En bref
Hydroélectricité : modifications des modalités d’expérimentation du dispositif du médiateur
Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) : Modification des dispositions relatives à l’élaboration, la modification et la révision des SAGE
Déchets : Assouplissement des conditions pour la reprise des déchets de construction par les distributeurs
Certificats d’économie d’énergie : Publication au JO de ce jour de l’arrêté du 18 novembre 2024 modifiant plusieurs textes règlementaires relatifs aux opérations standardisées d’économie d’énergie
Economie circulaire : annulation différée de l’arrêté du 5 février 2021 portant cahier des charges d’agrément des éco-organismes de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits du tabac (Conseil d’Etat, 28 juillet 2022, n°455411 et n°454055)
Par une décision n°455411 du 28 juillet 2022, le Conseil d’Etat a annulé, avec effet différé au 1er janvier 2023, l’arrêté du 5 février 2021 portant cahier des charges d’agrément des éco-organismes de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits du tabac. Une décision qui aboutit en réalité à un élargissement du périmètre de la filière. Par une décision n°454065 du même jour, le Conseil d’Etat a rejeté la demande d’annulation du décret « filière » du 29 décembre 2020.
NB : Par deux décisions du même jour, le Conseil d’Etat a rejeté la demande d’annulation du décret « filière » du 29 décembre 2020 et annulé avec effet différé l’arrêté « cahier des charges » du 5 février 2021. La présente note comporte un commentaire de la décision n°455411 du 28 juillet 2022 par laquelle le Conseil d’Etat a rejeté le recours tendant à l’annulation de l’arrêté cahier des charges daté du 5 février 2021.
Résumé
Par une décision n°455411 du 28 juillet 2022, le Conseil d’Etat a :
- annulé l’arrêté du 5 février 2022 par lequel la ministre de la transition écologique a fixé la procédure d’agrément ainsi que le cahier des charges des éco-organismes de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits du tabac ;
- décidé que cette annulation ne prendra effet que le 1er janvier 2023 (article 1er de la décision) ;
- décidé que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur son fondement, les effets antérieurs à cette annulation de l’arrêté du 5 février 2021 doivent être réputés définitifs (article 2 de la décision) ;
- confirmé que la prévention et la gestion des déchets de cigares entre bien dans le champ d’application du cahier des charges d’agrément des éco-organismes de la filière du tabac.
Par une décision n°454065 du 28 juillet 2022, le Conseil d’Etat
- a rejeté la requête par laquelle la fédération des fabricants de cigares a demandé l’annulation du décret n° 2020-1725 du 29 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation relatives à la responsabilité élargie des producteurs, en ce qu’il a introduit les articles R. 543-309 et R. 543-310 dans le code de l’environnement.
- confirmé ainsi que cette filière REP couvre tous les déchets de produits du tabac, composés ou non de plastique.
Rappel des faits
5 février 2021 : arrêté par lequel la ministre de la transition écologique a, sur le fondement des dispositions du II de l’article L. 541-10 du code de l’environnement, fixé la procédure d’agrément ainsi que le cahier des charges des éco-organismes de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits du tabac.
10 août 2021 : recours par lequel une fédération professionnelle de producteurs de tabac a demandé au Conseil d’Etat l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté ministériel du 5 février 2021
28 juillet 2022 : décisions par lesquelles le Conseil d’Etat a rejeté la demande d’annulation du décret « filière » n° 2020-1725 du 29 décembre 2020 et annulé l’arrêté « cahier des charges » du 5 février 2021
Commentaire
Si la fédération requérante a obtenu l’annulation de l’arrêté portant cahier des charges d’agrément des éco-organismes de la filière REP des produits du tabac :
- Cette annulation ne prendra effet que le 1er janvier 2023 (article 1er de la décision) et ne devrait donc produire aucun effet pratique et financier si, avant cette date, un nouvel arrêté est adopté, purgé du vice de procédure qui a affecté la légalité du premier arrêté.
- Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur son fondement, les effets antérieurs à cette annulation de l’arrêté du 5 février 2021 doivent être réputés définitifs (article 2 de la décision).
- Le prochain arrêté portant cahier des charges devrait confirmer que les déchets de cigares sont compris dans la liste des déchets pris en charge par la filière REP du tabac.
