Déchets : précisions sur la portée rétroactive de la délibération qui modifie le montant de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (Conseil d’Etat)

Juil 24, 2019 | Environnement

Par arrêt du 11 juillet 2019 n°422577 (mentionné aux Tables), le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur la portée rétroactive d’une délibération fixant le montant de la redevance d’enlèvement d’ordures ménagères.

En l’espèce, un établissement public de coopération intercommunale, compétente pour l’élimination et la valorisation des déchets des ménages, a décidé d’instituer une redevance d’enlèvement des ordures ménagères sur son territoire.

Par des délibérations prises les 19 janvier 2012, 21 février 2013, 16 janvier 2014 et 2 avril 2015 l’établissement public a modifié le tarif de la redevance avec une portée rétroactive au 1er janvier de l’année N. Une société X a sollicité du juge de proximité l’annulation des titres exécutoires émis par la collectivité territoriale pour le recouvrement de cette redevance. Le juge de proximité a sursis à statuer et renvoyé devant le tribunal administratif la question de la légalité des délibérations, lequel a jugé que l’exception d’illégalité n’était pas fondée. La société X a formé un pourvoi en cassation contre ce jugement.

Le Conseil d’Etat annule le jugement du tribunal administratif. Sa décision retient l’attention sur les points suivants.

En premier lieu, en le rattachant au principe selon lequel  » Les règlements ne peuvent, en principe, légalement disposer que pour l’avenir  » (considérant 4 de l’arrêt), le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord que les délibérations fixant le tarif de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères n’ont aucune portée rétroactive.

Ce principe n’est pas inédit et le Conseil d’Etat avait déjà jugé en ce sens (cf. CE, 27 septembre 2010, n°311003 et CE, 6 mai 2011, n°339270). Il s’agit d’une jurisprudence désormais constante (cf. par exemple, CAA Nancy, 23 juillet 2015, n°15NC00213).

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat précise, ensuite, les circonstances suivant lesquelles une délibération fixant le tarif de la redevance pourrait avoir une portée rétroactive :

D’une part, lorsqu’une disposition législative l’y autorise ;

D’une part, lorsque l’intervention rétroactive d’une délibération est nécessaire à titre de régularisation pour remédier à une illégalité et mettre à la charge des usagers une obligation de payer en contrepartie du service dont ils ont bénéficié.

En troisième lieu, dans le prolongement de ce qui précède, le Conseil d’Etat juge qu’une délibération qui a pour effet de majorer le tarif d’une redevance pour service rendu ne peut légalement prévoir son application avant la date de son entrée en vigueur.

L’arrêt précise en effet que :

 » 4. Les règlements ne peuvent, en principe, légalement disposer que pour l’avenir. Il en résulte que, en l’absence de disposition législative l’y autorisant, et réserve faite des cas dans lesquels l’intervention rétroactive d’une délibération est nécessaire à titre de régularisation pour remédier à une illégalité et mettre à la charge des usagers une obligation de payer en contrepartie du service dont ils ont bénéficié, une délibération qui majore le tarif d’une redevance pour service rendu ne peut légalement prévoir son application avant la date de son entrée en vigueur. Par suite, si une délibération de l’organe délibérant d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales modifie les tarifs de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères en prévoyant une date d’entrée en vigueur rétroactive, cette délibération est entachée d’illégalité, mais seulement dans la mesure où la délibération a pour objet d’augmenter le montant de la redevance pour une période antérieure à la date de son entrée en vigueur. « 

Ainsi, il ressort de cet arrêt qu’une délibération qui modifie rétroactivement le tarif de la redevance d’enlèvement des ordures ménagères n’est illégale que dans la mesure où cette délibération a pour objet de majorer le tarif de la redevance pour une période antérieure à la date de son entrée en vigueur. 

Emma Babin – Avocate

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