Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 : présentation des mesures correspondant aux domaines de compétence du cabinet

Mar 24, 2020 | Environnement

La loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a été publiée au Journal officiel de ce 24 mars 2020. Notre cabinet vous propose une analyse de certaines de ses dispositions qui intéressent nos domaines d’intervention.

Cette loi comporte quatre titres :

  • Titre Ier l’Etat d’urgence sanitaire (articles 1 à 8)
  • Titre II Mesures d’urgence économiques et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de covid-19 (articles 9 à 18)
    Titre III Dispositions électorales (articles 19 à 21)
  • Titre IV Contrôle parlementaire (articles 22)

A noter : un projet de loi organique a également été adopté. Conformément à la Constitution, le Conseil Constitutionnel a été saisi le 23 mars 2020 avant sa promulgation.

Dans les domaines de compétences du cabinet, seront présentées les dispositions suivantes.

I. L’Etat d’urgence sanitaire (Titre 1er)

Le texte voté par le Parlement, pour prévenir et limiter les effets de l’épidémie de Covid-19 créé un nouveau régime d' »état d’urgence sanitaire ».

En premier lieu, les futurs articles L. 3131-20 et suivants du code de la santé créent et encadrent le nouveau régime d’exception de « l’état d’urgence sanitaire ».

– D’une part, il est prévu que l’état d’urgence sanitaire peut être décrété sur la totalité du territoire français, y compris l’Outre-Mer « en cas de catastrophe sanitaire, notamment d’épidémie mettant en jeu par sa nature et sa gravité, la santé de la population ».

L’état d’urgence sanitaire est déclaré par décret en Conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret fixe les circonscriptions territoriales concernées par l’état d’urgence. A noter qu’un décret ne peut déclarer l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un délai d’un mois. Seule la loi peut proroger ce délai, pour un nouveau délai qu’elle fixe impérativement.

– D’autre part, les pouvoirs octroyés aux membres du gouvernement en période d’état d’urgence sanitaire sont également fixés par le code de la santé publique.

En ce sens, le futur article L. 3131-23 du code de la santé publique liste de manière précise et exhaustive les dix mesures que peut prendre le Premier ministre, au titre de l’état d’urgence sanitaire (restreindre la circulation, ordonner la mise en quarantaine, ordonner des réquisitions, limiter la liberté d’entreprendre etc.).

Le ministre de la santé peut également prescrire par arrêté, dans les circonscriptions territoriales concernées, « toute mesure réglementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé visant à mettre fin à la catastrophe sanitaire », à l’exception des mesures relevant de la compétence du Premier ministre ; ainsi que des mesures individuelles.

Le Premier ministre et le ministre de la santé peuvent habiliter le représentant de l’Etat territorialement compétent à prendre les mesures d’application de ces dispositions voire, à les décider lui-même, après avis du directeur général de l’agence régionale de santé.

Dans les deux cas, il est précisé que, conformément à la jurisprudence administrative constante, les mesures sont subordonnées au respect des principes de nécessité et de proportionnalité. Concrètement, ces mesures devront être « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu » et il devra y être mis fin sans délai dès lors qu’elles ne seront plus nécessaires. Des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect des mesures édictées. En toute hypothèse, il reste possible de former des recours à l’encontre des mesures prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.

– De dernière part, plusieurs dispositions tendant à mettre en place un dialogue entre les institutions pendant cette période d’état d’urgence sanitaire. Ainsi, l’Assemblée Nationale et le Sénat sont informés des mesures mises en place. En outre, la déclaration de l’état d’urgence s’accompagne de la création d’un comité de scientifiques représentatif, rendant périodiquement des avis sur ces mesures.

En deuxième lieu, pour mettre fin à l’épidémie du coronavirus, la loi précise que l’état d’urgence sanitaire est déclaré, par dérogation, pour une durée de deux mois, sur l’ensemble du territoire national. Ce délai pourra être prorogé par la loi.

II. Les mesures d’urgence économiques et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de covid-19 (Titre II)

Les mesures relatives à la continuité de la justice et à l’adaptation des délais de recours (Titre II)

En premier lieu, la loi confirme les possibilités données au pouvoir réglementaire de prendre les mesures nécessaires relatives à l’organisation de la justice, notamment celles relatives aux délais de procédure. Plusieurs mesures vont être prises par le pouvoir réglementaire afin de permettre la continuité de l’exercice de la justice.

Cette continuité doit être assurée dans des conditions adaptées à la lutte contre l’épidémie de COVID-19 et dans des conditions respectant les droits fondamentaux liés à la justice, comme l’accès au juge, le droit à un procès équitable, ou encore le respect du principe du contradictoire. Toutes les juridictions seront concernées par ces mesures.
Dans cet objectif, l’article 11 de la loi prévoit que : « 2° Afin de faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation, toute mesure : (…) c) Adaptant, aux seules fins de limiter la propagation de l’épidémie de covid-19 parmi les personnes participant à la conduite et au déroulement des instances, les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions ; ».

Actuellement, les délais de procédure continuent de courir. C’est le cas par exemple des délais de recours contre les autorisations administratives (décisions relatives aux autorisations environnementales, aux permis de construire…), il en va ainsi des délais d’appel ou de pourvoi en cassation. Afin de répondre à cette situation, la loi indique donc que les règles relatives aux délais de procédure vont être adaptées.

