En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Consultation locale des électeurs : publication de l’ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016
Le Gouvernement vient de publier au Journal officiel, l’ordonnance n° 2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement. Analyse d’une norme de circonstance.
Le Gouvernement vient de publier les trois textes qui permettent d’organiser une consultation locale des électeurs sur l’avenir du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes :
– L’ordonnance n°2016-488 du 21 avril 2016 relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement (JORF n°0095 du 22 avril 2016)
– Le décret n°2016-491 du 21 avril 2016 relatif à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement (JORF n°0095 du 22 avril 2016)
– Le décret n°2016-503 du 23 avril 2016 relatif à la consultation des électeurs des communes de la Loire-Atlantique sur le projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes (JORF n°0097 du 24 avril 2016)
Le décret n°2016-503 du 23 avril 2016 précise que la consultation locale organisée le 26 juin 2016 et portera sur la question suivante :
« Etes-vous favorable au projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes ? »
La présente note a trait à l’ordonnance n°2016-488 du 21 avril 2016
De manière générale, cette ordonnance du 21 avril 2016 pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. Rédigée pour régler un cas particulier – l’avenir du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes – elle créé des difficultés pour tous les projets en général.
En premier lieu, cette procédure peut compromettre la sécurité juridique des projets.
Une procédure de consultation locale des électeurs pourra désormais être demandée et organisée à l’endroit de tous les projets ayant une incidence pour sur l’environnement, ce compris lorsqu’ils bénéficient d’autorisations ou même d’une déclaration d’utilité publique, devenues définitives. Un porteur de projet, un maître d’ouvrage qui aura obtenu un permis ou une autorisation devenue définitive, restera exposé au risque que des opposants demandent à l’Etat d’organiser une consultation locale des électeurs, peut-être des mois ou des années après délivrance des autorisations et rejet des recours.
En deuxième lieu, cette procédure ne constitue pas un progrès du dialogue environnemental.
Malgré l’avis négatif unanime du Conseil national de la transition écologique, créé dans le prolongement du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a décidé de publier l’ordonnance permettant de créer la procédure de consultation locale des électeurs. Pourtant, on le sait depuis le Grenelle de l’environnement : il est important que des partenaires environnementaux puissent négocier, de manière apaisée et sur le fondement d’informations complètes, des choix sur des sujets complexes. Tenter de régler l’avenir d’un projet par une question oui/non revient à simplifier et à polariser le débat en deux camps dont le perdant ne s’estimera pas convaincu du résultat de la consultation.
En troisième lieu, l’organisation de cette consultation locale à l’endroit du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes n’aura pas nécessairement d’incidence sur l’évolution de ce conflit.
Sur les projets qui peuvent faire l’objet de cette procédure de consultation locale
L’ordonnance du 21 avril 2016 insère un nouvel article L.123-20 au sein du code de l’environnement, ainsi rédigé :
« Art. L. 123-20. – L’Etat peut consulter les électeurs d’une aire territoriale déterminée afin de recueillir leur avis sur un projet d’infrastructure ou d’équipement susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement dont la réalisation est subordonnée à la délivrance d’une autorisation relevant de sa compétence, y compris après une déclaration d’utilité publique.«
Ainsi, la consultation locale des électeurs :
– est organisée par l’Etat sur des projets relevant de sa compétence ;
– a pour objet de recueillir un « avis’, ce qui ce signifie que la consultation locale n’aboutit pas à une décision ni même à un avis que l’Etat serait tenu de suivre ;
– peut être organisée à l’endroit de tous les un projet d’infrastructure ou d’équipement susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement. Les termes « incidence sur l’environnement » ne fait pas l’objet d’une définition juridique stable, comme la jurisprudence relative à la notion de « décision ayant une incidence sur l’environnement » le démontre déjà.
– peut concerner des projets en cours d’autorisation ou déjà autorisés. Ce qui constitue une difficulté au regard du principe de sécurité juridique.
Sur l’inclusion des projets autorisés dans le champ d’application de la procédure de consultation locale des électeurs
C’est l’une des principales difficultés de cette nouvelle procédure de consultation locale des électeurs.
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (article 106) a en effet autorisé le Gouvernement à créer, par ordonnance, « une procédure de consultation locale des électeurs d’une aire territoriale déterminée sur les décisions qu’une autorité de l’Etat envisage de prendre sur une demande relevant de sa compétence et tendant à l’autorisation d’un projet susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement » (je souligne).
La loi du 6 août 2015 autorise donc le Gouvernement à créer une procédure de consultation locale pour les projets n’ayant pas déjà fait l’objet d’une décision d’autorisation.
A l’inverse, le nouvel article L.123-20 au sein du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 21 avril 2016, dispose :
« L’Etat peut consulter les électeurs d’une aire territoriale déterminée afin de recueillir leur avis sur un projet d’infrastructure ou d’équipement susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement dont la réalisation est subordonnée à la délivrance d’une autorisation relevant de sa compétence, y compris après une déclaration d’utilité publique«
L’ordonnance ouvre donc la possibilité d’organiser une consultation locale des électeurs sur un projet qui n’a pas encore fait l’objet de toutes les autorisations requises. Dès lors, un projet qui a déjà fait l’objet d’autorisations peut être soumis à consultation locale des électeurs.
L’ordonnance va, ici, plus loin que l’autorisation donnée par le Parlement à l’article 106 de la loi du 6 août 2015.
Quel est le rôle de la commission nationale du débat public ?
La Commission nationale du débat public est chargée d’élaborer le dossier d’information qui sera présenté aux électeurs. Malheureusement, les moyens de la CNDP sont si réduits qu’il est à craindre que son rôle ne se borne à assurer une simple tâche de secrétariat.
