Contentieux : le Gouvernement souhaite accélérer le traitement des recours en justice dirigés contre certaines installations agricoles (décret n°2024-423 du 10 mai 2024)

Mai 11, 2024 | Environnement

Le Gouvernement a publié, au journal officiel du 11 mai 2024, le décret n°2024-423 du 10 mai 2024 portant adaptation de la procédure contentieuse relative aux ouvrages hydrauliques agricoles, aux installations classées pour la protection de l’environnement en matière d’élevage et aux autorisations environnementales. Ce décret comporte plusieurs mesures pour accélérer le traitement, par les tribunaux administratifs, des recours dirigés contre certaines installations agricoles. Présentation. 

Résumé

1. Création d’un nouveau cas de cristallisation des moyens devant le juge administratif saisi (article 1er)
2. Création d’une nouvelle obligation de notification du recours (article 2)
3. Définition d’une durée maximale de traitement des recours par les tribunaux administratifs, fixée à 10 mois (article 2)
4. Suppression du double degré de juridiction pour le contentieux de certaines installations et activités agricoles (article 3)
  • attribution d’une compétence de premier et dernier ressort du tribunal administratif de Paris pour statuer sur les recours dirigés les décisions d’autorisation ou de refus d’autorisation en matière d’ouvrages hydrauliques agricoles (nouvel article R. 811-1-3 du code de justice administrative). .
  • attribution d’une compétence de premier et dernier ressort à tous les tribunaux administratifs pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions d’autorisation ou de refus d’autorisation d’installations classées pour la protection de l’environnement relatives à l’élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes, ainsi qu’à la pisciculture, aux couvoirs et à l’élevage intensif de volailles ou de porcs(nouvel article R. 811-1-4 du code de justice administrative). 
5. Réduction du délai de recours contentieux de 4 à 2 mois (article 4) pour l’ensemble des installations classées.
Ce décret s’applique aux décisions administratives relevant de son champ d’application et prises à compter du 1er septembre 2024 (article 5).
Commentaire général
1. Le décret n°2024-835 du 10 mai 2024 correspond à la promesse formulée par le Premier ministre le 26 janvier 2024 à la suite du mouvement de protestations d’agriculteurs d’accélérer le traitement des recours dirigés contre des installations agricoles. Les mesures annoncées par le Premier ministre, le 26 janvier 2024 et relatives aux recours devant les juridictions administratives étaient les suivantes
  • réduction du délai de recours de 4 à 2 mois
  • suppression d’un « échelon de juridiction pour arrêter les allers retours devant le juge »

2. Le décret n°2024-835 du 10 mai 2024 comporte plusieurs mesures destinées à réduire le délai de traitement des recours par les juridictions administratives. Il n’est toutefois pas certain que ces mesures permettent de réaliser cet objectif. 

