En bref
Solaire : publication du décret du 3 décembre 2024 précisant les caractéristiques des panneaux solaires photovoltaïques permettant le report de l‘obligation de solarisation de certains parkings
Hydroélectricité : modifications des modalités d’expérimentation du dispositif du médiateur
Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) : Modification des dispositions relatives à l’élaboration, la modification et la révision des SAGE
Déchets : Assouplissement des conditions pour la reprise des déchets de construction par les distributeurs
Principe de non régression : annulation partielle du décret du 3 avril 2018 exemptant d’évaluation environnementale certains projets de déboisement en Guyane (Conseil d’Etat)
Par une décision n°420804 du 9 octobre 2019, le Conseil d’Etat a procédé à une nouvelle application du principe de non régression en annulant partiellement les dispositions d’un décret exemptant de toute évaluation environnementale certains projets de déboisement en Guyane.
A titre liminaire, je vous propose la lecture de notre note datée du 9 août 2016 et consacrée à l’inscription en droit interne du principe de non régression.
Dans la présente affaire, deux associations de défense de l’environnement (France Nature Environnement et Guyane Nature Environnement) avaient saisi le Conseil d’Etat d’un recours tendant à l’annulation du décret n° 2018-239 du 3 avril 2018 « relatif à l’adaptation en Guyane des règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, en tant qu’il exclut, pour la Guyane, à la rubrique 47 de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, les projets de défrichement de plus de 0,5 hectares précédemment soumis à évaluation environnementale et en tant qu’il ne corrige pas la rubrique 47 de la nomenclature annexée à l’article R. 122-2 du code de l’environnement afin de soumettre à évaluation environnementale les défrichements de moins de 25 hectares réalisés par l’Etat en forêt domaniale« . Décret signé par Nicolas Hulot alors qu’il était ministre en charge de l’écologie.
En d’autres termes, ainsi que le précise la décision ici commentée : « les dispositions contestées du décret attaqué exemptent de toute évaluation environnementale, en Guyane, les projets de déboisement en vue de la reconversion des sols portant sur une superficie totale de moins de 20 hectares dans les zones classées agricoles par un plan local d’urbanisme ayant lui-même fait l’objet d’une évaluation environnementale ou, en son absence, dans le schéma d’aménagement régional, alors que ce seuil était antérieurement de 0,5 hectare.«
Par ce décret, le Gouvernement a ainsi entendu simplifier le recours au déboisement en Guyane en exemptant certains projets de toute évaluation environnementale.
Le Conseil d’Etat va tout d’abord rappeler la portée du principe de non régression inscrit à l’article L.110-1 du code de l’environnement :
« Il résulte de ces dispositions qu’une réglementation soumettant certains types de projets à l’obligation de réaliser une évaluation environnementale après un examen au cas par cas alors qu’ils étaient auparavant au nombre de ceux devant faire l’objet d’une évaluation environnementale de façon systématique ne méconnaît pas, par là-même, le principe de non-régression de la protection de l’environnement dès lors que, dans les deux cas, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement doivent faire l’objet, en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement, d’une évaluation environnementale. En revanche, une réglementation exemptant de toute évaluation environnementale un type de projets antérieurement soumis à l’obligation d’évaluation environnementale après un examen au cas par cas n’est conforme au principe de non-régression de la protection de l’environnement que si ce type de projets, eu égard à sa nature, à ses dimensions et à sa localisation et compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, n’est pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine.«
Aux termes de ce considérant, il apparaît que le principe de non régression
– ne s’oppose pas à ce que l’Etat soumette un projet soumis à évaluation environnement systématique à une évaluation environnementale au cas par cas;
– s’oppose à ce qu’un projet susceptible d’avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine soit dispensé de toute évaluation environnementale alors qu’il était auparavant soumis à une évaluation environnementale au cas par cas.
En résumé, le principe de non régression impose à l’Etat de ne pas dispenser de toute évaluation environnementale un projet auparavant soumis à une telle exigence. Il s’agit bien d’un « effet cliquet » : l’évaluation environnementale étant conçue par l’Etat lui-même comme un progrès du droit de l’environnement, il n’est pas possible de revenir sur ce progrès par décret. Le passage par la loi serait ici requis.