D’une part, la CNDP sera chargée de l’élaboration de ce dossier d’information, peu de temps avant la consultation elle-même. Le décret d’organisation de la consultation doit en effet être publié deux mois avant le vote.
D’autre part, son rôle se borne à réunir des informations. L’article L. 123-26 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 21 avril 2016, précise en effet :
« Un dossier d’information sur le projet qui fait l’objet de la consultation est élaboré par la Commission nationale du débat public.
Ce dossier comprend un document de synthèse présentant de façon claire et objective le projet, ses motifs, ses caractéristiques, l’état d’avancement des procédures, ses impacts sur l’environnement et les autres effets qui en sont attendus. Il mentionne les principaux documents de nature à éclairer les électeurs et comporte les liens vers les sites internet où ces documents peuvent être consultés.
Le dossier est mis en ligne sur le site de la Commission nationale du débat public au moins quinze jours avant la date fixée pour la consultation. Les maires mettent à la disposition des électeurs un point d’accès à internet qui permet d’en prendre connaissance.
Le décret prévu à l’article L. 123-23 peut prévoir des modalités complémentaires de mise à disposition de ce dossier aux électeurs lorsqu’elles s’avèrent nécessaires. »
Le dossier d’information élaboré par la CNDP comprend : une synthèse d’information et la mention de documents. En d’autres termes, la CNDP n’est pas chargée de produire de l’information mais de réunir celle existante. L’ordonnance ne lui donne pas la possibilité de produire de l’information, de procéder à des contre expertises, à des auditions etc..
Enfin, le rôle de la CNDP est strictement borné à la seule élaboration de ce dossier d’information. Elle n’est pas appelée ici à assurer le rôle de garant de cette consultation locale et ne pourra recevoir ni traiter aucune observation relative à son organisation. La CNDP ne se prononce pas sur l’aire de la consultation, sur la question posée etc..
Sur la suite donné par l’Etat à l’avis exprimé
Aux termes du nouvel article L.123-20 au sein du code de l’environnement, les électeurs consultés sont appelés à exprimer un avis simple. L’Etat n’est donc pas tenu de donner une suite à l’avis exprimé. Sur le plan politique, cela certes plus délicat de ne donner aucune suite à l’avis exprimé, surtout si ce dernier émane d’un pourcentage important des électeurs qui ont voté.
Au demeurant, si les électeurs se prononcent majoritairement contre un projet, l’avis ainsi exprimé créera une difficulté juridique non négligeable : comment retirer ou abroger des décisions administratives qui seront peut-être devenues définitives, à la suite de rejets des recours ou de dépassement des délais de retrait ou d’abrogation ? En l’état actuel du droit, il est tout à fait possible que l’Etat ne puisse donner aucune suite à l’avis exprimé par les électeurs consultés.
Sur la nécessité d’un nouveau texte pour organiser une consultation locale sur le projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes
A la suite de cette ordonnance, deux décrets sont attendus.
– D’une part, aux termes du nouvel article L. 123-33 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de cette ordonnance du 21 avril 2016 : « Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par un décret en Conseil d’Etat.«
A cette fin, a été publié le décret n° 2016-491 du 21 avril 2016 relatif à la consultation locale sur les projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement
– D’autre part, une consultation locale en particulier doit faire l’objet d’un décret, deux mois avant. Le nouvel article L. 123-23 du code de l’environnement précise :
« La consultation est décidée par un décret qui en indique l’objet, la date ainsi que le périmètre, qui définit la question posée et qui convoque les électeurs. Il est publié au plus tard deux mois avant la date de la consultation.
La consultation ne peut avoir lieu après le premier jour du troisième mois précédant celui au cours duquel il est procédé aux élections et scrutins énumérés par les cinquième à dixième alinéas de l’article LO 1112-6 du code général des collectivités territoriales. »
La consultation locale relative au transfert de l’aéroport de Notre-Dame des Landes étant fixée au 26 juin 2016, le décret l’organisant sera sans doute publié avant le 26 avril 2016.
Une consultation inutile
En conclusion, cette ordonnance est malheureusement une norme de circonstance, rédigée sur mesure pour un dossier en particulier, sans prise en compte de ses conséquences pour les autres projets et pour le droit en général.
Et il est à craindre que l’organisation de cette procédure en juin 2016, à propos de l’aéroport de Notre Dame des Landes, ne produise aucune conséquence, si ce n’est une radicalisation des positions des « pro » et des « anti ».
Si la réponse est « oui » : en l’état de la question qui devrait être posée, ce « oui » ne concernera que le principe d’un « transfert » de l’aéroport de Nantes-Atlantique. Il ne sera pas possible de déduire de ce « oui » une quelconque approbation explicite du projet tel que déclaré d’utilité publique. En réalité, la question devrait davantage porter sur l’avenir de l’aéroport de Nantes-Atlantique que sur l’avenir de l’aéroport de Notre-Dame des Landes. Par ailleurs, il est probable que les partisans du « non » critiqueront la légalité voire la légitimité de cette consultation pour en remettre en cause le résultat. L’inverse est vrai si le « non » l’emporte. Enfin, ce « oui » n’aura aucune incidence sur la procédure d’infraction engagée par la Commission européenne contre la France.
Si la réponse est « non » : l’Etat n’a pas prévu comment donner suite à un vote « non ». En effet, l’Etat n’a jamais indiqué comment il compte procéder pour abroger les autorisations délivrées, revenir sur les expulsions prononcées et résilier le contrat conclu pour la concession. En l’état actuel du droit, il est difficile d’évaluer quelles pourraient être précisément les suites d’un vote non.
Arnaud Gossement
Avocat
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