I. Sur le périmètre de la filière REP des produits du tabac
A l’occasion de l’examen et du rejet de la fin de non-recevoir opposée par la ministre de la transition écologique, le Conseil d’Etat a précisé le périmètre de la filière responsabilité élargie des producteurs de produits du tabac, lequel comprend donc tous les déchets de produits du tabac, composés ou non de plastique, comme les déchets de cigares.
La décision ici commentée rappelle tout d’abord les termes de l’article L.541-10-1 du code de l’environnement :
« 3. L’article L. 541-10-1 du code de l’environnement dresse la liste des catégories de produits soumises au principe de responsabilité élargie du producteur. L’article 62 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie solidaire, dite AGEC, a introduit à cet article, un 19° ainsi rédigé : « Les produits du tabac équipés de filtres composés en tout ou partie de plastique et les produits qui sont destinés à être utilisés avec des produits du tabac, à compter du 1er janvier 2021. Il peut être fait obligation aux metteurs sur le marché de ces produits d’organiser un mécanisme de reprise financée des déchets qui en sont issus « .
Les déchets dont la prévention et la gestion doivent être assurés par les producteurs sont donc
- les produits du tabac équipés de filtres composés en tout ou partie de plastique et
- les produits qui sont destinés à être utilisés avec des produits du tabac.
Paradoxalement, en soutenant que la fédération des fabricants de cigares n’était pas recevable à agir, la ministre chargée de l’écologie a pris le risque de réduire la liste des déchets pris en charge par la filière en en excluant les déchets de cigares.
Le Conseil d’Etat procède toutefois à une interprétation difficilement contestable des termes de l’article L.541-10-1 du code de l’environnement qui étend en effet le périmètre de la filière REP des produits du tabac à tous les déchets de tabac, composés ou non de plastique :
« 4. Il résulte des dispositions de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement que la responsabilité élargie du producteur a vocation à s’appliquer à la fois aux produits du tabac équipés de filtres composés en tout ou partie de plastique et aux produits qui sont destinés à être utilisés avec des produits du tabac, qu’ils soient ou non composés en tout ou partie de plastique, le législateur ayant non seulement transposé la directive du 5 juin 2019 précitée qui impose de réduire l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement mais également entendu lutter, plus largement, contre les déchets constitués par les produits du tabac, en particulier les mégots, qu’ils soient ou non composés de plastique. Ainsi, la fédération des fabricants de cigares, qui, aux termes de ses statuts, a pour objet d’ » agir et entreprendre pour tout ce qui concerne les intérêts et la défense des fournisseurs de cigares, leurs produits en général et le cigare en particulier » justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté qu’elle attaque, qui fixe la procédure d’agrément ainsi que le cahier des charges des éco-organismes de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits du tabac. Dès lors, sa requête est recevable.«
Ainsi, à l’occasion de l’examen de la fin de non recevoir opposée au recours, le Conseil d’Etat précise le périmètre de cette nouvelle filière REP, laquelle couvre donc aussi les déchets de cigares qui sont des déchets de produits du tabac, non composés de plastique.
