Loi d’accélération de la production d’énergies renouvelables : retour sur les mesures relatives aux installations agrivoltaïques, adoptées par l’Assemblée Nationale

Jan 6, 2023 | Energie – Climat

L’Assemblée Nationale a achevé l’examen en première lecture le projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables et doit se prononcer par un vote général ce 10 janvier 2023. L’article 11 decies du projet de loi, portant sur les installations agrivoltaïques et initialement introduit en première lecture par le Sénat, a été modifié par l’Assemblée Nationale. Analyse.

NB : Les développements qui suivent sont consacrés à un décryptage des dispositions du titre II du projet de loi tel que voté par l’Assemblée nationale, en première lecture. L’Assemblée nationale n’a pas encore procédé au vote de la loi dans son ensemble à l’heure où cette note est écrite.

Résumé

A l’issue de l’examen du projet de loi en première lecture, l’Assemblée Nationale a modifié les dispositions relatives aux installations agrivoltaïques prévues à l’article 11 decies du projet de loi.

Les députés ont repris et ont complété le projet de rédaction du futur article L. 314-36 du code de l’énergie relatif aux critères de qualification d’une installation agrivoltaïque.

En outre, l’Assemblée Nationale a substantiellement modifié les dispositions du code de l’urbanisme initialement introduites par le Sénat en première lecture. Les députés ont notamment introduit des dispositions relatives aux installations de production d’énergie photovoltaïque compatibles avec une activité agricole. Deux catégories d’installation seraient donc identifiées : les installations agrivoltaïques, et les autres installations compatibles avec une activité agricole.

Commentaire

Le projet de loi tel que déposé par le Gouvernement au Sénat le 26 septembre 2022 ne comportait aucune disposition relative à la notion d’agrivoltaïsme ou d’installation agrivoltaïque.

Lors de son examen en première lecture du projet de loi, le Sénat avait introduit des dispositions relatives aux installations agrivoltaïques au sein du code de l’énergie et du code de l’urbanisme (commentaire du blog ici). L’Assemblée Nationale a repris la rédaction de l’article 11 decies introduit par les sénateurs.

I. Sur l’introduction d’un nouveau critère de qualification d’une installation agrivoltaïque introduit par les députés

Pour rappel, un nouvel article L. 314-36 du code de l’énergie prévoirait qu’une installation est qualifiée d’agrivoltaïque lorsque :

  • elle produit de l’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil, dont les modules de cette installation sont situés sur une parcelle agricole et contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ;
  • elle garantit une production agricole significative ;
  • elle garantit un revenu durable en étant issu ;
  • elle apporte au moins l’un des services suivants : L’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ; L’adaptation au changement climatique ; La protection contre les aléas ; L’amélioration du bien-être animal ;
  • elle ne porte pas une « atteinte substantielle » à l’un de ces services ou une « atteinte limitée » à deux de ces services ;
  • elle ne présente pas l’une des caractéristiques suivantes : elle ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole ; elle n’est pas réversible.

Ces critères, créés par les sénateurs en première lecture, n’ont pas été modifiés par les députés. La définition de l’installation agrivoltaïque est donc en l’état confirmée.

L’Assemblée Nationale a cependant ajouté un critère négatif pour qu’une installation bénéficie de la qualification d’agrivoltaïque. Si un bâtiment d’exploitation au sol de plus de 300m2 au sol existe, alors le projet d’installation photovoltaïque au sol devra obligatoirement prévoir l’installation de panneaux photovoltaïques sur ce bâtiment, préalablement à l’implantation de l’installation agrivoltaïque. . Dans ce cas, le projet devra prévoir une couverture minimale de 40% de la toiture de ce bâtiment, sauf impossibilité technique :

« Ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation au sol qui n’est pas obligatoirement précédée d’une installation photovoltaïque en toiture des bâtiments d’exploitation existants de plus de 300 mètres carrés au sol, sauf impossibilité technique, pour une surface minimale de 40 % de la toiture.« 

Un décret en Conseil d’Etat précisera les modalités d’application de l’ensemble de ces critères.