  • Création d’un nouveau cas de cristallisation des moyens devant le juge administratif saisi (article 1er). L’intérêt de cette mesure est limité. Elle amène surtout les parties à développer le plus grand nombre de moyens dés leur requête introductive d’instance. Ce qui encourage la rédaction de requêtes fort longues qui, à l’inverse du but recherché, contribuent à allonger les délais d’instruction des recours. 
  • Création d’une nouvelle obligation de notification du recours (article 2). Cette mesure, qui existe depuis 1994 dans le contentieux de l’urbanisme (Loi n° 94-112 du 9 février 1994 portant diverses dispositions en matière d’urbanisme et de construction) a surtout pour effet d’amener les parties et les juges à consacrer trop de temps à cette formalité au préjudice du fond. 
  • Définition d’une durée maximale de traitement des recours par les tribunaux administratifs, fixée à 10 mois (article 2). Le non respect de ce délai n’emportera aucune conséquence. Les parties peuvent avoir intérêt à ce que la procédure soit, parfois, plus longue, notamment pour permettre une régularisation de la décision attaquée ou l’organisation d’une expertise, d’une médiation. 
  • Suppression du double degré de juridiction pour le contentieux de certaines installations et activités agricoles (article 3). Il serait utile de vérifier, par une étude d’impact rigoureuse, si une telle mesure a réellement un impact sur la durée totale d’un contentieux. Il est, à l’inverse certain, que le bénéficiaire d’une autorisation annulée en premier et dernier ressort, pourra lui-même regretter de ne pas disposer d’un double degré de juridiction. 
  • Réduction du délai de recours contentieux de 4 à 2 mois (article 4). A notre connaissance, aucune étude ne démontre qu’une réduction du délai de recours de quatre à deux mois aurait pour effet de réduire le nombre des recours. Le seul effet certain de cette mesure tient à ce que les recours seront introduits plus rapidement. Toutefois, même si cela n’était pas le but recherché, une harmonisation à deux mois du délai de recours devant le juge administratif peut avoir pour un intérêt en termes de simplification d’une procédure juridictionnelle qui est, par ailleurs, considérablement compliquée.
3. A notre sens et en fonction de notre expérience du contentieux administratif, ce décret comporte des réponses incertaines à une bonne question, celle de la durée totale des contentieux. Le renforcement des moyens des juridictions administratives, le développement des modes alternatifs de règlement des litiges, la simplification du droit pour limiter les discussions très pointues de nombreuses questions de droit sont au nombres des pistes à poursuivre. Du point de vue moins juridique mais plus politique (au sens noble), la réorientation de notre modèle agricole vers des solutions plus durables permettrait aussi de réduire les conflits qui dégénèrent devant les juges. 
En toute hypothèse, ce décret n’aura aucun effet sur le contentieux des bassines ou « méga bassines » pour lesquelles des décisions d’autorisation ou de refus d’autorisation de l’administration ont déjà été prises. En effet ce décret du 10 mai 2024 s’applique aux décisions administratives relevant de son champ d’application et prises à compter du 1er septembre 2024 (article 5).
4. Le décret n°2024-835 du 10 mai 2024 contribue malheureusement à la complexification de la procédure devant les juridictions administratives. Alors que le code de justice administrative était d’une structure assez simple, les régimes spéciaux se multiplient depuis quelques années. 
Commentaire détaillé
Nous reprendrons dans les développements qui suivent, les mesures du décret n°2024-835 du 10 mai 2024 sans, toutefois, respecter l’ordre des articles de ce texte.
I. La compétence de premier et dernier ressort des tribunaux administratifs pour le contentieux de certaines installations agricoles (article 3)
