En bref
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[Webinaire] 4 décembre 2025 – Certificats d’économies d’énergie (CEE) : le point sur le projet de décret relatif à la sixième période
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
[webinaire] 23 octobre 2025 – Procédure et contentieux de l’autorisation environnementale : ce qu’il faut savoir
Dérogation espèces protégées : les suites données par les juridictions administratives à l’avis du Conseil d’Etat du 9 décembre 2022
- d’une part, de déclenchement de l’obligation de dépôt d’une demande de dérogation à l’interdiction d’espèces protégées.
- d’autre part, de délivrance de cette dérogation, une fois demandée.
- S’agissant de la première condition relative à l’espèce protégée en cause : le pétitionnaire puis l’administration doivent vérifier si « des spécimens de l’espèce concernée sont présents dans la zone du projet ». Cet examen ne doit porter, ni sur le « nombre de ces spécimens », ni sur leur « état de conservation ».
- S’agissant de la deuxième condition relative à la nature du risque d’atteinte à l’état de conservation de l’espèce protégée : l’administration doit prendre en compte l’existence du « risque suffisamment caractérisé » au regard des mesures d’évitement et de réduction proposées par le pétitionnaire. Ces mesures doivent présenter deux caractéristiques : elles doivent présenter des « garanties d’effectivité » et permettre de « diminuer le risque ».
- Ces deux conditions sont cumulatives et successives.
Plusieurs arrêts rendus par les cours administratives d’appel de Lyon et Bordeaux en décembre 2022 retiennent l’attention ainsi qu’une décision du Conseil d’Etat.
A. Sur l’absence d’obligation de dépôt d’une demande de « dérogation espèces protégées »
- d’une part, que la cour administrative d’appel de Lyon ne fait pas référence ici aux mesures d’évitement et de réduction proposées par l’exploitant dans son étude d’impact mais aux prescriptions édictées dans l’arrêté d’autorisation
- d’autre part, que la cour utilise l’expression « impact suffisamment caractérisé » et non celle de « risque suffisamment caractérisé » employée par le Conseil d’Etat dans son avis précité du 9 décembre 2022.
En conséquence de cette analyse, l’appel dirigé contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande d’annulation de l’autorisation environnementale d’un parc éolien est rejeté :
« 43. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’État et de la société X, qui ne sont pas les parties perdantes, au titre des frais liés au litige.«
Par arrêt du 22 décembre 2022, la cour administrative d’appel de Bordeaux a annulé l’autorisation environnementale délivrée pour l’exploitation d’une carrière au motif que celle-ci ne comporte pas d’autorisation de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées :
« 24. Il résulte en l’espèce de l’instruction et notamment de l’étude d’impact que, d’une part, un risque de destruction d’espèces à enjeu par les engins de chantiers concerne notamment les espèces à mobilité lente telles que le lézard des murailles ou les amphibiens et les oiseaux nicheurs, dont les nids peuvent être détruits, et que, d’autre part, le changement d’occupation du sol sera néfaste pour certaines espèces notamment pour le crapaud accoucheur, la grenouille agile, la grenouille rieuse et la grenouille verte qui ont été observées au niveau des plans d’eau résultant des extractions. Si l’étude d’impact prévoit que les travaux de décapage, d’aménagement et de remblaiement seront réalisés en période automnale ou hivernale (septembre-mars) pour limiter le dérangement de la faune présente et reproductrice sur le site et notamment sur les espèces à enjeu identifiées sur les terrains du projet, cette seule mesure ne permet pas de diminuer le risque pour les espèces, et notamment pendant la période d’hibernation des reptiles, au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé. Dans ces conditions, le projet doit être regardé comme étant susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales protégées et de leurs habitats. Par suite, le pétitionnaire était tenu de présenter, pour la réalisation de son projet (…), un dossier de demande de dérogation aux interdictions de destruction d’espèces protégées prévues à l’article L. 411-1 du code de l’environnement. » (cf. CAA Bordeaux, 22 décembre 2022, n°20BX03058).
- dans un premier temps, la cour a vérifié l’existence d’un « risque suffisamment caractérisé » d’atteinte à la conservation des espèces protégées sur le fondement de l’étude d’impact.
- dans un deuxième temps, la cour a vérifié si le motif d’illégalité de
l’autorisation environnementale tenant à l’absence de dérogation espèces
protégées malgré l’existence d’un risque suffisamment caractérisé
d’atteinte à la conservation des espèces protégées présentes sur le site
peut être régularisé sur le fondement des dispositions de l’article
L.181-18 du code de l’environnement.
S’agissant du premier temps de l’analyse consacré à la qualification du risque d’atteinte aux espèces protégées, la cour administrative d’appel de Bordeaux a procédé, de nouveau, en plusieurs étapes :
- La première étape de l’analyse du risque est consacrée au rappel des dispositions de principe de l’avis rendu le 9 décembre 2022 par le Conseil d’Etat.
