En bref
Hydroélectricité : Modifications des modalités d’expérimentation du dispositif du médiateur
Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) : Modification des dispositions relatives à l’élaboration, la modification et la révision des SAGE
Déchets : Assouplissement des conditions pour la reprise des déchets de construction par les distributeurs
Certificats d’économie d’énergie : Publication au JO de ce jour de l’arrêté du 18 novembre 2024 modifiant plusieurs textes règlementaires relatifs aux opérations standardisées d’économie d’énergie
Déchets de construction : le Maire doit exercer ses pouvoirs de police (Conseil d’Etat)
Par arrêt n°397031 du 13 octobre 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’identité du responsable d’abandons irréguliers de déchets de construction sur un terrain : la responsabilité du propriétaire détenteur ne peut être recherchée qu’à défaut de producteur connu. En outre, le Conseil d’Etat précise que le Maire doit exercer ses pouvoirs de police municipale pour résorber de tels dépôts au risque d’engager la responsabilité de la commune.
Dans cette affaire, les propriétaires d’un terrain situé sur le territoire de la commune de Six-Fours-les-Plages ont demandé au tribunal administratif de Toulon d’enjoindre l’Etat et cette commune de remettre en état leur bien sur lequel ont été effectués des dépôts illicites de déchets de construction.
Leur demande a été rejetée par le Tribunal administratif de Toulon puis par la Cour administrative d’appel de Marseille.
L’arrêt rendu ce 13 octobre 2017 par le Conseil d’Etat présente deux intérêts :
– d’une part, il rappelle que le détenteur de déchets ne peut être recherché en responsabilité qu’à la condition (notamment) que le producteur desdits déchets ne soit pas connu ;
– d’autre part, il précise que le Maire est tenu d’exercer ses pouvoirs de police. Il ne s’agit pas d’une faculté mais d’une obligation.
I. La responsabilité du propriétaire d’un terrain détenteur de déchets ne peut être recherchée qu’à défaut de producteur connu de ces déchets
Sur ce premier point, l’arrêt du Conseil d’Etat confirme la jurisprudence existante. Au visa de l’article L.541-2 du code de l’environnement, il reproduit une analyse classique selon laquelle le propriétaire du terrain sur lequel sont irrégulièrement déposés des déchets peut être tenu de les éliminer « notamment s’il a fait preuve de négligence » :
« (…) que sont responsables des déchets au sens de ces dispositions, interprétées à la lumière des dispositions des articles 1er, 8 et 17 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative aux déchets, les seuls producteurs ou autres détenteurs des déchets ; qu’en l’absence de tout producteur ou de tout autre détenteur connu, le propriétaire du terrain sur lequel ont été déposés des déchets peut être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain ; «
Au cas présent, le Conseil d’Etat juge que la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur en vérifiant pas la réalité des allégations des requérants selon lesquelles les déchets irrégulièrement déposés sur leur terrain ont un « producteur connu » :
« 4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans leurs écritures de première instance et d’appel, les époux B…soutenaient qu’ils ne pouvaient être regardés comme les détenteurs des déchets entreposés sur leur parcelle au sens des dispositions précitées dès lors que leur producteur pouvait être identifié ; qu’ils faisaient notamment valoir que l’essentiel des déchets entreposés sur leur terrain provenait de l’activité illégale de l’entreprise M., en relevant en particulier que celle-ci avait procédé en 2005, pour le compte de la commune de Six-Fours-les-Plages, à la démolition d’une passerelle dont des morceaux avaient été retrouvés sur leur parcelle ; qu’en énonçant » qu’il est constant que les déchets litigieux déposés sur le terrain des époux B…avant l’année 2009 (…) ne proviennent pas de producteurs ou autres détenteurs connus « , alors que les requérants élevaient sur ce point une contestation expresse et précise, la cour s’est méprise sur la portée de leurs écritures ;«
Il appartiendra par conséquent à la Cour saisie sur renvoi de vérifier le bien-fondé de cette « contestation expresse et précise » des requérants.
II. Le maire doit exercer ses pouvoirs de police pour prévenir les dépôts illicites de déchets
C’est sans doute le point le plus important de cet arrêt. Historiquement, le juge administratif a pu se montrer réservé sur la possibilité pour le Maire d’exercer ses pouvoirs de police municipale, a fortiori à l’endroit de déchets déposés sur le site d’une installation classée (ICPE). Plus récemment, dans le cadre de l’affaire « Wattelez », le Conseil d’Etat a pu juger que le Maire peut exercer ses pouvoirs de police pour assurer l’élimination de déchets illicites sur le site d’une ICPE.
Restait à savoir si le Maire « peut » ou « doit » faire usage de ses pouvoirs de police.
L’article L. 541-3 du code de l’environnement, reproduit dans cet arrêt, dispose :
« En cas de pollution des sols, de risque de pollution des sols, ou au cas où des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d’office l’exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable (…) » (nous soulignons).
