îlot de chaleur urbain : une notion absente du droit positif mais déjà émergente dans la jurisprudence administrative

Juin 13, 2022 | Environnement

Alors que les vagues de chaleur se succèdent, il est urgent (notamment) d’adapter nos villes à l’impératif de prévention et de résorption des « îlots de chaleur urbains » (ICU). Un phénomène bien connu des météorologues et des urbanistes mais encore absent de notre droit positif. Il commence toutefois à être prise en compte par le juge administratif. Sans attendre, les responsables de l’évaluation environnementale des plans et projets doivent déjà se saisir de cette notion. Analyse. 

I. La définition extra-juridique de la notion d’îlot de chaleur urbain

Cette notion n’est pas encore définie en droit positif. Aucune loi ou texte réglementaire ne propose, en France, de contenu précis pour décrire ce phénomène auquel les habitants des zones urbanisées sont pourtant de plus en plus confrontés à raison de la succession des épisodes de chaleur. Ce phénomène produit pourtant des conséquences sanitaires et environnementales majeures voire mortelles. 

Pour l’ADEME « Le rafraîchissement urbain est un enjeu majeur pour les villes dans le contexte actuel de changement climatique et de phénomène de surchauffe urbaine. » (cf. ADEME, Végétaliser : Agir pour le rafraîchissement urbain, étude, juin 2020). Pour l’heure, la notion d’îlot de chaleur urbain, absente de notre droit, est définie et étudiée par de nombreux scientifiques qui travaillent sur l’enjeu de la chaleur en ville, question de plus en plus prégnante (cf. Martin Koppe, Comprendre les îlots de chaleur urbains, 13 septembre 2021, Journal du CNRS)

Les définitions extra-juridiques de l’îlot de chaleur urbain peuvent ainsi être relevées, notamment aux termes d’articles, d’études et de rapports publiés par des établissements publics.

Pour l’Atelier parisien d’urbanisme « APUR » : « Qu’est-ce qu’un ICU ? Le terme d’îlots de chaleur urbain (ICU) estemployé pour décrire la spécificité climatique des villes par rapport aux zones rurales ou péri-urbaines avoisinantes. Les Villes de par leur caractère totalement artificiel sont le lieu de phénomènes de surchauffes notables qui peuvent s’avérer problématiques lorsque surviennent des épisodes caniculaires, c’est le caractère « amplificateur » de la ville qui rendra ces épisodes plus difficilement supportables et qui pose des questions sanitaires qui appellent des mesures d’adaptation du territoire » (cf. APUR, les îlot de chaleur urbains à Paris, cahier n°1, décembre 2012)

Pour Santé publique France : « Qu’est-ce qu’un îlot de chaleur ?Un ilot de chaleur (ICU) désigne un microclimat généré par la concentration d’activités humaines, et se traduisant par une élévation de la température en zone urbaine par rapport aux zones rurales voisines. » (cf. Santé publique France, Adapter les villes à la chaleur : une nécessité pour réduire l’impact sanitaire des fortes chaleurs, 7 octobre 2020)

Pour Météo-France, l’ICU correspond à une « bulle de chaleur » en ville : « La journée, à la campagne, la végétation utilise l’eau et l’énergie solaire pour la photosynthèse. Grâce à l’énergie solaire, elle « transpire » l’eau puisée dans le sol, qui est évaporée vers l’atmosphère. Les sols perméables vont aussi utiliser l’énergie solaire pour évaporer l’eau qu’ils contiennent. C’est le phénomène d’évapotranspiration. Grâce à elle, végétaux et sols n’accumulent pas l’énergie solaire qu’ils reçoivent mais la consomment. En ville au contraire, l’énergie solaire est emmagasinée dans les matériaux des bâtiments et des surfaces imperméables comme le bitume, qui s’échauffent et la stockent. La nuit, l’apport en énergie solaire cesse. À la campagne, l’évapotranspiration s’arrête et la température diminue, alors qu’en viIle, les surfaces imperméables restituent à l’atmosphère urbaine l’énergie accumulée durant la journée. L’air au-dessus de la ville se refroidit donc moins qu’à la campagne générant ainsi l’ICU, phénomène essentiellement nocturne qui traduit l’écart de température observé entre une agglomération et les zones moins urbanisées alentour. La chaleur liée aux activités humaines et l’environnement (mer, lacs et relief) peuvent égaIement avoir une influence sur l’ICU, mais dans une moindre mesure. La pollution atmosphérique en ville ne crée pas l’ICU, cependant, certaines conditions météorologiques peuvent accentuer à la fois la pollution atmosphérique et l’ICU. » (cf. Météo-France, Pourquoi fait-il plus chaud en ville qu’à la campagne la nuit ? 21 juin 2021).
Le CEREMA (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) précise que « Le phénomène des ICU est lié à plusieurs facteurs :
Ces définitions scientifiques n’ont, pour l’heure, pas reçu de traduction dans une loi ou un règlement. Ce travail de traduction juridique d’un phénomène scientifique aussi important reste à mener, dans l’intérêt de l’environnement, de la santé publique mais aussi des porteurs de projets. 