Il ne précise cependant pas la date à partir de laquelle les mesures relatives à ces délais vont produire leurs effets. Sur ce point, la loi est allée plus loin pour les mesures visant à adapter, interrompre suspendre ou reporter le terme des délais en lien avec la cessation ou la fin d’un droit ou d’une autorisation. Ces mesures seront effectivement rendues applicables à compter du 12 mars 2020 (Cf. Article 11-I-2°-a de la loi).

Cette date pour les délais de recours sera donc déterminée par l’ordonnance qui sera prochainement prise par le pouvoir réglementaire. Elle devrait être alignée sur le 12 mars 2020, mais rien n’est acquis pour le moment, il convient donc de continuer à être vigilant.

La loi prévoit également que des mesures vont être prises pour assurer la continuité de la justice dans le contexte épidémique, tout en assurant le respect du principe du contradictoire.

La compétence territoriale des juridictions, les modes de saisine, les formations de jugement, les règles relatives à la publicité des audiences et à leur tenue vont être adaptées. De même que le cadre relatif au recours à la visioconférence va faire l’objet de mesures.

En deuxième lieu, l’article 11 de la loi permet également au Gouvernement de prendre par ordonnance des mesures afin d’adapter les délais et procédures d’instruction des demandes administratives.

Le a) du 2° du I de cet article lui permet ainsi d’adapter les délais et procédures suivants :

– les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives ;
– les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative ;
– les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naître ;
– les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements.

Pour ces derniers, une exception est faite, ne permettant pas cette possibilité d’adaptation par le Gouvernement : lorsque ces délais résultent d’une décision de justice.

Par ailleurs, le f) du 8° de ce même article, qui vise toutes les mesures permettant, dans ce contexte, d’assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice de leurs compétences, permet au Gouvernement de prendre toute mesure permettant de déroger aux règles applicables en matière de consultations et de procédures d’enquête publique, ou exigeant une consultation d’une commission consultative ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale ou de ses établissements publics.

Ces dispositions sont donc susceptibles d’avoir des incidences sur l’organisation et les délais d’instruction de l’ensemble des demandes déposées auprès des autorités administratives, telles que les permis de construire ou les autorisations environnementales.

Les mesures concernant la commande publique en période de crise sanitaire (Titre II)

Parmi les mesures visant à faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la crise, figurent également celles concernant la commande publique.

La loi habilite le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des adaptations aux règles de passation, délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet :

« 1° Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid 19 et aux conséquences des mesures prises pour limiter cette propagation, et notamment afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi, en prenant toute mesure : […]
f) Adaptant les règles de passation, de délais de paiement, d’exécution et de résiliation, notamment celles relatives aux pénalités contractuelles, prévues par le code de la commande publique ainsi que les stipulations des contrats publics ayant un tel objet ».

Il appartient donc au gouvernement d’adapter, dans les plus brefs délais, la réglementation applicable en matière de commande publique pour tenir compte de la crise sanitaire.

Dans l’attente de la publication de l’ordonnance susvisée, il est utile de se référer au communiqué de la Direction des affaires juridiques (DAJ) du Ministère de l’Economie qui donne des précisions sur les fondements juridiques mobilisables pour la passation des marchés publics en cas de besoins urgents et sur l’exécution des marchés en cours.

Les modalités de délibérations des collectivités territoriales et établissements publics.

L’article 10 de la loi prévoit pour la durée de l’état d’urgence sanitaire et par dérogation à de nombreux articles du code général des collectivités territoriales, dans les zones géographiques où il reçoit application, que les organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics qui en relèvent ne délibéreront valablement que lorsque le tiers de leurs membres en exercice sera présent.

Toutefois, si, après une première convocation régulièrement faite, ce quorum n’est pas atteint, l’organe délibérant sera à nouveau convoqué à trois jours au moins d’intervalle. Lors de cette nouvelle convocation, la délibération pourra être réalisée sans condition de quorum. Dans tous les cas, un membre de ces organes pourra être porteur de deux pouvoirs.

Enfin, afin de sécuriser au maximum ces délibérations, un dispositif de vote électronique ou de vote par correspondance papier préservant la sécurité du vote pourra être mis en œuvre dans des conditions fixées par décret pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire. Néanmoins, il ne pourra être recouru à ces dispositifs dans le cadre des scrutins dont la loi commande le caractère secret.

Les mesures permettant d’assurer la continuité du fonctionnement des collectivités territoriales (Titre II)

Parmi les mesures susceptibles d’être adoptées par ordonnances, figurent à l’article 11, I, 8° de la loi, celles qui sont nécessaires pour assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales, de leur compétence ainsi que de la continuité budgétaire et financière des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, et plus particulièrement, les mesures permettant de déroger :

– Aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;

– Aux règles de délégation que peuvent consentir ces assemblées délibérantes à leurs organes exécutifs ainsi que leurs modalités ;

– Aux règles d’adoption et d’exécution des documents budgétaires ainsi que de communication des informations indispensables à leur établissement, prévues par la réglementation ;

– Aux dates limites d’adoption des délibérations relatives au taux, au tarif ou à l’assiette des impôts directs locaux ou à l’institution de redevances ;

– Aux règles applicables à la durée des mandats des représentants des élus locaux dans les instances consultatives dont la composition est modifiée à l’occasion du renouvellement général des conseils municipaux.

Il convient de souligner que les ordonnances qui seront prises sur le fondement de l’article 11 de la loi sont dispensées de toute consultation obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire. Il est également prévu qu’un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de chaque ordonnance. Enfin, il convient de relever que ces dispositions de la loi n’ont appelé aucune observation particulière du Conseil d’Etat aux termes de son avis du 18 mars 2020, n°399873.

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