Dérogation espèces protégées : la production d’énergies renouvelables et le développement des capacités de stockage d’énergie correspondent à l »objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement » (Conseil constitutionnel, 9 mars 2023, loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, n°2023-848 DC)

Mar 10, 2023 | Environnement

Par une décision n° 2023-848 DC du 9 mars 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’essentiel des articles critiqués de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Il a notamment écarté les critiques émises à l’endroit de l’article 19 qui réforme la procédure d’autorisation de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées.
Aux termes de sa décision n°2023-848 du 9 mars 2023, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’article 19 de la loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Cet article était au centre des critiques formulés par les députés LR et RN dans leurs saisines. 
Le Conseil constitutionnel a notamment écarté les griefs tirés de la méconnaissance, d’une part de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, d’autre part, par le législateur, de l’étendue de sa compétence.

I. Rappel : le contenu de l’article 19 de la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables

Cet article 19 a – officiellement – pour objet de simplifier la procédure d’octroi d’une autorisation de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées pour un projet d’installation de production d’énergie renouvelable (cf. notre commentaire de cet article). Plus exactement, cet article a pour objet de  préciser les conditions de preuve de l’une des trois conditions de délivrance d’une autorisation de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées. Cette condition est celle selon laquelle un tel projet doit répondre à une « raison impérative d’intérêt public majeur ».

Aux termes du nouvel article L.211‑2‑1 du code de l’énergie dans sa rédaction issue de cet article 19, les projets précités « sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur, au sens du c du 4° du I de l’article L. 411‑2 du code de l’environnement, dès lors qu’ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d’État. » Cet article créé donc une forme de « présomption sous conditions » de cette condition de dérogation relative, précisément, à l’existence d’une raison impérative d’intérêt public majeur.
 
Les installations concernées. Aux termes du nouvel article L.211‑2‑1 du code de l’énergie, les projets d’installations concernés par cette mesure de « simplification » sont les suivants :
– les projets d’installations de production d’énergies renouvelables au sens de l’article L. 211‑2 du code de l’énergie ;
– les projets de stockage d’énergie dans le système électrique ;
– les ouvrages de raccordement aux réseaux de transport et de distribution d’énergie.

La précision par voie réglementaire des conditions de preuve de la « raison impérative d’intérêt public majeur » d’un projet d’énergie renouvelable. Les projets précités sont « réputés répondre » à une « raison impérative d’intérêt public majeur » dés lors qu’ils satisfont à des conditions définies par décret en Conseil d’Etat. Ce même article L.211-2-1 du code de l’énergie encadre précisément la rédaction de ces conditions à définir par décret en Conseil d’Etat. Ces conditions de reconnaissance de la « raison impérative d’intérêt public majeur » d’un projet sont fixées en tenant compte :

– du type de source d’énergie renouvelable ;
– de la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée ;
– et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs mentionnés par la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Aux termes de sa décision du 9 mars 2023, le Conseil constitutionnel résume ainsi le contenu de l’article 19 :

« 20. L’article 19 insère au sein du code de l’énergie un nouvel article L. 211-2-1 prévoyant que les projets d’installations de production d’énergies renouvelables ou de stockage d’énergie qui satisfont à certaines conditions sont réputés répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur de nature à justifier la délivrance d’une dérogation aux interdictions de porter atteinte à des espèces protégées ainsi qu’à leurs habitats. Il insère également, par coordination avec les dispositions ainsi introduites, un nouvel article L. 411-2-1 au sein du code de l’environnement.« 

II. L’article 19 de la loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables est conforme à la Constitution
Le Conseil constitutionnel a écarté les deux séries de griefs opposés par les députés auteurs des saisines, à cet article 19 relatif à la dérogation à l’interdiction d’espèces protégées.

A. Sur la poursuite de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. 
Il est intéressant de relever que, pour les députés auteurs des saisines du Conseil constitutionnel, cet article 19 contrevient, notamment, à l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement : 
« 21. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions instaureraient une présomption irréfragable que certains projets répondent à une raison impérative d’intérêt public majeur, ce qui favoriserait systématiquement leur implantation. Il en résulterait une méconnaissance du droit à un procès équitable. Il en résulterait également, pour les députés auteurs de la première saisine, une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et, pour les députés auteurs de la seconde saisine, une méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et des exigences découlant des articles 1er, 2, 5 et 6 de la Charte de l’environnement, compte tenu des effets nocifs que ces installations pourraient avoir sur la santé des riverains et sur les espèces protégées et leurs habitats. » (je souligne)
Pour le Conseil constitutionnel, le grief est infondé pour deux motifs
– d’une part, ces dispositions correspondent à l’objectif poursuivi par le législateur : « 26. D’une part, il résulte des travaux préparatoires que ces dispositions visent à favoriser la production d’énergies renouvelables et le développement des capacités de stockage d’énergie. Ce faisant, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement. »
– d’autre part, cette disposition n’intéresse que l’une des trois conditions à réunir pour que puisse être délivrée une autorisation de dérogation : « 27. D’autre part, la présomption instituée par les dispositions contestées ne dispense pas les projets d’installations auxquels elle s’appliquera du respect des autres conditions prévues pour la délivrance d’une dérogation aux interdictions prévues par l’article L. 411-1 du code de l’environnement. À cet égard, l’autorité administrative compétente s’assure, sous le contrôle du juge, qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle. »

B. Sur le défaut d’incompétence négative

Le deuxième grief écarté par le Conseil constitutionnel tient à ce que le législateur aurait méconnue l’étendue de sa compétence en prévoyant qu’un décret en Conseil d’Etat doit préciser les conditions à réunir pour qu’un projet de production d’énergie renouvelable puisse répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur :

« 22. Les députés auteurs de la seconde saisine reprochent par ailleurs au législateur d’avoir méconnu l’étendue de sa compétence en renvoyant au pouvoir réglementaire, d’une façon au demeurant imprécise, la détermination des conditions auxquelles devront satisfaire les projets d’installations de production d’énergies renouvelables ou de stockage d’énergie.« 

Toutefois, pour le Conseil constitutionnel, ce grief doit être écarté au motif que le législateur, aux termes de cet article 19, a pris soin d’encadrer précisément la rédaction à venir de ce décret en Conseil d’Etat : 

« 29. Si le législateur a renvoyé à un décret en Conseil d’État le soin de définir les conditions auxquelles devront satisfaire les projets d’installations de production d’énergies renouvelables ou de stockage d’énergie, il a prévu qu’elles doivent être fixées en tenant compte du type de source d’énergie renouvelable, de la puissance prévisionnelle totale de l’installation projetée et de la contribution globale attendue des installations de puissance similaire à la réalisation des objectifs mentionnés à l’article L. 141‑2 du code de l’énergie au titre de la programmation pluriannuelle de l’énergie.« 

Arnaud Gossement

Avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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