En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Pollution de l’eau potable par les nitrates : la Commission européenne saisit la Cour de justice de l’Union européenne d’un recours contre la France (Affaire C-154/25)
Par un recours daté du 21 février 2025 et rendu public ce 22 avril 2025 (affaire C-154/25), la Commission européenne a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne de constater que la France ne respecte toujours pas la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Cette directive fixe pour les nitrates la valeur maximum de 50 mg par litre. Pour la Commission européenne, 107 unités de distribution d’eau potable en France présentent toujours des dépassements chroniques de cette valeur maximum fixée pour les nitrates.
I. Rappel de la procédure
Rappel : la procédure en manquement. Aux termes de l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la Commission européenne peut engager une procédure d’infraction à l’encontre d’un Etat membre qui ne respecte pas ses obligations nées du droit de l’Union européenne.
- Cette procédure est engagée par l’envoi à l’Etat membre concerné d’une lettre de mise en demeure puis d’un avis motivée
- Si l’État en cause ne se conforme pas à cet avis motivé dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne.
- La Cour de justice rend un premier arrêt par lequel elle constate ou non l’existence d’un manquement par un Etat membre au droit de l’Union européenne (article 260 TFUE).
- La Cour de de justice rend, le cas échéant, un deuxième arrêt elle peut infliger à l’Etat concerné le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte (article 260 TFUE).
Rappel : la directive sur la qualité de l’eau potable. Dans la présente affaire, la Commission européenne reproche à la France, au moins depuis 2020, de ne pas respecter la directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Cette directive a été abrogée par la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine et n’est plus en vigueur depuis le 12 janvier 2023.
Par un recours daté du 21 février 2025, la Commission européenne a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne de constater que la France l’article 4, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’annexe I, partie B, et de l’article 14, paragraphes 2 et 3, de la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine
- L’article 4 paragraphe 1 de la directive 2020/2184 définit une obligation générale pour les Etats membres de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la salubrité et la propreté des eaux destinées à la consommation humaine : « 1. Sans préjudice des obligations qui leur incombent au titre d’autres dispositions du droit de l’Union, les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer la salubrité et la propreté des eaux destinées à la consommation humaine. Pour satisfaire aux exigences minimales de la présente directive, les eaux destinées à la consommation humaine sont salubres et propres si toutes les exigences suivantes sont remplies :/ a) ces eaux ne contiennent pas un nombre ou une concentration de micro-organismes, de parasites ou de substances constituant un danger potentiel pour la santé humaine ; / b) ces eaux sont conformes aux exigences minimales énoncées à l’annexe I, parties A, B et D; / c) les États membres ont pris toutes les autres mesures nécessaires pour se conformer aux articles 5 à 14.«
- L’article 14 (Mesures correctives et restrictions d’utilisation) paragraphe 1 de la directive 2020/2184 impose aux Etats membres d’engager immédiatement une enquête en cas de non respect des normes de pollution de l’eau potable : « 1. Les États membres veillent à ce que, en cas de non-respect des valeurs paramétriques fixées conformément à l’article 5, une enquête soit immédiatement effectuée afin d’en déterminer la cause.«
- L’article 14 (Mesures correctives et restrictions d’utilisation) paragraphe 2 de la directive 2020/2184 impose aux Etats membres de prendre les mesures correctives nécessaires, le plus rapidement possible afin de rétablir la qualité de ces eaux et accorde la priorité à leur application : « 2. Si, malgré les mesures prises pour satisfaire aux obligations imposées par l’article 4, paragraphe 1, les eaux destinées à la consommation humaine ne satisfont pas aux valeurs paramétriques fixées conformément à l’article 5, et sans préjudice de l’article 6, paragraphe 2, l’État membre concerné veille à ce que les mesures correctives nécessaires soient prises le plus rapidement possible afin de rétablir la qualité de ces eaux et accorde la priorité à leur application, compte tenu, entre autres, de la mesure dans laquelle la valeur paramétrique pertinente a été dépassée et du danger potentiel qui y est lié pour la santé humaine. / En cas de non-respect des valeurs paramétriques fixées à l’annexe I, partie D, les mesures correctives incluent les mesures prévues à l’article 10, paragraphe 3.«
- L’article 14 (Mesures correctives et restrictions d’utilisation) paragraphe 3 de la directive 2020/2184 impose aux Etats membres d’interdire ou de restreindre toute consommation humaine d’une eau polluée : « 3. Que les valeurs paramétriques aient été respectées ou non, les États membres veillent à ce que tout approvisionnement en eaux destinées à la consommation humaine constituant un danger potentiel pour la santé humaine soit interdit ou à ce que l’utilisation de ces eaux. / Les États membres considèrent le non-respect des exigences minimales pour les valeurs paramétriques énumérées à l’annexe I, parties A et B, comme un danger potentiel pour la santé humaine, sauf si l’autorité compétente estime que le non-respect de la valeur paramétrique est sans gravité.«
Les étapes de la procédure d’infraction engagée par la Commission européenne contre la France en raison de la pollution par les nitrates
30 octobre 2020 : la Commission européenne a adressé à la France une lettre de mise en demeure (article 258 du TFUE) pour n’avoir pas mis en œuvre la directive 98/83/CE du Conseil du 3 novembre 1998 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine. Comme le précise le communiqué de presse de la Commission européenne daté du 30 octobre 2020 « Depuis longtemps, l’eau potable distribuée à des dizaines de milliers de personnes en France contient des quantités excessives de nitrates. La France a donc manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive sur l’eau potable en ce qui concerne les niveaux de nitrates dans l’eau potable. La Commission envoie donc aujourd’hui une lettre de mise en demeure à la France, qui dispose à présent d’un délai de deux mois pour y répondre; à défaut, la Commission pourrait décider de lui adresser un avis motivé. »
15 février 2023 : la Commission européenne a adressé à la France un avis motivé (article 258 du TFUE) en raison de son refus persistant de mettre en œuvre totalement la directive 98/83/CE :
« Depuis longtemps, l’eau potable distribuée à des dizaines de milliers de personnes en France contient des quantités excessives de nitrates. La Commission a envoyé une lettre de mise en demeure à cet État membre en octobre 2020. La France a pris des mesures adéquates concernant certaines unités de distribution d’eau potable, mais l’eau potable actuellement distribuée à plusieurs milliers de personnes dans le pays ne respecte toujours pas la valeur limite applicable aux nitrates, en violation de la directive sur l’eau potable./Par conséquent, la Commission a décidé d’adresser un avis motivé à la France, qui dispose à présent d’un délai de deux mois pour y répondre et prendre les mesures nécessaires. À défaut, la Commission pourrait décider de saisir la Cour de justice de l’Union européenne » (nous soulignons).
