Le principe de non régression du droit de l’environnement est inscrit dans le code de l’environnement

Août 8, 2016 | Environnement

La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a été publiée au Journal officiel du 9 août 2016 (cf. notre commentaire de cette loi). Elle inscrit le principe de non régression à l’article L.110-1 du code de l’environnement. Analyse d’un principe qui n’a pas vocation à modifier le régime de responsabilité des personnes privées mais dont la fonction est d’orienter le travail d’élaboration des normes à venir par le législateur et le pouvoir réglementaire.

I. Un nouveau principe directeur du droit de l’environnement

La loi n°2016-1087 du 8 août 2016 inscrit le principe de non régression à l’article L.110-1 du code de l’environnement :

« 9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. »

L’article L.110-1 du code de l’environnement comporte, notamment, plusieurs principes directeurs du droit de l’environnement de valeur législative. Ces principes ont pour objet d’orienter le travail des pouvoirs législatif et réglementaire. Certains de ces principes ont également une valeur constitutionnelle depuis leur inscription dans la Charte de l’environnement, adossée à la Constitution en 2005.

L’auteur de ces lignes ayant consacré sa thèse de doctorat à un principe directeur du droit de l’environnement – celui de précaution -, la consécration du principe non régression ne pouvait que retenir son attention.

Publiée au cœur de l’été, la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » ne devrait sans doute pas connaître immédiatement une grande ferveur médiatique. A long terme, certaines de ses dispositions devraient pourtant se révéler trés importantes. Il en va ainsi de la précision du régime juridique de la réparation du préjudice écologique ou de la compensation des atteintes à la biodiversité.

Il devrait également en aller de même pour le principe de non régression. En bien ou en mal. Car à l’instar du principe de précaution, ce principe de non régression – rarement défini – devrait sans doute être invoqué à tort et à travers par ses partisans comme par ses opposants. Pour ses opposants, le principe de non régression est : soit dépourvu de toute valeur juridique, soit une menace pour l’activité économique. Pour certains de ses partisans, le principe de non régression devrait permettre de faire pression sur

A notre sens, le principe de non régression ne correspondra à aucune de ces inquiétudes ou espérances.

II. L’inscription du principe de non régression dans la loi du 8 août 2016

Notre propos n’est pas, ici, de retracer toute l’histoire du principe de non régression. Les éléments de chronologie sont toutefois à noter. En France, plusieurs universitaires dont, principalement, le Professeur Michel Prieur, ont défendu la consécration juridique du principe de non régression. Plusieurs articles de doctrine ont pu donner un contenu à ce principe et en décrire l’émergence en droit international.

Par une Résolution du 29 septembre 2011 sur l’élaboration d’une position commune de l’Union dans la perspective de la conférence des Nations unies sur le développement durable (Rio+20), le Parlement européen a pu formuler la demande suivante : « 97. demande que le principe de non-régression soit reconnu dans le contexte de la protection de l’environnement et des droits fondamentaux« .

Le rapport d’information n° 545 (2011-2012) « Rio plus 20 : l’émergence d’un nouveau monde » de Mme Laurence ROSSIGNOL, fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 22 mai 2012 comporte une recommandation n°10 ainsi rédigée :  » Le document final adopté à la Conférence « Rio+20 » devra reconnaître et consacrer le principe de non régression du droit de l’environnement dans les législations nationales afin d’empêcher tout recul dans la protection de l’environnement.« 

La proposition de loi relative au renforcement du dialogue environnemental et de la participation du public, déposée par la députée Sabine Buis le 9 février 2016 comporte un article 2 qui prévoit d’inscrire le principe suivant à l’article L.110-1 du code de l’environnement : « 6° Le principe de non régression selon lequel la protection procurée par les dispositions législatives et réglementaires à l’environnement et à la biodiversité ne peut faire l’objet d’une restriction.« 

Le projet de loi relatif à la reconquête de la biodiversité, déposé le 26 mars 2014 à l’Assemblée nationale ne comportait aucune disposition relative au principe de non régression. C’est principalement la députée rapporteure Geneviève Gaillard qui a défendu son inscription dans ce texte, soutenue par les députés Pancher et Abeille puis, en deuxième lecture, par la secrétaire d’Etat chargé de la biodiversité, Mme Barbara Pompili.

