En bref
Hydroélectricité : modifications des modalités d’expérimentation du dispositif du médiateur
Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) : Modification des dispositions relatives à l’élaboration, la modification et la révision des SAGE
Déchets : Assouplissement des conditions pour la reprise des déchets de construction par les distributeurs
Certificats d’économie d’énergie : Publication au JO de ce jour de l’arrêté du 18 novembre 2024 modifiant plusieurs textes règlementaires relatifs aux opérations standardisées d’économie d’énergie
Climat : les points clés de l’Accord de Paris adopté le 12 décembre 2015 à la COP 21
La 21ème Conférence des Parties à la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques a adopté, ce samedi 12 décembre 2015, une décision et l’Accord de Paris. Analyse des éléments clés d’un accord historique.
Un accord historique. L’Accord adopté à Paris doit encore être signé. Toutefois, il s’agit déjà d’un accord historique pour les raisons suivantes
– Pour la première fois, un accord international a été adopté par tous les représentants de 195 Etats et l’Union européenne. Alors même que ces Etats sont parfois en guerre ou confrontés à des crises économiques et écologiques importantes, ils ont tous permis l’adoption de cet accord.
– Toutes ces Parties confirment par écrit la réalité du changement climatique et la réalité de ses conséquences qui se font déjà sentir.
– Toutes ces Parties confirment la nécessité de fixer un seuil à ne pas dépasser pour que l’élévation de la température moyenne à la surface du globe ne produise pas des effets irréversibles qui seraient de nature à compromettre la survie de l’humanité.
– Le processus onusien de négociation encadré par la Convention de 1992 sur les changements climatiques peut se poursuivre. Après la COP 15 de Copenhague, il n’est pas certain qu’il aurait pu survivre à un deuxième échec. La lutte contre les changements climatiques reste ainsi dans l’agenda politique mondial.
– l’Accord de Paris n’est pas une énième déclaration, telle celle qui avait été adoptée lors de la COP 15 à Copenhague. L’Accord de Paris n’est pas une pétition de principe ou un vœu qui sont déjà nombreux en droit international. Il s’agit d’un véritable accord international qui définit, certes de manière plus ou moins précise, les engagements pris par l’ensemble des Etats qui le ratifieront.
Les niveaux de lecture de l’Accord de Paris. Il faut distinguer les différents niveaux de lecture de ce texte avant d’en faire un commentaire.
– Du point de vue scientifique, cet Accord est sans doute insuffisant à lui seul pour permettre de réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Personne ne peut sérieusement soutenir que la rédaction de cet accord répond à elle seule au plus grand défi de ce siècle. Personne ne peut non plus sérieusement soutenir avoir un projet alternatif à cet accord pour engager la communauté internationale.
– Du point de vue juridique, l’Accord de Paris n’est pas juridiquement contraignant au sens où il ne définit pas d’obligations susceptibles de faire l’objet de sanctions administratives ou judiciaires. Il n’est pas non plus certain qu’il puisse être invoqué devant un juge national pour en obtenir le respect effectif par un Etat. Toutefois, il met en place un certain nombre d’instruments pour assurer la « transparence » des engagements pris par les Etats. En d’autres termes : il créé un risque de réputation. Un risque non négligeable qui a conduit, en 2015, la quasi-totalité des Etats a publier leurs INDC (engagements nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre). A la suite de l’échec de la COP 15 de Copenhague, la logique des négociations a été inversée, particulièrement lors de la COP de Durban. D’une logique « haut vers le bas », les négociations sont passées à une logique « bas vers le haut ». Il ne s’agit plus de tenter d’imposer des contraintes aux Etats et de leur demander des transferts de souveraineté mais de les engager à agir.
– Du point de vue politique, cet accord est historique. Pour la première fois depuis la création de l’ONU, 196 Parties se sont mises d’accord sur un même engagement contre le changement climatique, malgré leurs différences et les conflits, voire les guerres qui peuvent les opposer.
Un accord contraignant. A la suite de l’adoption de l’Accord de Paris ce 12 décembre 2015, un débat s’est engagé sur le point de savoir si cet accord est ou non contraignant. En d’autres termes, cet accord peut-il obliger les Etats à respecter leurs engagements ?