La principale mesure du décret n°2024-835 du 10 mai 2024 tient à l’attribution d’une compétence de premier et dernier ressort aux tribunaux administratifs pour statuer sur les recours dirigés contre certaines décisions relatives à certaines activités agricoles. Le degré de juridiction des cours administratives d’appel est donc supprimé dans l’objectif de réduire le délai total de traitement des recours contentieux. Le décret n°2024-835 du 10 mai 2024 établit deux listes de décisions pour lesquelles les recours seront instruits en premier et dernier ressort par des tribunaux administratifs : 
  • une liste des décisions relevant de la compétence de premier et dernier ressort du tribunal administratif de Paris (nouvel article R. 811-1-3 du code de justice administrative). Il s’agit, principalement, des décisions d’autorisation ou de refus d’autorisation en matière d’ouvrages hydrauliques agricoles.
  • une liste des décisions relevant de la compétence de premier et dernier ressort tous les tribunaux administratifs (nouvel article R. 811-1-4 du code de justice administrative). Il s’agit, principalement,  des décisions d’autorisation ou de refus d’autorisation d’installations classées pour la protection de l’environnement
    relatives à l’élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de
    gibiers à plumes, ainsi qu’à la pisciculture, aux couvoirs et à
    l’élevage intensif de volailles ou de porcs
A. La compétence de premier et dernier ressort du tribunal administratif de Paris
Les auteurs du décret n°2024-835 du 10 mai 2024 ont manifestement souhaité créer au sein du tribunal administratif de Paris, un pôle spécialisé dans le contentieux dit des « méga-bassines » du nom souvent attribué aux retenues d’eau de substitution.
Aux termes du nouvel article R. 811-1-3 du code de justice administrative créé par ce décret, le tribunal administratif de Paris est compétent en premier et dernier ressort pour connaître des litiges relatifs aux projets mentionnés au II de cet article et pour ce qui concerne les décisions mentionnées à son III. Il s’agit, principalement, des projets relatifs aux prélèvements et rejets d’eaux. 
Les projets concernés. Le tribunal administratif de Paris est seul compétent, en premier et dernier ressort, pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions relatives aux projets qui nécessitent des installations, ouvrages, travaux ou activités relevant des rubriques 1.1.2.0, 1.2.1.0, 1.2.2.0, 1.3.1.0, 3.2.3.0 et 3.2.5.0 de la nomenclature annexée à l’article R. 214-1 du code de l’environnement, à condition que ces projets poursuivent, à titre principal, une finalité agricole, que ce soit culturale, sylvicole, aquacole ou d’élevage.
Pour mémoire, il convient de rappeler l’intitulé des rubriques de la nomenclature des ICPE ici visées :
  • Rubrique 1120 : « Prélèvements permanents ou temporaires issus d’un forage, puits ou ouvrage souterrain dans un système aquifère, à l’exclusion de nappes d’accompagnement de cours d’eau, par pompage, drainage, dérivation ou tout autre procédé« 
  • Rubrique 1210  : « A l’exception des prélèvements faisant l’objet d’une convention avec l’attributaire du débit affecté prévu par l’article L. 214-9, prélèvements et installations et ouvrages permettant le prélèvement, y compris par dérivation, dans un cours d’eau, dans sa nappe d’accompagnement ou dans un plan d’eau ou canal alimenté par ce cours d’eau ou cette nappe »
  • Rubrique 1310 : « A l’exception des prélèvements faisant l’objet d’une convention avec l’attributaire du débit affecté prévu par l’article L. 214-9, ouvrages, installations, travaux permettant un prélèvement total d’eau dans une zone où des mesures permanentes de répartition quantitative instituées, notamment au titre de l’article L. 211-2, ont prévu l’abaissement des seuils« 
  • Rubrique 3230 : « Plans d’eau, permanents ou non« 
  • Rubrique 3250 : « Barrage de retenue et ouvrages assimilés relevant des critères de classement prévus par l’article R. 214-112. Les modalités de vidange de ces ouvrages sont définies dans le cadre des actes délivrés au titre de la présente rubrique.« 
Les décisions concernées. Pour les projets visées au II de l’article R.811-1-3 du code de justice administrative, le tribunal administratif de Paris est seul compétent pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions individuelles suivantes, y compris leur refus :
1° L’autorisation environnementale prévue à l’article L. 181-1 du code de l’environnement ;