En première lecture, Madame Gaillard a déposé puis retiré en commission un amendement destiné à consacrer ce principe de non régression. Lors des débats en commission, les députés Chanteguet, Pancher et Abeille ont également défendu ce principe. Toutefois, la ministre en charge de l’environnement s’est montrée assez réticente : « Comme vous l’avez souligné, le Gouvernement, lors du débat sur la modernisation du droit de l’environnement, a montré qu’il partage la philosophie de l’amendement. Mais c’est de la non-régression des textes législatifs qu’il est question, et c’est donc le Parlement qui en est le garant. En inscrivant ce principe dans la loi, on prendrait le risque de contentieux inextricables menant au blocage de projets. Alors que le projet de loi pour un nouveau modèle énergétique nous donne l’occasion de simplifier les démarches et les autorisations et de raccourcir les délais imposés à nos entreprises, nous ne pouvons prendre le risque de compliquer à nouveau. » En deuxième lecture, le Gouvernement, représenté par la secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité changera de position et défendra alors la consécration législative de ce principe.

En séance publique, les députés sont finalement parvenus à un compromis tendant à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur ce principe : « II (nouveau). – Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité d’inscrire le principe de non-régression dans le code de l’environnement. » La disposition a été supprimée au Sénat.

Le 15 mars 2016, en deuxième lecture et en séance publique, les députés ont adopté un amendement de Mme Gaillard tendant à inscrire le principe de non-régression dans le code de l’environnement et non plus simplement à demander un rapport à son endroit au Gouvernement : « 9° Le principe de non régression selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante. » Le compte rendu des débats parlementaires ne permet malheureusement pas, à ce stade, de préciser le sens et la portée qu’ont voulu donner les députés à ce principe.

La commission mixte paritaire a échoué, principalement en raison de l’opposition de l’Assemblée nationale et du Sénat sur le principe de non-régression. En nouvelle lecture, la députée rapporteure Geneviève Gaillard a défendu en ces termes ce principe. Il est important de reproduire ici cette déclaration car c’est à peu prés la seule qui donne quelques éléments d’interprétation de ce principe :

« Je présenterai brièvement le texte issu des travaux en commission, ainsi que les amendements que je vous propose d’adopter aujourd’hui. J’insisterai sur trois d’entre eux. Au début de cette nouvelle lecture, nous devons prêter une attention particulière aux principes fondateurs du code de l’environnement. Je suis particulièrement attachée au principe de non-régression, qui constitue un aspect fondamental de ce texte ; c’est pourtant sur ce point qu’a achoppé la commission mixte paritaire. Ce principe est capital : en l’absence d’une telle disposition, il se trouvera toujours une bonne raison d’abaisser le niveau de protection de l’environnement. J’ai proposé, en commission, de rendre sa rédaction plus dynamique, en soulignant que la notion d’ « amélioration constante », appliquée à la protection de l’environnement, doit s’entendre « compte tenu des connaissances scientifiques et techniques ».

Ce principe prévoit qu’on ne peut abaisser le niveau de protection de l’environnement. C’est un principe de progrès selon lequel la protection de l’environnement ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante. C’est un principe d’action et non d’interdiction : il n’interdit pas de modifier la règle existante dès lors que cela n’entraîne pas un recul de la protection. Ce principe est l’expression d’un devoir qui doit s’imposer aux pouvoirs publics au-delà des alternances politiques. Il ne s’agit pas du tout, comme je l’ai entendu dire, de remettre en cause les outils réglementaires de régulation des espèces, fussent-elles protégées, ni de faire disparaître les plans de gestion, ni de nier les progrès scientifiques ou techniques. Ce principe est le corollaire de l’article 2 de la charte de l’environnement, selon lequel « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement. »

Depuis septembre 2011, le Parlement européen s’intéresse au principe de non-régression du droit de l’environnement, qui figure au paragraphe 20 de la déclaration « L’avenir que nous voulons », adoptée en 2012 lors de la Conférence des Nations unies pour le développement durable. En 2012, le Congrès mondial pour la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN, a adopté une résolution, votée par la France, demandant à tous les gouvernements de reconnaître l’importance de ce principe dans la politique et le droit de l’environnement pour atteindre les objectifs de développement durable. Le devoir de non-régression du droit de l’environnement et de la protection de la biodiversité est une exigence d’équité environnementale au profit des générations futures. C’est l’exigence éthique et morale d’un progrès continu pour un meilleur environnement, vers moins de pollution et plus de biodiversité.« (nous soulignons).