II. L’îlot de chaleur urbain : une notion quasi absente du droit positif interne

Paradoxalement, malgré son importance scientifique, environnementale et sanitaire, la notion d’îlot de chaleur urbain est presque absente de notre droit et, particulièrement, de nos droits de l’urbanisme et de l’environnement. Une absence d’autant plus regrettable que les porteurs de projets, les demandeurs de permis de construire ou d’autorisation environnementale, les auteurs d’études d’impact, les auteurs de plans et programmes doivent intégrer cette notion à leur réflexion et à la présentation de leurs projets. 

L’Autorité environnementale, qui est notamment en charge du contrôle de l’évaluation environnementale des projets susceptibles d’avoir une incidence sur l’environnement, fait de plus en plus souvent état de cette notion dans ses avis. Son rapport annuel 2021 recommande à plusieurs reprises sa prise en compte par les auteurs d’étude d’impact.

Il convient cependant de noter que cette notion est présente, à l’article L.331-15 du code de l’urbanisme relatif à la taxe d’aménagement : 
« Le taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d’aménagement peut être augmenté jusqu’à 20 % dans certains secteurs par une délibération motivée, si la réalisation de travaux substantiels de voirie ou de réseaux, de restructuration ou de renouvellement urbain pour renforcer l’attractivité des zones concernées et réduire les incidences liées à l’accroissement local de la population ou la création d’équipements publics généraux sont rendues nécessaires en raison de l’importance des constructions nouvelles édifiées dans ces secteurs. 
Les travaux et équipements mentionnés au premier alinéa visent notamment les travaux de recomposition et d’aménagement des espaces publics permettant d’améliorer la qualité du cadre de vie, de lutter contre les îlots de chaleur urbains, de renforcer la biodiversité ou de développer l’usage des transports collectifs et des mobilités actives.(…) » (nous soulignons)
Il est donc désormais nécessaire de donner une définition claire et précise, en droit positif, de cette notion, non seulement pour traduire juridiquement cet enjeu scientifique, pour le faire connaître, en assurer la prise en compte mais aussi pour réduire le risque juridique auquel sont désormais confrontés les porteurs de projets et auteurs de plans.

III. L’îlot de chaleur urbain : une notion émergente dans la jurisprudence administrative

Depuis deux ans principalement, la notion « d’îlot de chaleur urbain » est débattue par les parties aux procès administratifs relatifs aux autorisations de construire et d’exploiter. Par voie de conséquence, cette notion commence à apparaître dans la rédaction des décisions rendues par les juges administratifs. Décisions qui demeurent toutefois encore rares. 

Il convient cependant de signaler les deux jugements suivants. Jugements d’autant plus intéressants que le premier intéresse un plan (le plan local d’urbanisme intercommunal) et le second un projet (permis de construire). 

Par un jugement n°2002093 rendu le 28 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a partiellement annulé la décision d’approbation d’un plan local d’urbanisme intercommunal en tant que celui-ci procède à un classement injustifié de terrains qui ne sont pourtant pas nécessaires à lutte contre les îlots de chaleur.

Par un jugement n°2009343 rendu le 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a jugé que l’insuffisance de description par l’étude d’impact de la contribution d’un projet immobilier au phénomène d’îlot de chaleur urbain, constitue un vice de procédure. Ce vice de procédure peut toutefois faire l’objet d’une régularisation, en cours d’instance, sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de d’urbanisme.

Par ailleurs, aux termes d’une ordonnance du 14 janvier 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil s’est notamment fondé sur cette notion pour rejeter la demande de suspension, présentée par le préfet de la Seine-Saint-Denis, d’une délibération par laquelle le conseil municipal de Bagnolet a formé le vœu que la commune soit déclarée en état d’urgence climatique et sociale (cf. tribunal administratif de Montreuil, ordonnance, 14 janvier 2022, Préfet de la Seine-Saint-Denis c. Commune de Bagnolet, n°201477, AJ Collectivités Territoriales 2022 p.268)

