En bref
[Soirée débat] 9 décembre 2025 – « Désinformation climatique : le rôle du droit face au brouillage du réel »
Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Autoroute A 69 : décryptage de la décision de sursis à exécution rendue ce 28 mai 2025 par la cour administrative d’appel de Toulouse (CAA Toulouse, 28 mai 2025, n°25TL00597 et s)
D’une part, elle n’a pas été trop lente. En réalité, le juge du référé-suspension du tribunal administratif de Toulouse est intervenu très tôt (ordonnance du 1er août 2023) après la délivrance des autorisations environnementales des 1er et 2 mars 2023. De même, le juge du sursis à exécution de la cour administrative d »appel de Toulouse est intervenu rapidement (arrêts du 28 mai 2025) après la notification des jugements rendus le 27 février 2025 par le tribunal administratif de Toulouse.
D’autre part, il est également délicat de critiquer la rédaction et la motivation des décisions rendues au terme de procédures d’urgence.
Il convient de rappeler que deux conditions doivent être remplies pour que le juge administratif d’appel prononce le sursis à exécution d’un jugement :
- l’exécution de la décision de première instance attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et
- les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l’état de l’instruction.
L’article R.811-17 du code de justice administrative dispose en effet que : « Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l’exécution de la décision de première instance attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l’état de l’instruction. »
Au cas présent, si la motivation de l’arrêt ici commenté sur la deuxième condition peut être comprise malgré sa brièveté, il est regrettable qu’il soit silencieux quant au respect de la première condition relative au risque de conséquences difficilement réparables.
S’agissant de la condition relative à l’existence, en l’état de l’instruction, d’un moyen sérieux, le juge du sursis à exécution, intervient en urgence et, dans le cas présent, sur un dossier particulièrement complexe et ancien. Surtout, l’article R.811-19 du code de justice administrative ne lui impose pas de juger si les autorisations environnementales sont ou non légales mais s’il existe « en l’état de l’instruction », dans la requête, un moyen (argument) qui paraisse « sérieux ».
Le point 4 de l’arrêt ici commenté rappelle précisément quelle est l’obligation de motivation de sa décision par le juge du sursis à exécution : « 4. En application des dispositions précitées de l’article R. 811-15 du code de justice administrative, lorsque le juge d’appel est saisi d’une demande de sursis à exécution d’un jugement prononçant l’annulation d’une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l’argumentation développée devant lui par l’appelant et le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu’il est tenu de soulever d’office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu’aucun de ces moyens n’est de nature, en l’état de l’instruction, à justifier l’annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l’état de l’instruction, de nature à justifier l’annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d’office est de nature, en l’état de l’instruction, à infirmer ou confirmer l’annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter. » (nous soulignons).
Le juge du sursis à exécution n’est pas chargé de juger la légalité de l’autorisation environnementale du chantier de l’A69. Il est chargé de vérifier s’il existe ou non une contestation sérieuse de la régularité du jugement frappé d’appel. Ce juge n’est donc pas appelé à répondre à une question qui ne lui est pas posée (celle de la légalité de l’autorisation environnementale) et, a fortiori, à motiver sa réponse.
Au cas présent, le juge du sursis à exécution a estimé – après avoir rappelé dans les visas de sa décision les motifs pour lesquels l’Etat et les sociétés concessionnaires soutiennent que le projet répond à une raison impérative d’intérêt public majeur – qu’il existe bien, dans la requête, un moyen qui parait, en l’état de l’instruction, sérieux. Soulignons ce point : si le point 8 de l’arrêt peut, à première lecture paraître peu développé, il faut le lire en correspondance avec les visas de la décision qui, eux, sont très détaillés : « 8. A l’appui de leur demande tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de ces jugements, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et les intervenants en demande soutiennent que le projet autoroutier en litige répond par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur. En l’état de l’instruction, ce moyen tel que visé et analysé dans les visas du présent arrêt et qui ne peut, contrairement à ce qui est soutenu en défense, être regardé comme échappant à l’office du juge d’appel se prononçant sur une demande de sursis à exécution, apparaît sérieux et de nature à entraîner, outre l’annulation des jugements, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par le tribunal administratif de Toulouse. » (nous soulignons).