En lecture définitive, la secrétaire d’Etat en charge de la biodiversité a indiqué :

« Le texte qui vous est soumis consacre le principe de non-régression de la protection de l’environnement : toute évolution législative future ne pourra avoir pour objectif qu’une amélioration constante de la protection de l’environnement. »

Notons dés à présent que tant le Gouvernement que la députée rapporteure ont bien entendu consacrer un principe d’orientation des travaux des pouvoirs législatif et réglementaire et non une nouvelle cause d’engagement de la responsabilité des personnes privées.

Plusieurs députés se sont toutefois inquiétés des conséquences de l’inscription de ce principe dans le code de l’environnement :

« M. Jean-Marie Sermier. Je tiens à évoquer deux points importants du texte. D’abord, le principe de non-régression est un OVNI juridique consistant à affirmer dans la loi que la protection de l’environnement ne pourra faire l’objet que d’améliorations et que toutes les dispositions prises aujourd’hui sont immuables.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Non, il s’agit simplement d’un principe de non-régression !

M. Jean-Marie Sermier. Quelle prétention vis-à-vis des générations futures ! En effet, cela revient à dire que nous sommes plus intelligents qu’elles, que notre législation est parfaite, qu’elle répond à tous les problèmes d’aujourd’hui et surtout à ceux de demain, donc qu’il ne faudra plus jamais y toucher.

M. David Douillet. Absolument !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Quelle interprétation vicieuse !

M. Jean-Marie Sermier. Sur la forme, ce principe pose un sérieux problème juridique. Vous inscrivez dans la loi, non pas une règle de droit, mais une ambition. Elle est louable, mais abstraite et subjective.

M. Martial Saddier. Il a raison !

M. Jean-Marie Sermier. Or le Parlement est souverain. Aujourd’hui comme demain, nos successeurs, députés et sénateurs, seront libres. Nous n’avons pas le droit de leur mettre des chaînes aux pieds. Je vous annonce donc que le groupe Les Républicains déposera un recours devant le Conseil constitutionnel pour démontrer l’inconstitutionnalité du principe de non-régression.

M. Daniel Fasquelle. Très bien !« 

Plusieurs parlementaires de l’opposition ont en effet saisi le Conseil constitutionnel pour que soient déclarées non conformes à la Constitution, plusieurs dispositions de ce projet de loi et, notamment, celle relative au principe de non régression.

Par une décision n° 2016-737 DC du 4 août 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré le principe législatif de non régression conforme à la Constitution mais, au terme d’une analyse qui, de nouveau, appelle un travail complémentaire d’interprétation. La décision n°2016-737 DC précise :

« 9. En premier lieu, selon l’article 6 de la Déclaration de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale… ». Il résulte de cet article comme de l’ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l’objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles et doit par suite être revêtue d’une portée normative.

10. Les dispositions contestées énoncent un principe d’amélioration constante de la protection de l’environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment. Ce principe s’impose, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire. Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, ces dispositions ne sont donc pas dépourvues de portée normative.

11. En deuxième lieu, il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter, pour la réalisation ou la conciliation d’objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité. Il peut également à cette fin modifier des textes antérieurs ou abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions. Dans l’un et l’autre cas, il ne saurait priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. Les griefs tirés de ce que les dispositions contestées méconnaîtraient l’article 2 de la Déclaration de 1789 et les articles 3, 39 et 44 de la Constitution doivent donc être écartés.

12. En troisième lieu, selon l’article 5 de la Charte de l’environnement : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

13. Les dispositions contestées ont pour objet de favoriser l’amélioration constante de la protection de l’environnement et ne font pas obstacle à ce que le législateur modifie ou abroge des mesures adoptées provisoirement en application de l’article 5 de la Charte de l’environnement pour mettre en œuvre le principe de précaution. Dès lors le grief tiré de ce que ces dispositions méconnaîtraient le principe de précaution est inopérant.

