Déchets de construction : le Maire doit exercer ses pouvoirs de police (Conseil d’Etat)

Oct 17, 2017 | Environnement

Par arrêt n°397031 du 13 octobre 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’identité du responsable d’abandons irréguliers de déchets de construction sur un terrain : la responsabilité du propriétaire détenteur ne peut être recherchée qu’à défaut de producteur connu. En outre, le Conseil d’Etat précise que le Maire doit exercer ses pouvoirs de police municipale pour résorber de tels dépôts au risque d’engager la responsabilité de la commune.

Dans cette affaire, les propriétaires d’un terrain situé sur le territoire de la commune de Six-Fours-les-Plages ont demandé au tribunal administratif de Toulon d’enjoindre l’Etat et cette commune de remettre en état leur bien sur lequel ont été effectués des dépôts illicites de déchets de construction.

Leur demande a été rejetée par le Tribunal administratif de Toulon puis par la Cour administrative d’appel de Marseille.

L’arrêt rendu ce 13 octobre 2017 par le Conseil d’Etat présente deux intérêts :

– d’une part, il rappelle que le détenteur de déchets ne peut être recherché en responsabilité qu’à la condition (notamment) que le producteur desdits déchets ne soit pas connu ;

– d’autre part, il précise que le Maire est tenu d’exercer ses pouvoirs de police. Il ne s’agit pas d’une faculté mais d’une obligation.

I. La responsabilité du propriétaire d’un terrain détenteur de déchets ne peut être recherchée qu’à défaut de producteur connu de ces déchets

Sur ce premier point, l’arrêt du Conseil d’Etat confirme la jurisprudence existante. Au visa de l’article L.541-2 du code de l’environnement, il reproduit une analyse classique selon laquelle le propriétaire du terrain sur lequel sont irrégulièrement déposés des déchets peut être tenu de les éliminer « notamment s’il a fait preuve de négligence » :

« (…) que sont responsables des déchets au sens de ces dispositions, interprétées à la lumière des dispositions des articles 1er, 8 et 17 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative aux déchets, les seuls producteurs ou autres détenteurs des déchets ; qu’en l’absence de tout producteur ou de tout autre détenteur connu, le propriétaire du terrain sur lequel ont été déposés des déchets peut être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain ; « 

Au cas présent, le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur en vérifiant pas la réalité des allégations des requérants selon lesquelles les déchets irrégulièrement déposés sur leur terrain ont un « producteur connu » :

« 4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans leurs écritures de première instance et d’appel, les époux B…soutenaient qu’ils ne pouvaient être regardés comme les détenteurs des déchets entreposés sur leur parcelle au sens des dispositions précitées dès lors que leur producteur pouvait être identifié ; qu’ils faisaient notamment valoir que l’essentiel des déchets entreposés sur leur terrain provenait de l’activité illégale de l’entreprise M., en relevant en particulier que celle-ci avait procédé en 2005, pour le compte de la commune de Six-Fours-les-Plages, à la démolition d’une passerelle dont des morceaux avaient été retrouvés sur leur parcelle ; qu’en énonçant  » qu’il est constant que les déchets litigieux déposés sur le terrain des époux B…avant l’année 2009 (…) ne proviennent pas de producteurs ou autres détenteurs connus « , alors que les requérants élevaient sur ce point une contestation expresse et précise, la cour s’est méprise sur la portée de leurs écritures ;« 

Il appartiendra par conséquent à la Cour saisie sur renvoi de vérifier le bien-fondé de cette « contestation expresse et précise » des requérants.

II. Le maire doit exercer ses pouvoirs de police pour prévenir les dépôts illicites de déchets

C’est sans doute le point le plus important de cet arrêt. Historiquement, le juge administratif a pu se montrer réservé sur la possibilité pour le Maire d’exercer ses pouvoirs de police municipale, a fortiori à l’endroit de déchets déposés sur le site d’une installation classée (ICPE). Plus récemment, dans le cadre de l’affaire « Wattelez », le Conseil d’Etat a pu juger que le Maire peut exercer ses pouvoirs de police pour assurer l’élimination de déchets illicites sur le site d’une ICPE.

Restait à savoir si le Maire « peut » ou « doit » faire usage de ses pouvoirs de police.

L’article L. 541-3 du code de l’environnement, reproduit dans cet arrêt, dispose :

« En cas de pollution des sols, de risque de pollution des sols, ou au cas où des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d’office l’exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable (…)  » (nous soulignons).

L’emploi du verbe « pouvoir » pourrait laisser penser que le Maire n’est pas dans l’obligation d’agir. Ce n’est pas cette interprétation qui retenue par le Conseil d’Etat.

L’arrêt du 13 octobre 20147 précise en effet :

 » (…) qu’il résulte de ces dispositions que l’autorité investie des pouvoirs de police municipale doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l’élimination des déchets dont l’abandon, le dépôt ou le traitement présente des dangers pour l’environnement ; » (nous soulignons)

Ainsi, le Maire, en sa qualité d’autorité investie des pouvoirs de police municipale « doit » intervenir pour éliminer des dépôts illicites de déchets. Son abstention peut alors constituer une faute susceptible d’engager la responsabilité de la commune.

Au cas d’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit en ne réalisant pas un « plein contrôle » sur le respect par le maire de son obligation d’agir :

« 6. Considérant que, s’agissant des déchets déposés dans le courant de l’année 2009, la cour a retenu que le refus de l’autorité titulaire du pouvoir de police de faire usage des pouvoirs que lui confère l’article L. 541-3 du code de l’environnement n’est illégal que s’il est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de la gravité de l’atteinte portée à l’environnement et qu’en l’espèce le maire de Six-Fours-les-Plages n’avait pas commis d’illégalité et n’avait, par suite, pas engagé la responsabilité de la commune, en s’abstenant d’assurer aux frais des intéressés l’enlèvement des déchets dont les producteurs avaient pu être identifiés ; qu’en se bornant à rechercher si l’abstention du maire était entachée d’erreur manifeste, alors qu’il lui appartenait d’exercer un plein contrôle sur le respect de l’obligation définie au point 5 ci-dessus, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; »(nous soulignons).

Conclusion

Aux termes de cette décision importante du Conseil d’Etat, le Maire est dans l’obligation d’exercer ces pouvoir de police qu’il tient de l’article L.541-3 du code de l’environnement. Lequel ne concerne pas uniquement les déchets mais également le « risque de pollution des sols ». Non seulement, le Maire doit agir mais, s’il ne le fait pas, la responsabilité de la commune peut être engagée. Nul doute que cet arrêt relance un débat sur les moyens des communes pour gérer ces risques.

Enfin, il sera intéressant d’étudier comment s’articulera cette obligation du maire avec celle de certains distributeurs, tenus à une obligation de reprise de ce même type de déchets. 

Arnaud Gossement

Avocat associé / Cabinet Gossement Avocats

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