Il est cependant regrettable que la cour administrative d’appel de Toulouse se soit abstenue de se prononcer sur la première des deux conditions du sursis.
En quatrième lieu, ce contentieux de l’autoroute A69 appelle sans doute un débat sur des évolutions possibles et souhaitables du droit de l’environnement. Voici sommairement exposées, quelques pistes.
D’une part, il serait utile de revoir enfin les conditions de rédaction de l’étude d’impact des grands projets. Il est important, pour toutes les parties de rétablir la crédibilité d’études qui, même lorsqu’elles sont réalisées avec soin, suscitent trop souvent la méfiance. Cette réforme est dans l’intérêt de toutes les parties. Il est frappant de voir partisans et opposants de ce projet d’autoroute s’opposer des arguments, des données et des chiffres qui paraissent tout à fait contradictoires. Il serait donc précieux d’une analyse scientifique incontestable pour organiser un débat sérieux et éviter des controverses parfois stériles.
D’autre part, il serait également précieux de préciser les conditions d’appréciation de la condition relative à la « raison impérative d’intérêt public majeur. Le présent contentieux a mis en évidence que les juges ne partagent pas tous la même appréciation du respect de cette condition qui est l’une des trois conditions à satisfaire pour que l’Etat puisse délivrer une autorisation de déroger à l’interdiction de destruction d’espèces protégées. Certes, il est délicat de prévoir par avance si un projet répond ou non à une raison impérative d’intérêt public majeure. C’est donc la procédure d’instruction de la demande de dérogation espèces protégées qu’il serait utile de revoir.
Enfin, de manière plus générale, si chacune de ces décisions de justice rendues dans ce contentieux est compréhensible pour un juriste, il est à craindre que, prises dans leur ensemble, elles ne le soient plus pour le grand public. A titre d’exemple, comment expliquer à des non juristes que ce projet d’autoroute ait été « déclaré d’utilité publique » en 2018 mais que sa « raison impérative d’intérêt public majeur » soit discutée de 2023 à 2025 ? Certes, ces expressions renvoient à des procédures et à des enjeux bien différents. Reste que l’on peut comprendre aussi que le grand public soit un peu perdu. Autre exemple : comment expliquer aisément que les décisions de justice rendues par le juge du référé-suspension puis le juge du fond du tribunal administratif de Toulouse apparaissent contraires entre elles puis contraires avec celle rendue ce 28 mai 2025 par le juge du sursis à exécution de la cour administrative d’appel. On m’objectera, à raison, qu’une certaine complexité est inhérente au droit et aux procédures contentieuses. Un effort d’explication et sans doute aussi de simplification de ces procédures serait cependant le bienvenu.
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Le décret du 17 novembre 2025 confirme que la filière REP des emballages professionnels répond à un schéma plutôt financier, ce que confirmait déjà la version projet du texte.
On ne manquera toutefois pas de relever que dans sa version publiée, le décret a notablement évolué dans sa rédaction par rapport à sa version projet. Par exemple, le décret du 17 novembre 2025 a supprimé la catégorie des emballages mixtes, là où la version projet avait uniquement supprimé la notion d’ « alimentaire ». La distinction reposant désormais sur les emballages ménagers et professionnels, laquelle pourra être précisée par un arrêté « périmètre » pris par la ministre chargée de l’environnement (un tel projet d’arrêté avait d’ailleurs été soumis à consultation publique, en même temps que le projet de cahier des charges).
Il est difficile d’anticiper sur le cadre règlementaire de la future filière REP des emballages professionnels, dès l’instant où certaines précisions devront être apportées par le cahier des charges (prise en charge opérationnelle, modalités de détermination des coûts liés à la reprise des emballages usagés en vue de leur réemploi, barème d’éco-modulation, etc.).
Enfin, si les emballages de produits relevant d’autres filières REP et qui sont clairement identifiés au sein du décret, ne relèvent pas de la filière REP des emballages ménagers comme professionnels, le décret n’apporte aucune précision sur les modalités de compensation des coûts dans le cas où les déchets d’emballages relevant de ces produits seraient pris en charge par le ou les éco-organismes agréés au titre de la REP des emballages.
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