21 février 2025 : par un recours enregistré sous le numéro C154-25, la Commission européenne a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne de constater que :
- en n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour assurer la conformité des eaux destinées à la consommation humaine aux exigences minimales concernant la valeur paramétrique pour les nitrates en ce qui concerne les 107 unités de distribution d’eau potable identifiées dans la requête ;
- en n’ayant pas pris le plus rapidement possible des mesures correctives pour rétablir la qualité des eaux destinées à la consommation humaine en ce qui concerne ces 107 unités de distribution d’eau potable et en n’ayant pas accordé la priorité à leur application, compte tenu, entre autres, de la mesure dans laquelle la valeur paramétrique pertinente a été dépassée et du danger potentiel qui y est lié pour la santé des personnes ; et
- en n’ayant pas restreint l’utilisation des eaux destinées à la consommation humaine dépassant de façon chronique la valeur paramétrique nitrates ou en n’ayant pas pris toute autre mesure nécessaire pour protéger la santé des personnes, et en n’ayant pas suffisamment informé les consommateurs,
- la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en application de l’article 4, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’annexe I, partie B, et de l’article 14, paragraphes 2 et 3, de la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine 1.
On relèvera que la Commission ne reproche pas simplement à la France de ne pas respecter les valeurs limites pour les nitrates dans l’eau potable mais aussi de ne pas restreindre la consommation de cette eau polluée. A la suite de cette saisine de la Cour de justice de l’Union européenne, une procédure d’instruction d’au moins un an est engagée.
III. Les précédents
La Cour de justice a déjà condamné à plusieurs reprises la France pour manquement à ses obligations en matière de prévention et de gestion de la pollution des eaux par les nitrates.
Par un arrêt du 4 septembre 2014 (affaire C‑237/12), la Cour de justice de l’Union européenne a constaté que la France a manqué à plusieurs de ses obligations de mise en oeuvre de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991, concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles.
Par un arrêt du 13 juin 2013 (affaire C‑193/12), la Cour de justice de l’Union européenne a constaté que la France a omis de désigner en tant que zones vulnérables plusieurs zones caractérisées par la présence de masses d’eau de surface et souterraines affectées, ou risquant de l’être, par des teneurs en nitrates excessives et/ou par un phénomène d’eutrophisation, en violation de la directive 91/676/CEE du Conseil, du 12 décembre 1991.
Par un arrêt du 9 juin 2011 (affaire C‑383/09), la Cour de justice de l’Union européenne a constaté que la France n’a pas instauré de programme de mesures permettant une protection stricte de l’espèce du grand hamster (Cricetus cricetus) des effets de la pollution par les nitrates, en violation de l’article 12, paragraphe 1, sous d), de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, telle que modifiée par la directive 2006/105/CE du Conseil, du 20 novembre 2006.
Par un arrêt du 9 juin 2008 (affaire C-147/07 ), la Cour de justice de l’Union européenne a constaté que la France n’a pas pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer à l’article 4 de la directive 98/83/CE du Conseil, du 3 novembre 1998, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
Par un arrêt du 28 octobre 2004 (affaire C-505/03), la Cour de justice de l’Union européenne a constaté que la France ne respecte pas les exigences de la directive 80/778/CEE du Conseil, du 15 juillet 1980, relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, pour ce qui concerne la teneur en nitrates des eaux destinées à la consommation humaine en Bretagne.
Par un arrêt du 23 septembre 2004 (affaire C-280/02), la Cour de justice de l’Union européenne a constaté que la France a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphes 1 et 2, et de l’annexe II de la directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires, en omettant
- d’identifier comme zones sensibles au titre de l’eutrophisation la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec l’Andelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, l’estuaire de l’Elorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes ainsi que l’étang de Thau, et
- de soumettre à un traitement plus rigoureux les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant des agglomérations – autres que Vichy, Aix-en-Provence, Mâcon, Créhange, Saint-Avold, Bailleul, Aurillac, Montauban, Châtillon-sur-Seine et Gray – visées dans la lettre des autorités françaises du 12 décembre 2000 et de l’agglomération de Montpellier, ainsi que les rejets d’eaux urbaines résiduaires provenant d’agglomérations ayant un équivalent habitant (EH) de plus de 10 000 dans la baie de Seine, la Seine en aval de son confluent avec l’Andelle, les eaux littorales du bassin Artois-Picardie, la baie de la Vilaine, la rade de Lorient, l’estuaire de l’Elorn, la baie de Douarnenez, la baie de Concarneau, le golfe du Morbihan, le Vistre en aval de Nîmes et l’étang de Thau,
Arnaud Gossement
Avocat et professeur associé à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
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