Après examen par l’Assemblée Nationale, le projet de loi prévoit également qu’un décret déterminera « les conditions de déploiement et d’encadrement de l’agrivoltaïsme », en s’appuyant sur le respect de :

  • la réglementation agricole en vigueur ;
  • le marché foncier agricole ;
  • la politique de renouvellement des générations ;
  • la politique sur le maintien du potentiel agronomique des sols, actuel et futur.

II. Sur la modification des dispositions du code de l’urbanisme initialement prévues dans le projet de loi tel qu’adopté par le Sénat, et l’introduction de la notion d’installation photovoltaïque sur des terrains agricoles, naturels et forestiers

Au sein de l’article 11 decies du projet de loi, l’Assemblée Nationale a introduit une nouvelle Section 9 au chapitre I du titre I du Livre I du code de l’urbanisme, relative aux installations de production d’énergie photovoltaïque sur des terrains agricoles, naturels et forestiers.

Ces installations concernent :

  • les installations agrivoltaïques ;
  • les installations compatibles avec l’exercice d’une activité agricole.

Création d’une sous-section au sein du code de l’urbanisme relative aux installations agrivoltaïques

Le projet de loi modifié créerait une sous-section 1 relative aux installations agrivoltaïques. Un article L. 111-27 A du code de l’urbanisme pourrait prévoir qu’une installation agrivoltaïque soit considérée comme nécessaire à l’exploitation agricole, lorsque les conditions exposées plus tôt sont réunies.

En outre, un futur article L. 111-27 du code de l’urbanisme disposerait que les installations de serres, hangars et ombrières, supportant des panneaux photovoltaïques, devront correspondre à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative. Cet article, figurant dans le projet de loi tel qu’adopté par le Sénat, n’a pas été modifié par les députés.

Création d’une sous-section au sein du code de l’urbanisme relative aux installations de production d’énergie photovoltaïque sur des terrains agricoles, naturels et forestiers

Une nouvelle sous-section 2 dans le code de l’urbanisme viserait à encadrer une catégorie d’installations photovoltaïques qui ne réuniraient pas les critères d’une installation agrivoltaïque. Les sénateurs n’avaient pas prévu la création d’un régime juridique distinct pour ces installations lors de leur examen du projet de loi en première lecture.

En premier lieu, un futur article L. 111-28 porterait sur la compatibilité d’une installation photovoltaïque avec l’exercice d’une activité agricole, condition pour considérer l’installation comme nécessaire à une exploitation agricole ou à un équipement collectif, au sens des dispositions des articles L. 111-4 (règlement national d’urbanisme), L. 161-4 (carte communale) et L. 151-11 (plan local d’urbanisme) du code de l’urbanisme. Le texte vise finalement à encadrer cette notion de compatibilité, ce qui est actuellement réalisé par l’appréciation des juridictions administratives.

Ce nouvel article L. 111-28 du code de l’urbanisme préciserait l’appréciation de la compatibilité de l’installation avec l’exercice de l’activité agricole :

  • A l’échelle de l’ensemble des terrains d’un seul tenant, faisant partie de la même exploitation agricole, pastorale ou forestière. Ainsi, l’échelle de l’appréciation de la compatibilité avec l’activité agricole serait l’unité foncière ;
  • Au regard de l’activité agricole, pastorale ou forestière qui est effectivement exercée ou, en l’absence d’une activité effective, qui auraient vocation à s’y développer ;
  • En-dehors des installations agrivoltaïques, les installations photovoltaïques au sol ne peuvent être implantées en-dehors des surfaces identifiées dans un document cadre.

L’implantation des installations photovoltaïques au sol serait conditionnée à la délimitation de surfaces identifiées à l’échelle départementale.

Il est prévu qu’un arrêté préfectoral pourra établir un document-cadre à l’échelle du département, sur proposition de la chambre de l’agriculture et après consultation de la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). La définition de ces surfaces devra être réalisée en veillant à la préservation de la souveraineté alimentaire et à favoriser les systèmes de production agroécologiques.