La prise en compte de la notion d’îlot de chaleur urbain dans l’analyse de la légalité du classement, par un PLUi, de terrains nécessaires à la lutte contre ce phénomène : retour sur le jugement n°2002093 rendu le 28 juillet 2021 par le tribunal administratif de Versailles. Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 18 mars 2020, deux personnes ont demandé au tribunal de Versailles d’annuler partiellement la délibération du conseil communautaire d’une communauté urbaine approuvant le plan local d’urbanisme intercommunal, en tant qu’elle arrête le plan de zonage de la commune de T. 
Par ce jugement rendu le 28 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à cette demande et annulé la délibération litigieuse  « en tant qu’elle institue une servitude de cœur d’îlot sur les parcelles de M. A et Mme Y cadastrées section AK n° 470 et 81 situées à T. »  

Très précisément, le tribunal administratif de Versailles a partiellement annulé la décision litigieuse au motif que les requérants étaient fondés à soutenir que le classement de leurs parcelles en « coeur d’îlot à préserver » n’était pas justifié, dés lors que ces parcelles n’étaient pas nécessaires pour lutter contre les « îlots de chaleur »: 

« 15. M. Aa et Mme Y sont propriétaires d’une unité foncière située, constituée des parcelles cadastrées section AK n° 470, 81 et 463. Celles-ci sont classées en zone UDa, secteur « pavillonnaire diversifié », dont l’objectif est «de valoriser ces espaces urbains en favorisant une évolution du bâti, tout en respectant la volumétrie générale des constructions dans ce tissu et en préservant la dominante végétale, notamment en cœurs d’îlots. » Pour justifier l’instauration d’une servitude de cœur d’îlot sur une petite partie de leur parcelle AK 463 et la quasi-totalité de la surface utile de leur parcelle 470 ainsi que quatre autres jardins attenants, la communauté urbaine fait valoir que le secteur ainsi délimité répond bien aux divers critères de localisation des servitudes de cœur d’îlot mentionnés dans le rapport de présentation et rappelés au point 4. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les critères en cause ne constituent que des critères relatifs à la superficie et au nombre minimal de parcelles concernées mais ne comporte aucun critère qualitatif tenant au caractère remarquable des jardins en cause du fait de leur boisement, de leur biodiversité ou d’autres éléments particuliers. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le secteur critiqué identifié comme cœur d’îlot, en forme de croissant de lune, est de faible superficie et comporte en son centre un terrain construit non concerné par la servitude. Cet espace, composé de jardins communs, est par ailleurs situé non loin de la forêt, dans un quartier principalement constitué de pavillons individuels entourés d’espaces verts. Ces terrains ne sont donc pas nécessaires pour lutter contre « les îlots de chaleur » ni ne présentent un intérêt paysager particulier. (…) Dans ces conditions, M. Aa et Mme Y sont fondés à soutenir que le classement de leur parcelle AK n° 470 et 81 en cœur d’îlot à préserver est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.« 

Ainsi, pour le tribunal administratif de Versailles, en raison de la proximité de jardins, d’espaces verts et d’une forêt, les terrains des requérants n’étaient pas nécessaires à la lutte contre les îlots de chaleur et ne pouvaient donc faire l’objet du classement imposé par la décision litigieuse. Ce faisant, le tribunal administratif de Versailles accorde ici une valeur juridique à la notion d’îlot de chaleur urbain dont il vérifie le respect par le document de planification objet du litige. 

La prise en compte de la notion d’îlot de chaleur urbain dans l’analyse du caractère suffisant de l’étude d’un projet immobilier : retour sur le jugement n°2009343 rendu le 2 décembre 2021 par le tribunal administratif de Montreuil. Par une requête enregistrée le 7 septembre 2020, deux associations ont demandé au tribunal administratif de Montreuil d’annuler les permis de construire pour l’extension d’un centre commercial, incluant la réalisation d’un parking « silo », la création d’une zone de restauration et d’un drive pour l’hypermarché situé dans ce centre commercial, ainsi que l’édification d’un immeuble de bureaux.

Par un jugement rendu ce 2 décembre 2021 (révélé par Actu-environnement), le tribunal administratif de Montreuil a sursis à statuer sur la légalité des permis de construire ainsi attaqués, pour permettre à leurs bénéficiaires de régulariser plusieurs vices de procédure. Parmi les vices de procédure à régulariser, figure celui tenant à l’insuffisance de l’étude d’impact en ce qu’elle ne décrit pas de manière assez précise la contribution du projet d’extension d’un centre commercial au phénomène d’îlot de chaleur : 

