En bref
[communiqué] Le cabinet Gossement Avocats ne participe à aucun « classement » de cabinet d’avocats
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Autoroute A 69 : décryptage de la décision de sursis à exécution rendue ce 28 mai 2025 par la cour administrative d’appel de Toulouse (CAA Toulouse, 28 mai 2025, n°25TL00597 et s)
D’une part, elle n’a pas été trop lente. En réalité, le juge du référé-suspension du tribunal administratif de Toulouse est intervenu très tôt (ordonnance du 1er août 2023) après la délivrance des autorisations environnementales des 1er et 2 mars 2023. De même, le juge du sursis à exécution de la cour administrative d »appel de Toulouse est intervenu rapidement (arrêts du 28 mai 2025) après la notification des jugements rendus le 27 février 2025 par le tribunal administratif de Toulouse.
D’autre part, il est également délicat de critiquer la rédaction et la motivation des décisions rendues au terme de procédures d’urgence.
Il convient de rappeler que deux conditions doivent être remplies pour que le juge administratif d’appel prononce le sursis à exécution d’un jugement :
- l’exécution de la décision de première instance attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et
- les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l’état de l’instruction.
L’article R.811-17 du code de justice administrative dispose en effet que : « Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l’exécution de la décision de première instance attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l’état de l’instruction. »
Au cas présent, si la motivation de l’arrêt ici commenté sur la deuxième condition peut être comprise malgré sa brièveté, il est regrettable qu’il soit silencieux quant au respect de la première condition relative au risque de conséquences difficilement réparables.
S’agissant de la condition relative à l’existence, en l’état de l’instruction, d’un moyen sérieux, le juge du sursis à exécution, intervient en urgence et, dans le cas présent, sur un dossier particulièrement complexe et ancien. Surtout, l’article R.811-19 du code de justice administrative ne lui impose pas de juger si les autorisations environnementales sont ou non légales mais s’il existe « en l’état de l’instruction », dans la requête, un moyen (argument) qui paraisse « sérieux ».
Le point 4 de l’arrêt ici commenté rappelle précisément quelle est l’obligation de motivation de sa décision par le juge du sursis à exécution : « 4. En application des dispositions précitées de l’article R. 811-15 du code de justice administrative, lorsque le juge d’appel est saisi d’une demande de sursis à exécution d’un jugement prononçant l’annulation d’une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l’argumentation développée devant lui par l’appelant et le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu’il est tenu de soulever d’office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu’aucun de ces moyens n’est de nature, en l’état de l’instruction, à justifier l’annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l’état de l’instruction, de nature à justifier l’annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d’office est de nature, en l’état de l’instruction, à infirmer ou confirmer l’annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter. » (nous soulignons).
Le juge du sursis à exécution n’est pas chargé de juger la légalité de l’autorisation environnementale du chantier de l’A69. Il est chargé de vérifier s’il existe ou non une contestation sérieuse de la régularité du jugement frappé d’appel. Ce juge n’est donc pas appelé à répondre à une question qui ne lui est pas posée (celle de la légalité de l’autorisation environnementale) et, a fortiori, à motiver sa réponse.
Au cas présent, le juge du sursis à exécution a estimé – après avoir rappelé dans les visas de sa décision les motifs pour lesquels l’Etat et les sociétés concessionnaires soutiennent que le projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur – qu’il existe bien, dans la requête, un moyen qui parait, en l’état de l’instruction, sérieux. Soulignons ce point : si le point 8 de l’arrêt peut, à première lecture paraître peu développé, il faut le lire en correspondance avec les visas de la décision qui, eux, sont très détaillés : « 8. A l’appui de leur demande tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ces jugements, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et les intervenants en demande soutiennent que le projet autoroutier en litige répond par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En l’état de l’instruction, ce moyen tel que visé et analysé dans les visas du présent arrêt et qui ne peut, contrairement à ce qui est soutenu en défense, être regardé comme échappant à l’office du juge d’appel se prononçant sur une demande de sursis à exécution, apparaît sérieux et de nature à entraîner, outre l’annulation des jugements, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par le tribunal administratif de Toulouse. » (nous soulignons).
Il est cependant regrettable que la cour administrative d’appel de Toulouse se soit abstenue de se prononcer sur la première des deux conditions du sursis.
En quatrième lieu, ce contentieux de l’autoroute A69 appelle sans doute un débat sur des évolutions possibles et souhaitables du droit de l’environnement. Voici sommairement exposées, quelques pistes.