Lorsqu’un document-cadre est en vigueur sur le territoire départemental, alors l’avis de la CDPENAF rendu sur le projet d’installation photovoltaïque au sol est un avis simple.

Le futur article précise que les surfaces ne peuvent être identifiées dans l’arrêté préfectoral qu’à la condition que les sols concernés soient réputés incultes ou non exploitées, pour une durée minimale de 10 ans à la date de promulgation de la loi relative à l’accélération des énergies renouvelables.

Enfin, l’article prévoit qu’un autre décret précisera, par région, le volume des surfaces pouvant être ouvertes aux implantations photovoltaïques au sol, en cohérence avec les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Les installations photovoltaïques qui ne peuvent être qualifiées d’installation agrivoltaïque, devront être projetées sur les surfaces identifiées par le document-cadre établi à l’échelle du département, lorsqu’un tel arrêté a été adopté.

En deuxième lieu, un article L. 111-29 serait inséré dans cette sous-section 2, et prévoirait que les modalités techniques de l’installation photovoltaïque ne devront pas affecter les fonctions écologiques du sol sur lequel elle sera implantée, notamment biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique. En outre, l’article rappelle que l’installation ne devra pas être incompatible avec l’activité agricole, pastorale ou forestière du terrain sur lequel elle sera implantée.

Création d’une sous-section au sein du code de l’urbanisme relative aux dispositions communes aux installations agrivoltaïques et aux installations photovoltaïques compatibles avec l’exercice d’une activité agricole

L’article 11 decies du projet de loi prévoit d’introduire une sous-section 3 « Dispositions communes », à savoir communes aux installations agrivoltaïques et aux installations photovoltaïques au sol qui n’entrent pas dans cette qualification.

En premier lieu l‘article L. 111-30 du code de l’urbanisme introduit dans cette sous-section 3 prévoit que les projets d’installations agrivoltaïques et d’installations photovoltaïques installées en-dehors des surfaces identifiées dans le document-cadre, sont soumis à avis conforme de la CDPENAF.

Il convient de souligner que cet avis conforme ne concernerait pas les installations implantées sur serre, hangar ou ombrière.

En deuxième lieu, le projet de loi prévoit également que les installations photovoltaïques seraient autorisées pour une durée limitée, et devraient être démantelées au terme d’une durée fixée ou au terme de l’exploitation de l’installation (futur article L. 111-31 du code de l’urbanisme).

La durée est précisée par l’article :

  • Si l’ouvrage n’est plus exploité, ou qu’il n’est plus compatible avec l’activité agricole, pastorale ou forestière ;
  • Le cas échéant, à l’issue d’une durée fixée par voie réglementaire.

En outre, en application de cet article, lorsque le projet est soumis à autorisation d’urbanisme (permis de construire ou déclaration préalable), la mise en œuvre de cette autorisation peut être subordonnée à la constitution de garanties financières si la sensibilité du terrain ou l’importance du projet le justifie.

En troisième lieu, les députés ont introduit une nouvelle règle à l’implantation d’une installation photovoltaïque au sol. En effet, une installation ne pourra être projetée sur un terrain qui nécessiterait un défrichement soumis à évaluation environnementale systématique, ou qui a fait l’objet d’une autorisation de défrichement, répondant aux mêmes conditions, dans les cinq années précédant la demande d’autorisation d’urbanisme (cf. Futur article L. 111-32 du code de l’urbanisme).

Un décret en Conseil d’Etat précisera les modalités d’application de cet article, qui sera applicable aux dossiers déposés, en l’état du texte, après l’expiration d’un délai de neuf mois à la suite de la promulgation de la loi relative à l’accélération des énergies renouvelables.

Finalement, la création d’un régime juridique des installations photovoltaïques implantées sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers était attendue mais apparaît complexe dans sa rédaction telle qu’issue de l’examen du projet de loi par l’Assemblée Nationale. 

Clémentine Vagne 

Juriste  – Elève avocate

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