Autoconsommation : le cadre juridique européen se met en place

Déc 5, 2016 | Energie – Climat

Tant la Commission européenne que l’Etat français sont en train d’élaborer le cadre juridique de l’autoconsommation d’énergie renouvelable. Une évolution notable de notre mode de production et de consommation d’énergie qui se traduit, notamment, par de nouvelles dispositions au sein du « paquet énergie propre » que la Commission européenne vient de présenter. Analyse.

Le « winterpackage » présenté par la Commission européenne ce 30 novembre 2016 comporte plusieurs propositions de modifications des textes relatives au marché intérieur de l’électricité, à l’efficacité énergétique ou bien encore aux énergies renouvelables. L’un des éléments les plus structurants de ce paquet « énergie propre » tient à la volonté affichée de donner aux citoyens européens un pouvoir de contrôle plus grand sur leur production et leur consommation d’énergie. Pour contribuer à la réalisation de cet objectif, l’autoconsommation bénéficie d’une reconnaissance et d’un cadre juridique.

L’article 1er de la proposition de révision de la directive du Parlement européen et du Conseil « sur la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables » fixe comme nouvel objectif de la politique européenne en faveur des énergies renouvelables, le développement, par les Etats membres de l’autoconsommation d’énergie renouvelable (« self-consumption of renewable electricity »).

L’article 2 de ce même texte comporte la définition du terme « autoconsommateur » :

« (aa) « renewable self-consumer » means an active customer as defined in Directive [MDI Directive] who consumes and may store and sell renewable electricity which is generated within his or its premises, including a multi-apartment block, a commercial or shared services site or a closed distribution system, provided that, for non-household renewable self-consumers, those activities do not constitute their primary commercial or professional activity; »

On relèvera que l’autoconsommation est ici centrée sur la consommation d’électricité renouvelable et non sur la consommation d’énergie en général. Par ailleurs, la définition de l’autoconsommateur prend soin de distinguer l’autoconsommateur qui réalise cette opération pour les besoins de son foyer, de l’autoconsommateur qui la réalise dans le cadre de son activité professionnelle. Dans ce dernier cas, l’autoconsommation ne doit pas constituer son activité commerciale ou professionnelle elle-même. A noter, ce qui est très intéressant : l’autoconsommateur peut choisir de procéder avec un réseau fermé de distribution (« close distribution system »)

Ce même article 2 comporte, en outre, la définition du terme « autoconsommation ».

« (bb) ‘renewable self-consumption’ means the generation and consumption, and, where applicable, storage, of renewable electricity by renewable self-consumers; »

L’autoconsommation est ici étendue à l’opération de stockage, toujours d’électricité renouvelable.

Par ailleurs, l’article 21 de la proposition de modification de la directive énergies renouvelables encourage les Etats membres à faciliter le recours à l’autoconsommation de la manière suivante :

« Article 21
Renewable self-consumers
1. Member States shall ensure that renewable self-consumers, individually or through aggregators:
(a) are entitled to carry out self-consumption and sell, including through power purchase agreements, their excess production of renewable electricity without being subject to disproportionate procedures and charges that are not cost-reflective;
(b) maintain their rights as consumers;
(c) are not considered as energy suppliers according to Union or national legislation in relation to the renewable electricity they feed into the grid not exceeding 10 MWh for households and 500 MWh for legal persons on an annual basis; and
(d) receive a remuneration for the self-generated renewable electricity they feed into the grid which reflects the market value of the electricity fed in.
Member States may set a higher threshold than the one set out in point (c). »

On retiendra de cet article que l’autoconsommateur :

  • peut avoir recours à un agrégateur
  • peut injecter et vendre son surplus de production, sans être l’objet de contraintes et de coûts disproportionnés
  • conserve le bénéfice des droits des consommateurs
  • ne doit pas être qualifié de fournisseur d’énergie à l’occasion de l’opération de vente d’électricité qu’ils réalisent et ce, en dessous d’un seuil (sur une base annuelle) de 10 MWh (pour les ménages) ou de 500 MWh (pour les personnes morales). Nul doute que ces seuils seront très discutés. D’autant plus qu’un Etat membre peut revoir ces seuils à la hausse.
  • Peut recevoir une rémunération, étant entendu que cette dernière doit être calculée à partir de la valeur de cette électricité sur le marché.