2° L’absence d’opposition aux installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au II de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, ou l’arrêté de prescriptions particulières applicable à l’installation, l’ouvrage, les travaux ou l’activité objet de la déclaration ;
3° La dérogation prévue au 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;
4° L’absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000 en application du VI de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;
5° Le récépissé de déclaration ou l’enregistrement d’installations mentionnées aux articles L. 512-7 ou L. 512-8 du code de l’environnement ;
6° L’autorisation de défrichement prévue aux articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier ;
7° Les autorisations prévues aux articles L. 621-32 ou L. 632-1 du code du patrimoine ;
8° Les prescriptions archéologiques prises en application du 1° de l’article L. 522-1 du code du patrimoine ;
9° La décision de non-opposition à déclaration préalable ou le permis de construire, d’aménager ou de démolir prévus au livre IV du code de l’urbanisme ;
10° Les décisions relatives à la prorogation ou au transfert à un autre pétitionnaire ou exploitant d’une décision mentionnée au présent article ;
11° Les décisions modifiant ou complétant les prescriptions des décisions mentionnées au présent article.

B. La compétence de premier et dernier ressort des tribunaux administratifs, en général

Aux termes du nouvel article R.811-1-4 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs sont compétents pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs aux projets mentionnés au II de cet article pour ce qui concerne les décisions mentionnées au III du même article.
Les projets concernés. Les tribunaux administratifs sont compétents, en premier et dernier ressort, pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions relatives aux projets qui nécessitent une installation d’élevage relevant des rubriques 2101, 2102, 2110, 2111, 2112, 2130 ou 3660 de la nomenclature prévue par l’article R. 511-9 du code de l’environnement. Il s’agit des installations relatives à l’élevage de bovins, de porcs, de lapins, de volailles et de gibiers à plumes, ainsi qu’à la pisciculture, aux couvoirs et à l’élevage intensif de volailles ou de porcs
Les décisions concernées. Pour les projets mentionnés au II de l’article R.811-1-4 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs sont compétents, en premier et dernier ressort, pour statuer sur les recours dirigés contre les décisions individuelles suivantes, y compris leur refus :

1° L’autorisation environnementale prévue à l’article L. 181-1 du code de l’environnement
2° L’absence d’opposition aux installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au II de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, ou l’arrêté de prescriptions particulières applicable à l’installation, l’ouvrage, les travaux ou l’activité objet de la déclaration ;
3° La dérogation prévue au 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement ;
4° L’absence d’opposition au titre du régime d’évaluation des incidences Natura 2000 en application du VI de l’article L. 414-4 du code de l’environnement ;
5° Le récépissé de déclaration ou l’enregistrement d’installations mentionnées aux articles L. 512-7 ou L. 512-8 du code de l’environnement ;
6° L’autorisation de défrichement prévue aux articles L. 214-13, L. 341-3, L. 372-4, L. 374-1 et L. 375-4 du code forestier ;
7° Les autorisations prévues aux articles L. 621-32 ou L. 632-1 du code du patrimoine ;
8° Les prescriptions archéologiques prises en application du 1° de l’article L. 522-1 du code du patrimoine ;
9° La décision de non-opposition à déclaration préalable ou le permis de construire, d’aménager ou de démolir prévus au livre IV du code de l’urbanisme ;
10° Les décisions relatives à la prorogation ou au transfert à un autre pétitionnaire ou exploitant d’une décision mentionnée au présent article ;
11° Les décisions modifiant ou complétant les prescriptions des décisions mentionnées au présent article.

II. La définition d’une durée maximale de traitement des recours par les tribunaux administratifs, fixée à 10 mois (article 2)

L’article 2 du décret n°2024-423 du 10 mai 2024 a inséré, au sein du code de justice administrative, un nouvel article R. 77-15-2 qui précise que le juge administratif, saisi d’un recours relevant des articles R. 811-1-3 ou R. 811-1-4 du même code, doit statuer dans un délai de dix mois : « Saisi d’un litige régi par les articles R. 811-1-3 ou R. 811-1-4, le juge statue dans un délai de dix mois. »
L’intérêt de cette mesure est limité.

En premier lieu, Le nouvel article R. 77-15-2 du code de justice administrative n’a défini aucune conséquence en cas de méconnaissance du délai de dix mois. Ainsi, le Gouvernement n’a pas souhaité créer ici une nouvelle procédure toboggan » à l’image de celle qui a été créée pour certaines installations de production d’énergies renouvelables (cf. notre commentaire).
Pour mémoire, le décret n°2022-1379 du 29 octobre 2022, publié au journal officiel du 30 octobre 2022, a créé un régime contentieux spécial pour les autres installations de production d’énergie renouvelable. a créé l’article R.311-6 du code de justice administrative dont les caractéristiques principales sont les suivantes :
  • Ce décret intéresse le régime des recours dirigés contre les autorisations administratives délivrées pour les installations de production d’énergie renouvelable, autres que l’éolien en mer ou terrestre.
  • Il a créé un délai de recours – non prorogeable – de deux mois pour demander l’annulation de ces décisions devant le juge administratif
  • Il a imposé un délai d’instruction maximal des recours de dix mois. Passé ce délai, chaque juridiction est dessaisie au profit de la juridiction de rang supérieur.

En deuxième lieu, il peut arriver que les parties au procès administratif – et parfois le bénéficiaire de l’autorisation lui-même – aient intérêt à ce que la procédure d’instruction du recours soit plus longue. Cela est notamment le cas lorsqu’il est possible de procéder à la régularisation de l’autorisation litigieuse ou lorsque les parties souhaitent recourir à la médiation.