L’emploi du verbe « pouvoir » pourrait laisser penser que le Maire n’est pas dans l’obligation d’agir. Ce n’est pas cette interprétation qui retenue par le Conseil d’Etat.
L’arrêt du 13 octobre 20147 précise en effet :
» (…) qu’il résulte de ces dispositions que l’autorité investie des pouvoirs de police municipale doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l’élimination des déchets dont l’abandon, le dépôt ou le traitement présente des dangers pour l’environnement ; » (nous soulignons)
Ainsi, le Maire, en sa qualité d’autorité investie des pouvoirs de police municipale « doit » intervenir pour éliminer des dépôts illicites de déchets. Son abstention peut alors constituer une faute susceptible d’engager la responsabilité de la commune.
Au cas d’espèce, la Cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit en ne réalisant pas un « plein contrôle » sur le respect par le maire de son obligation d’agir :
« 6. Considérant que, s’agissant des déchets déposés dans le courant de l’année 2009, la cour a retenu que le refus de l’autorité titulaire du pouvoir de police de faire usage des pouvoirs que lui confère l’article L. 541-3 du code de l’environnement n’est illégal que s’il est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard de la gravité de l’atteinte portée à l’environnement et qu’en l’espèce le maire de Six-Fours-les-Plages n’avait pas commis d’illégalité et n’avait, par suite, pas engagé la responsabilité de la commune, en s’abstenant d’assurer aux frais des intéressés l’enlèvement des déchets dont les producteurs avaient pu être identifiés ; qu’en se bornant à rechercher si l’abstention du maire était entachée d’erreur manifeste, alors qu’il lui appartenait d’exercer un plein contrôle sur le respect de l’obligation définie au point 5 ci-dessus, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; »(nous soulignons).
Conclusion
Aux termes de cette décision importante du Conseil d’Etat, le Maire est dans l’obligation d’exercer ces pouvoir de police qu’il tient de l’article L.541-3 du code de l’environnement. Lequel ne concerne pas uniquement les déchets mais également le « risque de pollution des sols ». Non seulement, le Maire doit agir mais, s’il ne le fait pas, la responsabilité de la commune peut être engagée. Nul doute que cet arrêt relance un débat sur les moyens des communes pour gérer ces risques.
Enfin, il sera intéressant d’étudier comment s’articulera cette obligation du maire avec celle de certains distributeurs, tenus à une obligation de reprise de ce même type de déchets.
Arnaud Gossement
Avocat associé / Cabinet Gossement Avocats
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
Autorisation environnementale : précisions sur l’affichage de l’avis de consultation du public (arrêté du 18 novembre 2024)
La ministre de la transition écologique a publié au journal officiel du 29 novembre 2024, l'arrêté du 18 novembre 2024 modifiant l'arrêté du 9 septembre 2021 relatif à l'affichage des avis d'enquête publique, de participation du public par voie électronique et de...
Autorisation environnementale : les exigences du site internet dédié à la consultation publique sont précisées par arrêté
La ministre de la transition écologique a publié, au journal officiel du 27 novembre 2024, l'arrêté du 18 novembre 2024 relatif aux caractéristiques techniques du site internet prévu à l'article R. 181-36 du code de l'environnement. Cet arrêté très important définit...
Dérogation espèces protégées : nouvelle possibilité de refus de régularisation de l’autorisation environnementale par le juge administratif (Conseil d’Etat, 6 novembre 2024, n°477317)
Par une décision n°477317 du 6 novembre 2024, le Conseil d’Etat a précisé que le juge administratif peut refuser d’engager une procédure de régularisation d’une autorisation environnementale - délivrée pour l’exploitation d’une installation classée pour la protection...
Autorisation environnementale : précisions sur la régularisation de l’autorisation dans le cadre d’un sursis à statuer (CE, 18 novembre 2024, n°474372 mentionnée aux Tables)
Par un récent arrêt du 18 novembre 2024, n°474372, le Conseil d’Etat a apporté plusieurs précisions importantes en ce qui concerne la régularisation du ou des vices entachant d’illégalité une autorisation environnementale, à la suite d’un sursis à statuer prononcé par...
Agrivoltaïsme : dépôt d’une proposition de loi tendant à créer un bail rural à clauses agrivoltaïques
Une proposition de loi tendant à créer un bail rural à clauses agrivoltaïques vient d'être déposée au Sénat. L'objectif des parlementaires qui en sont les auteurs est d'accompagner et favoriser le développement de l'agrivoltaïsme. Présentation. La loi du 10 mars 2024...
[Communiqué] Energie renouvelable : le cabinet obtient le rejet du recours contre un permis de construire d’une unité de production de biogaz par méthanisation (Tribunal administratif de Caen, 9 octobre 2024, n°2200096)
Par un jugement n°2200096 du 9 octobre 2024, le tribunal administratif de Caen a rejeté le recours formé à l'encontre du permis de construire, obtenu par la société La Goyère, cliente du cabinet, pour la réalisation d'une unité production de biogaz par méthanisation....
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.