Par ailleurs, l’article 21 consacre l’opération d’autoconsommation collective, laquelle ne doit pas faire l’objet, de la part d’un Etat membre, de contraintes différentes de celles opposées à l’autoconsommation individuelle:

« 2. Member States shall ensure that renewable self-consumers living in the same multi-apartment block, or located in the same commercial, or shared services, site or closed distribution system, are allowed to jointly engage in self-consumption as if they were an individual renewable self-consumer. In this case, the threshold set out in paragraph 1(c) shall apply to each renewable self-consumer concerned. »

Enfin, l’article 21 précise que l’installation de production d’électricité, en autoconsommation, peut être gérée par un tiers :

« 3. The renewable self-consumer’s installation may be managed by a third party for installation, operation, including metering, and maintenance. »

La création de ce cadre juridique européen pour l’autoconsommation – individuelle et collective – est une bonne nouvelle. Le processus de discussion de ce texte permettra, éventuellement, d’assouplir encore le cadre applicable à cette activité. Les questions du statut juridique des gestionnaires d’autoconsommation collective ou des seuils à partir desquels la qualité de fournisseur s’applique seront sans aucun doute très débattues.

On rappellera que la création de ce cadre juridique européen est parallèle à celle du cadre juridique national.

En effet :

  • Une ordonnance n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité a été publiée au JO du 28 juillet 2016
  • Un projet de loi de ratification de cette ordonnance est en cours de discussion à l’Assemblée nationale
  • Un Appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’Installations de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables en autoconsommation été organisé (pour sa première période)

Pour l’avenir, nombreux sont les professionnels de la filière de l’énergie solaire, les investisseurs ou les analystes qui s’interrogent sur les projets de la majorité qui sera issue des élections présidentielle et législatives de 2017.

Il convient de noter que de nombreux candidats à l’élection présidentielle ou aux primaires présentent des propositions sur l’énergie mais également sur l’autoconsommation.

Récent vainqueur des primaires de la droite et du centre, François Fillon a ainsi consacré une partie de son programme à la transition énergétique et propose à cet effet la mesure suivante:

« 11 – Autoriser l’auto-consommation de l’énergie produite de manière autonome tant pour les particuliers que pour les entreprises (énergie solaire, éolienne…). Nos concitoyens doivent pouvoir maîtriser en totale liberté leur consommation et assurer eux-mêmes leur mix énergétique en consommant leur production propre, sans avoir à la vendre à EDF pour la racheter ensuite. Les éventuels excédents pourront être vendus à des prix conformes au marché de l’électricité. »

Le projet de François Fillon précise également :

« POUR UN HABITAT DURAB LE
Qu’il s’agisse de consommation d’énergie, de matériaux de constructions ou de qualité de l’air intérieur, l’habitat est au centre des préoccupations environnementales de chaque Français qui doit être libre de produire et consommer sa propre énergie renouvelable pour son habitation. »

Arnaud Montebourg, candidat à la primaire de gauche a pu déclarer, en novembre 2016 :

« J’observe dans l’énergie à quel point les modèles d’autoproduction, d’autoconsommation, qu’ils soient individuels, coopératifs ou collectifs, sont en train de transformer, à la maison, au bureau, à l’usine, la capacité de fabriquer de l’électricité pour soi-même ou pour son environnement immédiat, à un prix compétitif. C’est la fabrication décentralisée et coopérative de l’énergie comme un moyen de choisir son mode de vie, renouvelable, écologique et de proximité.

(..) L’investissement dans l’autoproduction énergétique est lui aussi inéluctable. L’énergie renouvelable doit être propagée, soutenue financièrement, elle est aujourd’hui arrivée à maturité écologique et économique. Nous obtenons maintenant des coûts compétitifs par rapport aux prix actuels de l’électricité ou de l’énergie. Nous avons donc là un passeport pour l’investissement massif dans la fabrication par soi-même d’électricité d’origine renouvelable. »

En matière d’autoconsommation d’énergie renouvelable, notre cabinet a été précurseur et a développé très tôt une expertise spécifique dans ce domaine. Nous avons ainsi été invités très tôt à participer aux conférences et colloques consacrés à ce volet émergent du droit de l’énergie. Très tôt nous avons pu consulter pour des producteurs qui souhaitaient s’engager dans ce mode de production et de consommation d’énergie à une époque où le cadre juridique était encore bien silencieux à son endroit. Depuis lors, nous avons suivi pas à pas, au sein notamment de la commission juridique du syndicat ENERPLAN, les progrès de la régulation juridique de l’autoconsommation. 

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