- Deuxième étape : la cour a identifié, sur le fondement de l’étude d’impact, l’existence d’un risque pour la conservation des espèces protégées sans toutefois le qualifier de « suffisamment caractérisé » ou non : « Il résulte en l’espèce de l’instruction et notamment de l’étude d’impact que, d’une part, un risque de destruction d’espèces à enjeu par les engins de chantiers concerne notamment les espèces à mobilité lente telles que le lézard des murailles ou les amphibiens et les oiseaux nicheurs, dont les nids peuvent être détruits, et que, d’autre part, le changement d’occupation du sol sera néfaste pour certaines espèces notamment pour le crapaud accoucheur, la grenouille agile, la grenouille rieuse et la grenouille verte qui ont été observées au niveau des plans d’eau résultant des extractions (…) »
- Troisième étape : la cour a analysé la mesure de réduction du risque d’atteinte aux espèces protégées proposée par le pétitionnaire pour vérifier si celle-ci permet de réduire ce risque « au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé« . Il s’agit ici d’une mesure tendant à la réalisation des travaux de chantier à certaines périodes de l’année : « Si l’étude d’impact prévoit que les travaux de décapage, d’aménagement et de remblaiement seront réalisés en période automnale ou hivernale (septembre-mars) pour limiter le dérangement de la faune présente et reproductrice sur le site et notamment sur les espèces à enjeu identifiées sur les terrains du projet, cette seule mesure ne permet pas de diminuer le risque pour les espèces, et notamment pendant la période d’hibernation des reptiles, au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé.«
- Quatrième étape, la cour est parvenue à la conclusion selon laquelle le pétitionnaire était tenu de déposer une demande de dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées : « Dans ces conditions, le projet doit être regardé comme étant susceptible d’affecter la conservation d’espèces animales protégées et de leurs habitats. Par suite, le pétitionnaire était tenu de présenter, pour la réalisation de son projet (…), un dossier de demande de dérogation aux interdictions de destruction d’espèces protégées prévues à l’article L. 411-1 du code de l’environnement.«
« 8. Alors que l’autre vice affectant l’autorisation environnementale délivrée par l’arrêté du 6 janvier 2020 qu’a relevé la cour administrative d’appel, portant sur l’insuffisance du montant des garanties financières pour le démantèlement et la remise en état du site, était susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative, la cour a pu, sans entacher son arrêt d’erreur de droit, juger que le vice tiré de l’atteinte que le parc en projet ferait peser sur la conservation de la population de cigognes noires nicheuses à proximité immédiate du site d’implantation des éoliennes était, pour sa part, insusceptible d’être régularisé, dès lors qu’il était lié à l’emplacement choisi par la société pétitionnaire.«
- d’une part, elle permet d’identifier un risque d’atteinte à une espèce protégée en présence duquel, il est vain de solliciter une demande de dérogation espèces protégées.
- d’autre part, elle permet d’identifier en conséquence une hypothèse dans laquelle la régularisation de l’autorisation environnementale contestée n’a pas être recherchée par le juge administratif.
- Le Conseil d’Etat a entendu rappeler le contenu et le caractère distinct et cumulatif des trois conditions de dérogation : la condition relative à l’absence de solution alternative satisfaisante, la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur
- Le Conseil d’Etat a également précisé que l’administration doit notamment prendre en compte, lors de l’examen de ces trois conditions, des mesures d’évitement, de réduction et de compensation proposées par le pétitionnaire
A. Sur la condition relative au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées, dans leur aire de répartition naturelle
Par une décision n°449658 rendue le 28 décembre 2022, le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi en cassation relatif à la légalité d’une dérogation aux interdictions de destruction d’espèces de flore et de faune sauvages protégées, dans le cadre de la réouverture d’une carrière, a précisé le contenu de la condition de légalité de la dérogation relative au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées, dans leur aire de répartition naturelle.
La décision rappelle tout d’abord les trois conditions d’octroi de la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées :
« 4. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l’autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d’une part, à l’absence de solution alternative satisfaisante, d’autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d’intérêt public majeur.
5. Pour déterminer si une dérogation peut être accordée sur le fondement du 4° du I de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de porter une appréciation qui prenne en compte l’ensemble des aspects mentionnés au point 4, parmi lesquels figurent les atteintes que le projet est susceptible de porter aux espèces protégées, compte tenu, notamment, des mesures d’évitement, réduction et compensation proposées par le pétitionnaire et de l’état de conservation des espèces concernées.«
Puis, la Haute juridiction administrative a apporté les précisions suivantes quant au contenu de la condition précitée relative au maintien des espèces protégées dans un état de conservation favorable :
« 6. Pour apprécier si le projet ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de déterminer, dans un premier temps, l’état de conservation des populations des espèces concernées et, dans un deuxième temps, les impacts géographiques et démographiques que les dérogations envisagées sont susceptibles de produire sur celui-ci.«
Ainsi, pour l’analyse de cette condition en particulier, l’administration doit procéder en deux temps :
- Dans un premier temps, l’administration doit « déterminer » « (…)l’état de conservation des populations des espèces concernées
- Dans un deuxième temps, l’administration « déterminer » « les impacts géographiques et démographiques que les dérogations envisagées sont susceptibles de produire sur celui-ci.«
Au cas présent et par sa décision ici commentée, le Conseil d’Etat a souligné que la cour administrative d’appel de Marseille, dont l’arrêt était l’objet du pourvoi, n’a pas commis d’erreur de droit en relevant que les « lacunes » de l’étude d’impact ne permettaient pas de vérifier le respect de cette condition :
« 7. En premier lieu, dès lors qu’il n’était pas soutenu que l’état de conservation de l’ensemble des espèces concernées par le projet était favorable, il ne saurait être reproché à la cour administrative d’appel de ne pas s’être prononcée explicitement sur ce point. Par suite, la cour a pu directement s’interroger sur les impacts de la dérogation. En relevant à cet égard que les lacunes du dossier de demande de dérogation ne lui permettaient pas d’apprécier les impacts du projet sur l’état de conservation des espèces concernées pour en déduire que la condition tenant à ce que le projet ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées ne pouvait être regardée comme remplie, la cour n’a pas commis d’erreur de droit. »
- d’une part, que le territoire concerné compte déjà des centres commerciaux,
- d’autre part, que les documents de planification applicables n’appellent pas de nouveaux centres commerciaux
Arnaud Gossement
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