En troisième lieu, ce décret pourrait avoir une portée assez réduite quant au délai réel d’instruction des recours. S’il créé un délai d’instruction maximal des recours de dix mois, il convient de rappeler que, aux termes du rapport d’activité du Conseil d’Etat pour l’année 2021, le délai moyen de jugement des affaires est de de 9 mois et 16 jours devant les tribunaux administratifs (-10 % entre 2011 et 2021). Il s’agit, certes, d’un délai moyen, toutes affaires confondues et devant tous les tribunaux administratifs. Il est donc possible que la définition d’un délai maximal de 10 mois ait pour effet un léger raccourcissement de ce délai, notamment devant certains tribunaux administratifs dotés d’un stock conséquent de dossiers. Il faut aussi avoir présent à l’esprit que le traitement prioritaire de certains dossiers peut avoir pour effet d’allonger celui des autres.

III. La création d’une nouvelle obligation de notification du recours (article 2)
Aux termes de l’article 2 du décret n°2024-423 du 10 mai 2024, le Gouvernement a créé une obligation, pour l’auteur d’un recours dirigé contre les projets visés au , de notification de son recours. Cette obligation de notification est inscrite au sein du nouvel article R. 77-15-1 du code de justice administrative. 
Cette nouvelle obligation de notification est en grande partie identique, par son contenu, à celles déjà existantes au sein du code de l’urbanisme et du code de l’environnement. A savoir :
  • L’obligation de notification du déféré du préfet ou du recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le code de l’urbanisme, définie à l’article R.600-1 du code de l’urbanisme.
  • L’obligation de notification du recours dirigé contre une décision relative à l’autorisation environnementale des projets, définie à l’article R.181-50 du code de l’environnement.

Les recours concernés par l’obligation de notification. Cette obligation de notification du recours à l’auteur et au bénéficiaire de la décision contestée intéresse :

  • le recours administratif préalable à peine de non prorogation du délai de recours contentieux ;
  • le recours contentieux, à peine d’irrecevabilité de la requête ;
  • le recours tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un tel litige, à peine d’irrecevabilité de la requête.

L’alinéa 1er du nouvel article R. 77-15-1 du code de justice administrative dispose en effet :

« I. – Sans préjudice des articles R. 600-1 du code de l’urbanisme et R. 181-51 du code de l’environnement, en cas de recours contentieux des tiers intéressés se rapportant aux litiges régis par les articles R. 811-1-3 ou R. 811-1-4, l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au bénéficiaire de la décision. Cette notification doit être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un tel litige. L’auteur d’un recours administratif est également tenu de le notifier au bénéficiaire de la décision à peine de non prorogation du délai de recours contentieux.« 

Les modalités de notification. Les alinéas 2 et 3 du nouvel article R.77-15-1 du code de justice administrative précisent quelles sont les modalités d’exécution de l’obligation de notification des recours :

  • La notification du recours doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours contentieux ou de la date d’envoi du recours administratif (alinéa 2 du nouvel article R.77-15-1 du code de justice administrative)
  • La notification du recours à l’auteur de la décision et, s’il y a lieu, au bénéficiaire de la décision est réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec avis de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux (alinéa 3 du nouvel article R.77-15-1 du code de justice administrative)

L’obligation de publicité de l’obligation de notification. Le II du nouvel article R.77-15-1 du code de justice administrative dispose que l’affichage ou la publication des décisions administratives à l’endroit desquelles le recours doit répondre à une obligation de notification doivent mentionner cette obligation de notification :

« II. – Pour les décisions mentionnées aux articles R. 811-1-3 et R. 811-1-4, lorsqu’elles sont afférentes aux projets mentionnés par ces mêmes articles, l’affichage ou la publication mentionnent l’obligation de notifier tout recours administratif ou contentieux à l’auteur de la décision et au bénéficiaire de la décision, à peine, selon le cas, de non prorogation du délai de recours contentieux ou d’irrecevabilité du recours contentieux.« 

