En bref
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
[webinaire] 23 octobre 2025 – Procédure et contentieux de l’autorisation environnementale : ce qu’il faut savoir
Me Florian Ferjoux, élu au conseil d’administration d’Enerplan, le syndicat des professionnels du solaire
[jurisprudence cabinet] Biogaz : une unité de stockage de digestat issu d’une unité de méthanisation permet de limiter l’usage d’engrais chimiques et est nécessaire à l’activité agricole (tribunal administratif de Nantes)
Principe de non régression : l’administration ne peut pas revenir sur un progrès de la protection de l’environnement sans justifier de motifs d’intérêt général (Conseil d’Etat)
Par un arrêt d’une grande importance rendu ce 9 juillet 2021, le Conseil d’Etat a jugé que l’autorisation de dérogations à l’interdiction de vols de nuit à l’aéroport de Beauvais-Tillé méconnaît les exigences du principe de non-régression. Un arrêt important en raison des précisions apportées par la Haute juridiction quant à la portée de ce principe.
Résumé
- Le principe de non régression est l’un des principes généraux du droit de l’environnement.
- Il a été inscrit à l’article L.110-1 du code de l’environnement à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
- Aux termes de l’article L.110-1 du code de l’environnement, les autorités s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, du « principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment« .
- Le principe de non régression est de plus invoqué par les auteurs de recours devant le juge administratif.
- Par une décision n°404391 du 8 décembre 2017, le Conseil d’Etat a fait une première application de ce principe et annulé deux dispositions réglementaires sur son fondement.
- Par une décision n°439195 rendue ce 9 juillet 2021, le Conseil d’Etat a annulé, sur le fondement du principe de non-régression, l’article 1er de l’arrêté du 26 décembre 2019 par lequel le ministre chargé de l’aviation civile avait autorisé des dérogations à l’interdiction d’atterrissage nocturne à l’aéroport de Beauvais-Tillé.
Rappel des faits et de la procédure
Par un arrêté du 25 avril 2002, le ministre des transports a instauré des restrictions d’exploitation de l’aérodrome de Beauvais-Tillé interdisant notamment à tout aéronef d’atterrir ou de décoller entre 0 heure et 5 heures, heures locales de départ ou d’arrivée sur l’aire de stationnement, et aux avions les plus bruyants d’atterrir ou décoller entre 22 heures et 7 heures du matin.
Par arrêté du 26 décembre 2019, le même ministre a modifié celui du 25 avril 2002 et prévu, en son article 1er, que le ministre chargé de l’aviation civile peut, au cas par cas, autoriser des dérogations à cette interdiction d’atterrissage nocturne, dans les conditions qu’il fixe.
Plusieurs associations de protection de l’environnement ont demandé l’annulation pour excès de pouvoir de l’article 1er de cet arrêté, devant le Conseil d’Etat
Par une décision n°439195 rendue ce 9 juillet 2021, le Conseil d’Etat a annulé, sur le fondement du principe de non-régression, l’article 1er de l’arrêté du 26 décembre 2019 par lequel le ministre chargé de l’aviation civile avait autorisé des dérogations à l’interdiction d’atterrissage nocturne à l’aéroport de Beauvais-Tillé.
Une nouvelle application du principe de non régression
L’arrêt ici commenté rappelle tout d’abord la lettre du principe de non régression :
« 2. Aux termes du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, les autorités s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, du » principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment « .
Le Conseil d’Etat a procédé au contrôle de la conformité de l’arrêté objet du recours avec ce principe de non-régression, en ces termes :
« 3. Les dispositions de l’arrêté attaqué donnent au ministre chargé de l’aviation civile le pouvoir d’accorder, au cas par cas, aux aéronefs effectuant des vols réguliers de transport de passagers et performants d’un point de vue acoustique, dont le dernier atterrissage était prévu entre 21 heures et 23 heures et dont le décollage est prévu le lendemain après 5 heures, le droit d’atterrir la nuit sur l’aéroport de Beauvais, par dérogation à l’interdiction posée par l’arrêté du 25 avril 2002, sans que soit limité le nombre de ces autorisations dérogatoires. Faute pour l’administration, d’une part, d’avoir encadré le surcroît du trafic aérien nocturne qui pourrait résulter de l’octroi de ces dérogations et d’autre part, d’avoir indiqué les motifs d’intérêt général qui pourraient le cas échéant les justifier, les associations requérantes sont fondées à soutenir que l’arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 9° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement. posant le principe de non-régression de la protection de l’environnement. »
A la suite de cette analyse, le Conseil d’Etat a annulé l’article 1er de l’arrêté litigieux « assouplissant » l’interdiction des vols de nuit aux motifs que l’administration :
- n’a pas encadré le surcroît du trafic aérien nocturne qui pourrait résulter de l’octroi de ces dérogations,
- n’a pas indiqué les motifs d’intérêt général qui pourraient le cas échéant les justifier.