« 21. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’étude d’impact n’analyse pas la contribution du projet au phénomène d’îlot de chaleur urbain, ce document se bornant à présenter à ce titre une unique carte faisant figurer les températures particulièrement élevées
constatées à l’été 2017 dans le secteur devant accueillir le projet, et à indiquer que ce phénomène est dû « à la rétention de la chaleur liée aux propriétés radiatives et thermiques des matériaux, à la géométrie urbaine, à l’exposition des surfaces au rayonnement solaire ainsi qu’à l’absence d’ombrage, à la perturbation de la dynamique des masses d’air, liée à la morphologie urbaine (géométrie, rugosité des sols) qui limite l’écoulement des vents, à la réduction de l’évapotranspiration, liée à l’imperméabilisation des sols, et aux émissions de chaleur par les activités anthropiques, dues aux équipements des bâtiments, aux activités et aux transports produisant de la chaleur. »

Ainsi, l’étude d’impact est insuffisante au motif qu’elle n’analyse pas la contribution du projet au phénomène d’îlot de chaleur urbain. Le tribunal administratif de Montreuil parvient à cette conclusion après prise en compte des termes de l’avis rendu sur ce projet par l’autorité environnementale : 

« 22. Il ressort par ailleurs de l’avis rendu sur le projet par l’autorité environnementale que « Compte tenu de sa forte imperméabilisation, de l’absence de végétalisation et d’eau, le site contribue fortement au phénomène d’îlot de chaleur urbain », que « près de 12 000 m² d’espacesverts, dont 2 500 m² en pleine terre, seront créés dans le cadre de l’extension commerciale », notamment via la végétalisation de la toiture de la nouvelle extension du centre commercial et du parvis de la future gare de la ligne de métro 11, mais que cette végétalisation, ainsi que l’utilisation de revêtements clairs, prévues par le projet, ne sont pas suffisamment efficaces pour lutter contre le ph énomène précité au regard des contraintes que ces aménagements engendrent.(…)« (nous soulignons)

A la suite de cet avis de l’autorité environnementale, le maître d’ouvrage a complété son étude d’impact, comme le relève le jugement :

« (…)En réponse à cet avis, qui recommande en conclusion de « conduire une analyse plus fine des impacts du projet en matière d’îlot de chaleur urbain en précisant notamment l’albédo des matériaux de revêtement retenus et des mesures permettant de limiter le stress hydrique de la végétalisation », le maitre d’ouvrage a complété l’étude d’impact, en précisant la capacité des matériaux utilisés à renvoyer ou à absorber la chaleur, et en indiquant notamment qu’un réseau d’arrosage automatique de type goutte-à-goutte, connecté à des sondes d’humidité ainsi qu’à des capteurs de pluie permettant sa régulation, serait installé pour éviter le stress hydrique des espaces verts prévus par le projet. » (nous soulignons)

Toutefois, ce complément d’étude d’impact n’a pas permis de remédier à l’insuffisance initiale de l’étude d’impact : 

« 23. Toutefois, il ne ressort d’aucune pièce du dossier que l’étude d’impact aurait été complétée par une analyse permettant effectivement de déterminer l’incidence du projet, qui génère une augmentation notable du trafic routier, et dont les bâtiments sont notamment équipés de systèmes d’éclairage et de climatisation dégageant de la chaleur, sur le phénomène d’îlot de chaleur urbain précédemment décrit. Il s’ensuit que cette étude n’a pas permis, en méconnaissance du 5° de l’article R. 122-5 du code de l’environnement, la bonne information de la population à ce titre, cette lacune ayant par ailleurs été susceptible d’exercer une influence sur les décisions d’autorisation prises par l’autorité administrative.« 

Par voie de conséquence, cette description insuffisante, au sein de l’étude d’impact, de la contribution du projet d’extension de centre commercial au phénomène d’îlot de chaleur urbain, constitue un vice de procédure qui ne peut être considéré comme étant de minime importance. Il peut toutefois faire l’objet d’une régularisation, en cours d’instance, sur le fondement des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de d’urbanisme : 

« 55. En l’espèce, il résulte de tout ce qui précède que les permis de construire contestés ne sont illégaux qu’en tant, d’une part, que l’étude d’impact jointe aux demandes ne décrit pas suffisamment l’état initial de l’environnement aux abords du site et les incidences du projet en ce qui concerne la qualité de l’air et le phénomène d’îlot de chaleur urbain, ne comprend pas une analyse suffisante du cumul de ses effets avec ceux d’autres opérations situées à proximité, et ne comporte pas la description de mesures prévues pour éviter, réduire ou compenser les incidences du projet en matière de pollution atmosphérique, et d’autre part, que l’opération autorisée méconnait le principe de prévention en tant que les mesures qu’elle prévoit ne sont pas suffisantes pour éviter, réduire ou compenser ses effets négatifs s’agissant de l’émission de polluants dans l’air et de la contribution au phénomène d’îlot de chaleur urbain. Les illégalités dont les permis attaqués sont entachés sont susceptibles d’être régularisées par la délivrance de permis de régularisation. Il y a donc lieu de surseoir à statuer et d’impartir aux sociétés bénéficiaires et à la commune de Rosny-sous-Bois un délai de douze mois à compter de la notification du présent jugement, pour justifier de permis de construire destinés à régulariser ces vices.« 