14. En dernier lieu, l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. Il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi.

15. Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, les dispositions du dernier alinéa de l’article 2 de la loi déférée ne sont entachées d’aucune inintelligibilité. Le grief doit par conséquent être écarté.

16. Le dernier alinéa de l’article 2 est conforme à la Constitution. »

Le Conseil constitutionnel a donc écarté tous les griefs de la saisine présentée devant lui. On retiendra de sa décision que le principe de non-régression :

– s’impose au pouvoir réglementaire ;

– n’entrave pas le pouvoir du Parlement de modifier ou d’abroger telle ou telle disposition de valeur législative en vigueur ;

– n’est pas contraire au principe de précaution ;

– n’est pas contraire à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi.

Il est particulièrement intéressant de se reporter aux observations présentées par le Gouvernement devant le Conseil constitutionnel.

En premier lieu, on notera que, pour le Gouvernement, le législateur a entendu s’inspirer « du droit international de l’environnement, d’exemples étrangers et de travaux universitaires » et consacrer un principe qui doit tenir compte de plusieurs intérêts généraux et non pas uniquement de celui qui s’attache à la protection de l’environnement :

« Tel que formulé par le législateur, qui, pour cela, s’est inspiré de l’évolution du droit international de l’environnement, d’exemples étrangers et de travaux universitaires, le principe de non-régression se présente comme un principe de progrès, qui n’entend faire obstacle ni à la nécessaire mutabilité de la règle de droit pour permettre son adaptation permanente à l’évolution des circonstances, ni à la faculté, pour les détenteurs du pouvoir normatif, de tenir compte d’intérêts généraux autres que celui de la protection de l’environnement.« 

En deuxième lieu, le Gouvernement a défendu l’idée selon laquelle le principe de non régression impose tout d’abord un diagnostic des normes existantes :

« D’une part, en effet, la référence, au 9° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, aux « connaissances scientifiques et techniques du moment » manifeste clairement que le législateur a entendu que puisse être réévaluée en permanence l’appréciation portée sur l’intérêt et l’effectivité, pour la protection de l’environnement, des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à un moment donné. »(nous soulignons).

Par ailleurs, « La vérification de son respect impliquera au surplus une analyse globale des effets cumulés, quant à la protection de l’environnement, de l’évolution normative envisagée et du corpus législatif et réglementaire existant, laquelle laissera nécessairement à l’autorité compétente une importante marge d’appréciation, conférant ainsi à l’application du principe la souplesse nécessaire pour prendre en compte la complexité des problématiques environnementales. » (nous soulignons).

En troisième lieu, le Gouvernement a pu souligner que le juge administratif aura vocation à prendre en compte ce nouveau principe :

« En particulier, en tant qu’il s’applique aux dispositions de nature réglementaire, le principe de non-régression a vocation à être pris en compte par le juge administratif, à l’instar d’autres principes énoncés par le II de l’article L. 110-1, dans l’exercice de son contrôle sur ces dispositions (v. par ex., s’agissant du principe de précaution, CE Ass., 12 avril 2013, Association coordination interrégionale stop THT et autres, nos 342409-342569-342689-342740-342748-342821, publiée au recueil Lebon ; s’agissant du principe de prévention des atteintes à l’environnement, CE 4 août 2006, Comité de réflexion d’information et de lutte anti-nucléaire (CRILAN) et Association « Le réseau sortir du nucléaire », n° 254948, publiée au recueil Lebon). »

On soulignera ici que le Gouvernement ne fait nullement référence au juge civil ou pénal. C’est bien le juge administratif qui aura pour tâche de s’assurer que les décisions administratives déférées à son contrôle de légalité sont bien conformes au principe de non régression.

III. Un principe d’orientation du travail des pouvoirs législatif et réglementaire et non de responsabilité des personnes privées

Au regard des travaux parlementaires précités, des enseignements de l’histoire des autres principes directeurs du droit de l’environnement – dont le principe de précaution – et de la place qu’occupera le principe de non régression dans la hiérarchie des normes, notre inteprétation du sens et de la portée de ce principe est la suivante

– ce principe a pour fonction principale d’orienter le travail normatif du pouvoir législatif et réglementaire

– ce principe a pour conséquence première d’imposer aux auteurs des lois et réglements de procéder à une étude d’impact préalable : des normes existantes et de l’incidence de toute nouvelle norme à venir pour la protection de l’environnement.