Le III du nouvel article R.77-15-1 du code de justice administrative précise que cette obligation de publicité de l’obligation de notification vaut également pour les décisions de refus de retrait ou d’abrogation des décisions relevant de cette obligation de notification :

« III. – Les dispositions du présent article sont applicables à une décision refusant de retirer ou d’abroger une décision mentionnée aux articles R. 811-1-3 ou R. 811-1-4. Cette décision de refus mentionne l’obligation de notifier tout recours administratif ou contentieux à l’auteur de la décision et au bénéficiaire de la décision, à peine, selon le cas, de non prorogation du délai de recours contentieux ou d’irrecevabilité du recours contentieux.« 

IV. La cristallisation des moyens (article 1er)

L’article 1er du décret n°2024-423 du 10 mai 2024 étend la portée de l’article R. 611-7-2 du code de justice administrative relatif à la « cristallisation des moyens » Cette expression désigne l’interdiction pour les parties au procès administratif d’invoquer de nouveaux moyens (arguments) passé un délai de deux mois à compter de la communication à ces parties du premier mémoire en défense.

Cette procédure dite de la « cristallisation des moyens » a été créée pour tenter de réduire les délais d’instruction des recours devant les juridictions administratives en mettant un terme à la stratégie – de certaines parties – consistant à égrener de nouveaux moyens à la veille des dates de clôture d’instruction et ce, afin d’obtenir leurs reports.

La cristallisation des moyens intervenait, jusqu’à présent, dans le contentieux de décisions mentionnées à l’article R.311-5 du code de justice administrative. Cet article comporte une liste des décisions dont le contentieux est traité, en premier et dernier ressort par les cours administratives d’appel. Il s’agit des décisions, y compris leur refus, relatives aux installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent classées au titre de l’ article L. 511-2 du code de l’environnement , à leurs ouvrages connexes, ainsi qu’aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés

L’article R.611-7-2 du code de justice administrative, tel que modifié par l’article 1er décret n°2024-423 du 10 mai 2024, est ainsi rédigé :

« Par dérogation à l’article R. 611-7-1, et sans préjudice de l’application de l’article R. 613-1, lorsque la juridiction est saisie d’un litige régi par les articles R. 311-5, R. 811-1-3 ou R. 811-1-4, les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux passé un délai de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense. Cette communication s’effectue dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article R. 611-3 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement, ou le magistrat qu’il désigne à cet effet, peut, à tout moment, fixer une nouvelle date de cristallisation des moyens lorsque le jugement de l’affaire le justifie. »

La cristallisation des moyens intéressera donc, désormais, aussi le contentieux des décisions visées par deux articles du code de justice administrative créés à l’article 3 du décret n°2024-423 du 10 mai 2024
  • L’article R.811-1-3 est relatif aux décisions pour lesquelles le tribunal administratif de Paris est compétent en premier et dernier ressort
  • L’article R.811-1-4 est relatif aux décisions pour lesquelles les autres tribunaux administratifs sont compétents en premier et dernier ressort.

V. La réduction du délai de recours contentieux de 4 à 2 mois (article 4)
L’article 4 du décret modifie la rédaction des articles R.181-50 (contentieux de l’autorisation environnementale) et R.514-3-1 du code de l’environnement (contentieux IOTA et ICPE) de manière préciser que les recours contentieux dont le régime est modifié par le décret n°2024-423 du 10 mai 2024 :
  • peuvent être précédés d’un recours administratif dont l’exercice interrompt le cours du délai de recours, conformément à l’article L.411-2 du code des relations entre le public et l’administration.
  • doivent être introduits dans un délai de recours réduit de 4 à 2 mois. Il n’est pas certain que cette réduction du délai de recours contentieux ait un effet sur le nombre total des recours déposés.

Arnaud Gossement

avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne

A lire également :

Note du 31 octobre 2022 – Energies renouvelables : création d’un troisième régime de recours devant le juge administratif (Décret n°2022-1379 du 29 octobre 2022 relatif au régime juridique applicable au contentieux des décisions afférentes aux installations de production d’énergie à partir de sources renouvelables (hors énergie éolienne) et aux ouvrages des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité)

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