Aux termes de ce jugement, il convient de relever : 

  • que l’autorité environnementale intègre la question de la contribution d’un projet immobilier au phénomène d’îlot de chaleur urbain à son analyse du caractère suffisant d’une étude d’impact
  • que le tribunal administratif de Montreuil, à partir de cet avis de l’autorité environnementale, intègre à son tour cette question
  • qu’il se montre rigoureux quant au caractère suffisant, non seulement de l’étude d’impact initiale mais aussi des compléments apportés par le maître d’ouvrage
  • qu’il juge que le vice de procédure tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact sur le volet « îlot de chaleur urbain » n’est pas de minime importance : « cette étude n’a pas permis, en méconnaissance du 5° de l’article R. 122-5 du code de l’environnement, la bonne information de la population à ce titre, cette lacune ayant par ailleurs été susceptible d’exercer une influence sur les décisions d’autorisation prises par l’autorité administrative« 
  • que ce vice de procédure peut néanmoins faire l’objet d’une décision de sursis à statuer ainsi que d’une procédure de régularisation en cours d’instance.

La prise en compte de l’exposition au phénomène de l’îlot de chaleur urbain dans l’analyse de la légalité d’un vœu du conseil municipal sur l’état d’urgence climatique d’une commune. Aux termes d’une ordonnance du 14 janvier 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de suspension, présentée par le préfet de la Seine-Saint-Denis, d’une délibération par laquelle le conseil municipal a formé le vœu que la commune soit déclarée en état d’urgence climatique et sociale (cf. tribunal administratif de Montreuil, ordonnance, 14 janvier 2022, Préfet de la Seine-Saint-Denis c. Commune de Bagnolet, n°201477, AJ Collectivités Territoriales 2022 p.268)

Pour rejeter la demande préfectorale de suspension sur déféré, le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a notamment tenu compte de ce que la commune justifie être exposée Par voie de conséquence, ce vœu de son conseil municipal tendant à ce que la commune soit déclarée en état d’urgence climatique correspond à un intérêt local et pouvait donc être légalement adopté par le conseil municipal de la commune de Bagnolet.
L’ordonnance précise : 
« À supposer même que la commune de Bagnolet ne puisse utilement se prévaloir des stipulations de l’article 2 de la charte de l’environnement selon lesquelles « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement », celle-ci fait valoir, en tout état de cause, sans être contestée, la densification et le bétonnage de son habitat de nature à provoquer des îlots de chaleur urbain propres à amplifier les effets du changement climatique global et la nécessité d’y remédier notamment par l’aménagement des espaces urbains. À cet égard, la commune de Bagnolet justifie de son implication en faveur de la préservation de l’environnement et en particulier de l’atténuation des émissions des gaz à effet de serre induites par le patrimoine et les compétences de la collectivité par le truchement du Plan Climat Air Energie Territorial (PCAET) promu par l’Établissement public territorial Est-Ensemble dont elle fait partie. Par ailleurs, la commune de Bagnolet fait valoir pour justifier de son voeu sur l’urgence sociale les caractéristiques de sa population sur son territoire, en situation de précarité importante. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la commune doit être regardée comme ayant adopté un voeu présentant un intérêt local. » (nous soulignons)

Ainsi, l’exposition d’une commune au phénomène d’îlot de chaleur est au nombre des éléments dont tient compte ici le juge administratif. Parmi les autres éléments figure l’adhésion à l’établissement public en charge du PCAET. Cette exposition aux îlots de chaleur démontre que la délibération du conseil municipal déclarant l’état d’urgence climatique correspond bien à un intérêt local. Le vœu est donc jugé légal. 

Conclusion

Le phénomène d’îlot de chaleur ne s’est pas encore traduit, en droit, par une notion précisément définie. Reste que les exemples précités démontrent que le juge administratif commence à s’en saisir. Ce mouvement jurisprudentiel doit certainement inciter le législateur, dans un contexte marqué par la multiplication des épisodes de chaleur, à s’en saisir.

Arnaud Gossement

Avocat associé – docteur en droit

professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne

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