Comme cela vient d’être précisé, cet accord ne prévoit pas de sanction administrative ou judiciaire. Il ne prévoit pas la création d’un Tribunal international de la justice climatique comme certains versions préalables du projet d’accord le précisaient. Il comporte cependant un certain nombre d’instruments qui doivent permettre, d’assurer la transparence, la publicité des efforts consentis par les Etats en matière de lutte contre le changement climatique.
Les principaux instruments sont les suivants destinés à assurer la sincérité et à pérenniser les engagements des Parties sont les suivants :
– les mesures de l’action renforcée avant 2020 définies au IV de la décision de la COP (participation de haut niveau)
– la création ou la poursuite des travaux de Groupes et de Comités chargés d’organiser, d’encourager mais aussi de rendre publics les engagements des Parties, et ce, parfois avant l’entrée en vigueur de l’Accord : Groupe de travail spécial de l’Accord de Paris (§7 de la décision), Comité de l’adaptation (§42 de la décision), Comité permanent du financement (§46 et 64 de la décision), Comité exécutif du Mécanisme international de Varsovie (§49 de la décision), Comité exécutif de la technologie (§66 de la décision), Comité de Paris sur le renforcement des capacités (§72 de la décision)
– la communication par les Parties de leurs « contributions déterminées au niveau national à la riposte mondiale aux changements climatiques » (article 3 de l’Accord). Leur publication sur internet par le Secrétariat (§14 de la décision).
– le cadre de transparence (article 13 de l’Accord).
– les attributions de « La Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’Accord de Paris », laquelle « fait périodiquement le bilan de la mise en œuvre du présent Accord afin d’évaluer les progrès collectifs accomplis dans la réalisation de l’objet du présent Accord et de ses buts à long terme » (articles 14 et 16 de l’Accord notamment).
– le bilan mondial de la mise en œuvre de l’Accord afin d’évaluer les progrès collectifs accomplis dans la réalisation de l’objet du présent Accord et de ses buts à long terme. Bilan mondial réalisé par la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’Accord de Paris en 2023 puis tous les 5 ans (article 14 de l’Accord)
– le Comité d’experts du mécanisme pour faciliter la mise en oeuvre et promouvoir le respect des dispositions du présent Accord et en promouvoir le respect (article 15 de l’Accord).
– la participation d’observateurs, dont les ONG, aux sessions de la Conférence des Parties à l’Accord de Paris. L’article 16 de l’Accord précise en effet que « Tout organe ou organisme, national ou international, gouvernemental ou non gouvernemental, qui est compétent dans les domaines visés par le présent Accord et qui a fait savoir au secrétariat qu’il souhaitait être représenté en qualité d’observateur à une session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’Accord de Paris peut y être admis en cette qualité à moins qu’un tiers au moins des Parties présentes n’y fassent objection. L’admission et la participation d’observateurs sont régies par le règlement intérieur visé au paragraphe 5 du présent article. »
L’Accord de Paris ne prévoit toutefois pas la mise en place d’un Comité d’exécution ou d’un Tribunal international de la justice climatique.
Avancées et limites de la décision de la COP 21 et de l’Accord de Paris
Parmi les avancées :
– L’objectif de l’Accord de Paris de contenir l’élévation de la température moyenne de la planète. L’article 2 précise : « Contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement les risques et les effets des changements climatiques;«
– L’effet cliquet des INDC. L’article 4 de l’Accord dispose : « La contribution déterminée au niveau national suivante de chaque Partie représentera une progression par rapport à la contribution déterminée au niveau national antérieure et correspondra à son niveau d’ambition le plus élevé possible, compte tenu de ses responsabilités communes mais différenciées et de ses capacités respectives, eu égard aux contextes nationaux différents. »
– l’importance accordée à « l’éducation, la formation, la sensibilisation, la participation du public et l’accès de la population à l’information dans le domaine des changements climatiques » (article 12 de l’Accord).
– Le préambule de l’Accord entérine la notion de « justice climatique » : « Notant qu’il importe de veiller à l’intégrité de tous les écosystèmes, y compris les océans, et à la protection de la biodiversité, reconnue par certaines cultures comme la Terre nourricière, et notant l’importance pour certaines de la notion de « justice climatique », dans l’action menée face aux changements climatiques ».