En conséquence, le Conseil d’Etat annule partiellement le décret du 3 avril 2018
« 6. D’autre part, les dispositions contestées du décret attaqué exemptent de toute évaluation environnementale, en Guyane, les projets de déboisement en vue de la reconversion des sols portant sur une superficie totale de moins de 5 hectares dans les autres zones que celles indiquées au point précédent, c’est-à-dire les zones n’ayant pas été classées en zones agricoles par un document d’urbanisme ayant lui-même fait l’objet d’une évaluation environnementale ou dans le schéma d’aménagement régional, alors qu’une telle exemption était jusqu’alors limitée aux projets de déboisement en vue de la reconversion des sols portant sur une superficie totale de moins de 0,5 hectares. Il ressort des pièces du dossier qu’une telle modification est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement, eu égard notamment à la biodiversité remarquable qu’abrite la forêt guyanaise, nonobstant l’étendue de la forêt en Guyane et la protection dont une grande partie fait par ailleurs l’objet. Par suite, les associations requérantes sont fondées à soutenir que ces dispositions, qui, contrairement à ce que soutient le ministre, ne résultent pas de la loi elle-même ni n’en sont la conséquence directe, méconnaissent le principe de non–régression de la protection de l’environnement énoncé au II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement.«
En augmentant considérablement le nombre des projets de déboisement susceptibles d’être autorisés sans évaluation environnementale, alors même que ces projets peuvent avoir une incidence notable sur l’environnement, l’Etat a donc méconnu le principe de non régression inscrit depuis 2016 à l’article L.110-1 du code de l’environnement.
Conclusion
Cette décision du Conseil d’Etat est importante à plus d’un titre.
Elle confirme que le principe de non régression a une valeur juridique certaine. Sa méconnaissance a pour conséquence l’illégalité et l’annulation d’une disposition réglementaire contraire.
Le principe de non régression contraint l’Etat à un devoir de cohérence : il n’est possible de présenter une mesure – par exemple une obligation d’évaluation environnementale – comme un pro
Il contraint sans doute aussi l’Etat au respect de la hiérarchie des normes : une disposition réglementaire ne peut violer une disposition législative, ici le principe de non régression.
Enfin, si les deux décisions par lesquelles le Conseil d’Etat a pour l’heure fait une application positive du principe de non régression sont toutes deux relatives à l’évaluation environnementale, aucun terme de cette décision du 9 octobre 2019 ne permet de penser que le principe de non régression ne sera applicable qu’à l’évaluation environnementale.
Arnaud Gossement
Avocat associé – Cabinet Gossement Avocats
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
A69 : le Gouvernement peut-il faire échec à l’exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse au moyen d’une loi de validation ?
Plusieurs parlementaires ont annoncé qu'ils déposeraient une proposition de "loi de validation" pour faire échec à l'exécution du jugement par lequel, ce 27 février 2025, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l’arrêté du 1er mars 2023 par lequel le préfet de...
Plastique à usage unique : un projet de décret qui ne changera rien à l’interdiction dans les cantines (et ailleurs)
Le Gouvernement organise, du 20 février au 14 mars 2025, une consultation publique sur un projet de décret portant modification de la définition des contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service mentionnée à l’article D.541-338 du code de...
Economie circulaire : consultation publique sur le projet d’arrêté relatif aux modulations des contributions financières en cas d’incorporation de plastiques recyclés
Le projet d’arrêté fixant les modulations applicables aux contributions financières versées par les producteurs lorsqu’ils incorporent des matières plastiques recyclées est en consultation publique jusqu’au 1er avril 2025. Parmi les points importants figurent...
Certificats d’économies d’énergie : le Gouvernement confirme l’organisation de la sixième période et un renforcement de la lutte contre la fraude (projet de PPE 3)
Le Gouvernement organise, du 7 mars au 5 avril 2025, une nouvelle consultation publique sur un nouveau projet de programmation pluriannuelle de l’énergie pour la période 2025-2035 (PPE3). Un projet de décret qui devrait donc être publié pour mettre en œuvre des...
Solaire / Dérogation espèces protégées : la présomption irréfragable de la raison impérative d’intérêt public majeur ne dispense pas de la preuve de l’absence de solution alternative satisfaisante (Tribunal administratif d’Orléans)
Par un jugement n°2402086 du 13 février 2025, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté par lequel un préfet a délivré, au porteur d'un projet de centrale solaire, une autorisation de déroger à l'interdiction de destruction d'espèces protégées. Ce jugement...
Solaire : une serre photovoltaïque constitue « un espace clos et couvert » dont le permis de construire est soumis à étude d’impact préalable, si elle a vocation à demeurer le plus souvent fermée et à faire obstacle au passage (Conseil d’Etat)
Par une décision n°487007 du 25 février 2025, le Conseil d'Etat a jugé qu'une serre photovoltaïque constitue "un espace clos et couvert" dont le permis de construire est soumis à étude d'impact préalable, si, eu égard à sa nature et à sa fonction, elle a vocation à...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.