– il ne produit pas d’incidences pour la responsabilité civile ou pénale des personnes privées

– son application contribue au respect de plusieurs intérêts généraux et non pas seulement celui qui s’attache à la protection de l’environnement

– il appartiendra au juge administratif de s’assurer de la conformité des décisions administratives à ce principe.

Il est particulièrement important de souligner que le principe de non régression est un principe directeur du droit de l’environnement et non une nouvelle catégorie de faute – civile ou pénale – qui aurait pour effet d’étendre la liste des causes d’engagement des personnes privées.

Redisons-le : le principe de précaution, tel qu’inscrit à l’article L.110-1 du code de l’environnement, n’a jamais, dans aucune décision de justice, n’a jamais servi de fondement à une nouvelle catégorie de faute ou à une nouvelle incrimination. Le principe de précaution, tel qu’inscrit à l’article L.110-1 du code de l’environnement,

Le droit civil ou le droit pénal comportent des catégories juridiques sans doute proches de l’objet du principe de précaution, telle l’obligation de sécurité ou l’obligation de prudence. Mais ces obligations doivent être toute à fait distinguées d’un principe directeur du droit de l’environnement. La fonction d’un principe directeur est d’orienter le travail de rédaction des normes à venir, tant par le législateur que par le pouvoir réglementaire détenu par le Gouvernement et son administration.

Il appartiendra donc au législateur et au Juge de préciser le sens et la portée du principe de non régression qui, s’impose d’abord aux pouvoirs législatifs et réglementaires. Mais, d’ores et déjà, soulignons que le principe de non régression n’a pas pour conséquence de créer immédiatement de nouvelles obligations ou de nouvelles responsabilités pour les personnes privées.

Ce principe doit d’abord amener l’Etat à mieux évaluer l’impact de ses décisions publiques pour les objectifs et les principes définis au sein du code de l’environnement. Ce qui, au demeurant, pourrait également contribuer à la simplification de ce droit. Le principe de non régression ne doit pas être synonyme d’inflation normative, l’efficacité de cette dernière pour protéger l’environnement n’étant pas démontrée.

Enfin, précisons que ce principe, de valeur législative, doit être interprété au regard, notamment, des droits et principes de la Charte constitutionnelle de l’environnement dont l’article 6 consacre le principe de conciliation en ces termes : « Article 6. Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social.« 

Conclusion

Contrairement à une idée reçue, le principe de non régression, tel qu’inscrit par le législateur à l’article L.110-1 du code de l’environnement, n’a pas pour objet d’opposer mais bien de concilier écologie et économie.

Parce que ce nouveau principe directeur du droit de l’environnement impose tout d’abord une étude du stock de normes existantes, de leur effectivité et de leur utilité, il doit, à l’inverse, contribuer à la simplification et à la clarification du droit de l’environnement. En aucun cas, ce principe ne pourra avoir pour effet de justifier directement l’interdiction ou l’annulation de nouvelles activités industrielles ou de construction. Ce sont bien des normes législatives ou réglementaires de portée générale et non des actes administratifs individuels qui devront être conformes au principe de non régression.

Il n’est pas donc pas nécessaire d’agiter des peurs ou, à l’inverse, de nourrir de faux espoirs. Ce serait beaucoup de bruit pour rien. Certes, comme pour le principe de précaution, il est probable que, dans un premier temps, le principe de non régression fleurira dans les requêtes et mémoires présentés devant le juge administratif au soutien de demandes d’annulation de tel ou tel projet. Nul doute que le juge administratif fera preuve de la même prudence que pour le principe de précaution.

En définitive, à notre sens, le principe de non régression aura sans doute la même existence que la théorie de « l’effet cliquet » développée par la Cour de justice de l’Union européenne. Laquelle théorie n’a nullement eu pour conséquence de bloquer l’activité économique. 

Arnaud Gossement

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