Parmi les limites de la décision et de l’Accord de Paris, on notera :
– l’absence de référence au développement des énergies renouvelables à l’exception de la mention suivante dans le préambule de la décision : « Considérant la nécessité de promouvoir l’accès universel à l’énergie durable dans les pays en développement, en particulier en Afrique, en renforçant le déploiement d’énergies renouvelables« .
– l’absence de date précise à laquelle les Etats doivent plafonner leurs émissions de gaz à effet de serre. l’article 4 de l’Accord précise : « En vue d’atteindre l’objectif de température à long terme énoncé à l’article 2, les Parties cherchent à parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais (…).
– l’imprécision de l’engagement relatif au financement de la lutte contre le changement climatique « dans le cadre d’un effort mondial » (article 9 §3 de l’Accord).
– l’imprécision de la référence à la tarification du carbone au sein du V de la décision (Entités non parties) : « Reconnaît aussi combien il importe de fournir des incitations aux activités de réduction des émissions, s’agissant notamment d’outils tels que les politiques nationales et la tarification du carbone ».
– le bilan mondial qui ne sera réalisé qu’en 2023 par la Conférence des Parties à l’Accord de Paris (CMA- article 14 de l’Accord).
– la réduction de la portée de l’article 8 de l’Accord de Paris (Pertes et préjudices) par la décision de la COP 21 : »52. Convient que l’article 8 de l’Accord ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation« .
– Certaines références, même à titre déclaratif, manquent. Sur les transports ou l’économie circulaire notamment.
L’objectif : contenir l’élévation du niveau de la température moyenne de la planète « nettement en dessous de 2°C)
L’article 2 de l’Accord de Paris fixe un objectif chiffré : il s’agit de « contenir » « l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, étant entendu que cela réduirait sensiblement les risques et les effets des changements climatiques«
L’article 4 de l’Accord précise en outre, qu’en vue d’atteindre cet objectif de température à long terme :
– les Parties cherchent à parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais, étant entendu que le plafonnement prendra davantage de temps pour les pays en développement parties, et à opérer des réductions rapidement par la suite conformément aux meilleures données scientifiques disponibles
– de façon à parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle, sur la base de l’équité, et dans le contexte du développement durable et de la lutte contre la pauvreté.
Le financement de l’atténuation et de l’adaptation
D’ici à 2020 : 100 milliards de dollars par an. Aux termes du §115 de sa décision du 12 décembre 2015, la COP 21 « demande fermement aux pays développés parties d’amplifier leur aide financière, en suivant une feuille de route concrète afin d’atteindre l’objectif consistant à dégager ensemble 100 milliards de dollars des États-Unis par an d’ici à 2020 pour l’atténuation et l’adaptation tout en augmentant sensiblement le financement de l’adaptation par rapport aux niveaux actuels et continuer à fournir un appui approprié en matière de technologies et de renforcement des capacités;«
Avant 2025 : nouvel objectif chiffré au-dessus de 100 milliards de dollars par an. Le §54 de la décision du 12 décembre 2015 précise qu’avant 2025, « la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’Accord de Paris fixe un nouvel objectif chiffré collectif à partir d’un niveau plancher de 100 milliards de dollars par an, en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement« .
L’article 9 de l’Accord de Paris ne comporte pas d’objectif chiffré mais dispose que « Dans le cadre d’un effort mondial, les pays développés parties devraient continuer de montrer la voie en mobilisant des moyens de financement de l’action climatique provenant d’un large éventail de sources, d’instruments et de filières, compte tenu du rôle notable que jouent les fonds publics, par le biais de diverses actions, notamment en appuyant des stratégies impulsées par les pays et en tenant compte des besoins et des priorités des pays en développement parties. Cette mobilisation de moyens de financement de l’action climatique devrait représenter une progression par rapport aux efforts antérieurs ».
Conclusion.
La décision de la COP 21 et l’Accord de Paris comportent nombre d’avancées importantes pour la lutte contre le changement climatique. Ils sont également intéressants par ce qu’ils révèlent :
– une prise de conscience et une dynamique, tant des Etats que des « Entités non Parties ».
– un engouement lors de la COP elle-même pour le développement des énergies renouvelables
– la nécessité de moderniser le droit international de l’environnement pour associer plus étroitement les « Entités non Parties » mais aussi les Juges nationaux.
Arnaud Gossement
Cabinet Gossement Avocats
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