D’une part, il serait utile de revoir enfin les conditions de rédaction de l’étude d’impact des grands projets. Il est important, pour toutes les parties de rétablir la crédibilité d’études qui, même lorsqu’elles sont réalisées avec soin, suscitent trop souvent la méfiance. Cette réforme est dans l’intérêt de toutes les parties. Il est frappant de voir partisans et opposants de ce projet d’autoroute s’opposer des arguments, des données et des chiffres qui paraissent tout à fait contradictoires. Il serait donc précieux d’une analyse scientifique incontestable pour organiser un débat sérieux et éviter des controverses parfois stériles.
D’autre part, il serait également précieux de préciser les conditions d’appréciation de la condition relative à la « raison impérative d’intérêt public majeur. Le présent contentieux a mis en évidence que les juges ne partagent pas tous la même appréciation du respect de cette condition qui est l’une des trois conditions à satisfaire pour que l’Etat puisse délivrer une autorisation de déroger à l’interdiction de destruction d’espèces protégées. Certes, il est délicat de prévoir par avance si un projet répond ou non à une raison impérative d’intérêt public majeure. C’est donc la procédure d’instruction de la demande de dérogation espèces protégées qu’il serait utile de revoir.
Enfin, de manière plus générale, si chacune de ces décisions de justice rendues dans ce contentieux est compréhensible pour un juriste, il est à craindre que, prises dans leur ensemble, elles ne le soient plus pour le grand public. A titre d’exemple, comment expliquer à des non juristes que ce projet d’autoroute ait été « déclaré d’utilité publique » en 2018 mais que sa « raison impérative d’intérêt public majeur » soit discutée de 2023 à 2025 ? Certes, ces expressions renvoient à des procédures et à des enjeux bien différents. Reste que l’on peut comprendre aussi que le grand public soit un peu perdu. Autre exemple : comment expliquer aisément que les décisions de justice rendues par le juge du référé-suspension puis le juge du fond du tribunal administratif de Toulouse apparaissent contraires entre elles puis contraires avec celle rendue ce 28 mai 2025 par le juge du sursis à exécution de la cour administrative d’appel. On m’objectera, à raison, qu’une certaine complexité est inhérente au droit et aux procédures contentieuses. Un effort d’explication et sans doute aussi de simplification de ces procédures serait cependant le bienvenu.
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
Droit minier : publication des décrets d’application de la réforme du code minier pour l’instruction des titres miniers, les stockages souterrains, la géothermie, les granulats marins
Le Gouvernement a publié au journal officiel du 28 août 2025, quatre décrets - très attendus - qui parachèvent la réforme du code minier introduite par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience...
Energie : projet de décret adaptant le code de l’énergie pour l’appel d’offres simplifié des installations photovoltaïques en toiture ou sur ombrière de puissance supérieure à 100 kWc et inférieure à 500 kWc
Depuis le 25 août et jusqu’au 12 septembre 2025, l’Etat a mis en consultation publique un projet de décret modifiant l’article D. 314-15 du code de l’énergie relatif aux seuils applicables pour bénéficier de l’obligation d’achat pour la production d’électricité à...
Solaire : publication d’une nouvelle liste des friches sur lesquelles il est possible de déroger au principe de continuité de la loi Littoral (Décret n° 2025-842 du 22 août 2025)
Le décret n° 2025-842 du 22 août 2025 modifiant le décret n° 2023-1311 du 27 décembre 2023 pris pour l'application de l'article L. 121-12-1 du code de l'urbanisme a été publié au Journal officiel le 26 août 2025. Ce décret complète la liste des friches identifiées en...
Economie circulaire : la société Ocab, organisme coordonnateur de la filière REP des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment, a été réagréé
Les ministres de la Transition écologique et de l’Économie ont, par un arrêté du 30 juillet 2025, réagréé la société OCAB est agréée en tant qu'organisme coordonnateur jusqu'au 31 décembre 2027 au titre de la filière REP des PMCB. Cet organisme coordonnateur, mis en...
Biodiversité : les inventaires réalisés pour l’évaluation environnementale des projets doivent avoir moins de 5 ans (Décret n° 2025-804 du 11 août 2025 portant diverses dispositions de simplification du droit de l’environnement)
Le Gouvernement vient de publier un décret qui, à son article 3, comporte plusieurs dispositions importantes pour l'instruction des inventaires de biodiversité qui sont réalisés pour l'évaluation environnementale des projets (cf. décret n° 2025-804 du 11 août 2025...
PFAS : décryptage du projet de décret relatif aux interdictions de mise sur le marché de certains produits contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées
Le Gouvernement a ouvert une consultation du public - du 7 août 2025 au 5 septembre 2025 inclus - sur le projet de décret d’application de l’article 1 de la loi n° 2025-188 du 27 février 2025 visant à protéger la population des risques liés aux substances...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.