de souligner qu’un éco-organisme conclut de très nombreux contrats dont ceux-ci :
- les contrats d’adhésion des producteurs soumis au respect du principe de responsabilité élargie des producteurs
- les contrats de prestations conclus avec les opérateurs de collecte et de traitement des déchets relevant de la compétence de l’éco-organisme agréé ;
- les contrats conclus avec les collectivités territoriales en charge de la collecte et du traitement des déchets ;
- les contrats conclus avec les détenteurs de déchets
- les contrats conclus avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire
Pour l’heure, les éco-organismes sont des personnes morales de droit privé et les juridictions administratives ne se sont jamais déclarées compétentes pour statuer sur la légalité ou sur l’exécution des contrats qu’ils signent.
Au contraire, par une décision du 1er juillet 2019, le Tribunal des conflits a statué sur la question de la juridiction compétente pour connaitre du contentieux né de l’exécution d’un contrat conclu entre l’éco-organisme en charge de la filière des déchets diffus spécifiques (DDS) ménagers et un syndicat mixte de gestion des déchets. Il a conclu, à l’inverse des juridictions judiciaires qui s’étaient prononcées jusque-là, à la qualité de droit privé de ce contrat (cf. TC, 1er juillet 2019, n° 4162). Reste que la portée exacte de cette décision, a fortiori pour l’ensemble des contrats conclus par les éco-organismes, est incertaine.
Le tribunal administratif de Paris a, par jugement rendu le 30 juin 2016 précisé que
- les missions confiées aux éco-organismes agréés au titre des déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers, ne revêtent pas le caractère de missions de service public.
- les éco-organismes ne peuvent être regardés comme étant chargés d’une mission de service public, bien que leur activité présente un caractère d’intérêt général et que la procédure d’agrément fasse intervenir les ministères de l’environnement, de l’industrie et des collectivités territoriales.
- aucune disposition législative ou réglementaire n’attribue aux éco-organismes de prérogatives de puissance publique.
Le jugement précise en effet :
« 6. Considérant qu’il ne résulte ni des dispositions précitées du code de l’environnement, ni d’aucune autre disposition législative ou réglementaire, que le législateur aurait entendu qualifier les missions assurées par un éco-organisme pour la filière des déchets d’équipements électriques et électroniques ménagers de missions de service public ; que ces dispositions précitées du code de l’environnement ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n’attribuent l’exercice de prérogatives de puissance publique aux éco-organismes précités ; que, si l’activité assurée par ces éco-organismes présente un caractère d’intérêt général et si la procédure d’agrément implique l’intervention des ministres chargés de l’environnement, de l’industrie et des collectivités territoriales, les conditions de création, d’organisation, de fonctionnement et de financement ne permettent pas de les regarder comme étant chargés d’une mission de service public«
« Tout éco-organisme qui sollicite un agrément en application du II de l’article L. 541-10 adresse à l’autorité administrative un dossier de demande qui comprend notamment :
1° Une description des mesures prévues pour répondre aux objectifs et exigences du cahier des charges et respecter les dispositions de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l’environnement et des textes réglementaires pris pour leur application, en particulier :
(…) d) Les projets de contrats types prévus aux articles R. 541-102, R. 541-104, R. 541-105 et R. 541-119 » (nous soulignons).
Cette obligation de fournir des contrats-types à l’administration en charge de l’instruction de la demande d’agrément ne démontre pas à elle seule que les contrats qui en seront issus sont de droit administratif. Toutefois, si ces contrats de droit privé mais qu’ils dérogent au contrat-type : quelle sera la solution retenue pas le juge judiciaire du contrat ?
Deux hypothèses sont envisageables.
Hypothèse 1 : la décision d’agrément emporte approbation des contrats-types comme le soutenaient ici les requérants. Dans cette hypothèse, le recours devant le juge administratif devrait permettre de discuter de la légalité de ces contrats-types.
Hypothèse 2 : la décision d’agrément n’emporte pas approbation des contrats-types. Dans ce cas, on peut donc imaginer que les contrats à venir conservent une nature de droit privé et qu’il est possible pour les parties de s’éloigner des termes du contrat-type. Dans ce cas : pourquoi contraindre les éco-organismes à l’agrément de fournir des contrats-types s’ils sont ensuite autorisés à s’en écarter ?
Il est donc urgent que l’Etat, par voie législative, précise sa position exacte sur les questions suivantes : la question de la nature juridique (droit administratif ou droit privé) des contrats conclus par les éco-organismes, la question de la valeur juridique exacte de la décision d’agrément au en ce qu’elle porte sur les contrats-types.
Arnaud Gossement
Avocat associé – docteur en droit
professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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