A noter : par une décision n°454065 du même jour (28 juillet 2022), le Conseil d’Etat a confirmé que la filière REP couvre les produits du tabac composés ou non de plastique :
« 5. Il résulte toutefois des dispositions de l’article L. 541-10-1 du code de l’environnement que la responsabilité élargie du producteur a vocation à s’appliquer à la fois aux produits du tabac équipés de filtres composés en tout ou partie de plastique et aux produits qui sont destinés à être utilisés avec des produits du tabac, qu’ils soient ou non composés en tout ou partie de plastique, le législateur ayant non seulement transposé la directive du 5 juin 2019 qui impose de réduire l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement, mais également entendu lutter, plus largement, contre les déchets constitués par les produits du tabac, en particulier les mégots, qu’ils soient ou non composés de plastique. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence du pouvoir réglementaire, de la méconnaissance de l’intention du législateur ou de l’erreur de droit doit être écarté.«
II. Sur l’annulation avec effet au 1er janvier 2023 de l’arrêté du 5 février 2021 portant cahier des charges d’agrément des éco-organismes de la filière REP des produits du tabac
Un vice de procédure non régularisable. Le Conseil d’Etat a annulé cet arrêté au motif qu’il n’a pas été précédé d’une procédure de participation du public et est donc ainsi affecté d’un vice de procédure :
« 7. Il résulte de ce qui précède que les dispositions de l’arrêté attaqué et du cahier des charges qui lui est annexé ont, par leurs effets, une incidence directe et significative sur l’environnement. Leur adoption devait, dès lors, être précédée, à peine d’illégalité, d’une consultation préalable du public conformément aux dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement précédemment citées. La circonstance que la commission inter-filières de responsabilité élargie des producteurs, dans laquelle siègent différents acteurs concernés par la filière des produits du tabac, a été saisie pour avis sur la demande d’agrément de l’éco-organisme ALCOME, au demeurant postérieurement à la publication de l’arrêté attaqué, n’était pas, contrairement à ce que soutient en défense la ministre de la transition écologique, de nature à assurer le respect de ces dispositions. Par suite, la fédération requérante est fondée à soutenir que l’arrêté attaqué a été pris au terme d’une procédure irrégulière, dès lors que ses dispositions n’ont pas fait l’objet d’une consultation du public préalablement à leur adoption. Cette irrégularité est de nature à avoir exercé une influence sur le sens de l’arrêté attaqué et a privé le public de la garantie de voir son avis pris en considération à l’égard d’un acte ayant une incidence directe et significative sur l’environnement.«
Cette annulation était prévisible.
En effet, par une décision du 7 juillet 2021, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté portant cahier des charges des éco-organismes de la filière des déchets diffus spécifiques (catégories 3 à 10). Et ce, au motif que cet arrêté aurait dû être soumis à consultation du public préalablement à son adoption, ses dispositions ayant une incidence sur l’environnement.
L’arrêté du 5 février 2021 portant cahier des charges d’agrément des éco-organismes de la filière REP des produits du tabac a été publié antérieurement à cette décision du 7 juillet 2021 du Conseil d’Etat. Son annulation pour vice de procédure était donc certaine. On relèvera que ce vice de procédure ne pouvait pas être régularisé car « Cette irrégularité est de nature à avoir exercé une influence sur le sens de l’arrêté attaqué et a privé le public de la garantie de voir son avis pris en considération à l’égard d’un acte ayant une incidence directe et significative sur l’environnement. »
Une annulation à effet différé au 1er janvier 2023. L’effet de cette annulation est cependant différé au 1er janvier 2023. Une annulation immédiate aurait produit des conséquences « excessives » selon le Conseil d’Etat :
« 10. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que l’annulation rétroactive de l’arrêté attaqué, d’une part, impliquerait le remboursement des sommes perçues auprès des producteurs par l’éco-organisme ainsi que des contributions aux coûts de nettoiement versées par ce dernier aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux autres personnes publiques et, d’autre part, priverait de fondement les différentes actions de collecte, de nettoiement, de sensibilisation ou d’information réalisées en application du cahier des charges annexé à cet arrêté et financées au moyen de ces contributions financières. Par suite, compte tenu des effets excessifs d’une annulation immédiate au regard de l’intérêt général qui s’attache au maintien temporaire des effets du cahier des charges des éco-organismes de la filière et des risques que comporterait cette annulation pour la stabilité des situations qui ont pu se constituer lorsque l’arrêté attaqué était en vigueur, il y a lieu de différer l’effet de l’annulation jusqu’au 1er janvier 2023 et de préciser que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur son fondement, les effets de l’arrêté litigieux doivent être regardés comme définitifs.«
Ainsi, aux termes de cette décision rendue le 28 juillet 2022 par le Conseil d’Etat :
- L’annulation de l’arrêté du 5 février 2021 ne prendra effet que le 1er janvier 2023.
- L’éco-organisme n’est pas tenu de rembourser les contributions versées par les producteurs.
- L’éco-organisme ne peut pas demander le rembourser des contributions versées par ses soins aux collectivités territoriales.
- Le ministère chargé de l’écologie est appelé, d’ici au 1er janvier 2023 à soumettre le cahier des charges à une procédure de participation du public.
Arnaud Gossement
avocat – docteur en droit
professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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