Cet arrêt est très important à plusieurs titres :
1. Le Conseil d’Etat confirme l’importance du principe de non régression en en faisant une nouvelle application. Ce qui va nécessairement renforcer l’intérêt des auteurs de recours en annulation devant le juge administratif et enrichir la jurisprudence à son endroit.
2. Le principe de non-régression est ici appliqué pour contribuer au progrès de la protection de l’environnement entendue au sens large. L’interdiction des vols de nuit intéresse bien entendu la santé publique en raison des nuisances sonores qu’ils sont susceptibles de créer.
3. Par application du principe de non-régression, le Conseil d’Etat construit, depuis 2017, une jurisprudence très intéressante par laquelle il contrôle l’action de l’administration au regard de ce qui relève ou non de « l’amélioration constante » de la protection de l’environnement. Ce qui impose en retour à l’administration de s’interroger, avant toute décision ayant une incidence sur l’environnement, sur sa contribution à cette « amélioration constante » de la protection de l’environnement. De s’interroger puis de justifier sa décision.
4. La décision ici commentée est importante en raison des précisions apportées par le Conseil d’Etat quant à la portée de ce principe.
Par application de ce principe et dans les cas où le législateur ne lui pas expressément demandé de prendre une mesure dans un sens déterminé, l’administration doit, lorsqu’elle prend une décision qui intéresse la protection de l’environnement au sens large :
- évaluer le niveau de protection de l’environnement assuré par le droit, à l’instant où elle prend cette décision ;
- évaluer l’incidence de cette décision pour ce niveau de protection de l’environnement ;
- justifier précisément, par des motifs d’intérêt général, un éventuel risque de « régression » de ce niveau de protection de l’environnement ;
- encadrer précisément ce risque de « régression ».
Au fil de cette jurisprudence en construction depuis 2017, c’est donc une obligation renforcée d’évaluation et de motivation des décisions ayant une incidence sur l’environnement qui se dégage du principe de non-régression. Laquelle permet ensuite devant le juge administratif un débat sur ce que doit représenter le progrès du droit de l’environnement.
Arnaud Gossement
avocat – professeur associé à l’Université Paris I
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
Climat : l’Etat est sur la bonne trajectoire pour respecter des objectifs…obsolètes (Conseil d’Etat, 24 octobre 2025, commune de Grande-Synthe, n°467982)
Par une décision n°467982 en date du 24 octobre 2025, le Conseil d'Etat a définitivement "tourné la page" du contentieux "Commune de Grande-Synthe", après six années de procédure et quatre décisions juridictionnelles. Une décision "décevante" comme l'avait anticipé le...
Charte de l’environnement : une proposition de loi pour consacrer les droits de la nature dans la Constitution
La sénatrice Monique de Marco (EELV) a déposé au Sénat une proposition de loi constitutionnelle visant à modifier la Charte de l’environnement pour consacrer les droits de la nature. Et ce pour répondre au constat selon lequel "la mise en œuvre de la Charte par le...
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : le décret n°2025-1048 relatif à la sixième période (« décret P6 ») a été publié au journal officiel
Le décret n°2025-1048 du 30 octobre 2025 relatif à la sixième période du dispositif des certificats d’économies d’énergie a été publié au journal officiel du 4 novembre 2025. Pour mémoire, la sixième période du dispositif des certificats d’économies d’énergie débutera...
Déchets : vers une taxe sur les emballages plastiques relevant d’une filière de responsabilité élargie du producteur ? (Loi de finances 2026)
Le Parlement examine actuellement le projet de loi de finances pour 2026. L'article 21 de ce texte, dont l’examen se poursuit en séance publique, comporte plusieurs mesures relatives au "verdissement" de la fiscalité applicable aux déchets. Parmi les mesures...
[médias] « Normes environnementales : peut-on espérer un choc de simplification ? » Arnaud Gossement invité de l’émission « Smart impact » sur Bsmart
Me Arnaud Gossement était l'invité de l'émission "Smart impact" présentée par Thomas Hugues sur la chaîne Bsmart. Une émission consacrée à certaines actualités du droit de l'environnement comme le greenwashing - à la suite du jugement rendu ce 23 octobre 2025 par le...
Chasse : l’association One Voice, défendue par Gossement Avocats, obtient la suspension en référé des décisions autorisant la chasse du Tétras-lyre et de la Perdrix bartavelle au sein des Hautes-Alpes et des Alpes de Haute-Provence
Par ordonnances du 17 et du 23 octobre 2025, sur demandes de l’association One Voice et d’autres associations, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a suspendu l’exécution des décisions autorisant la chasse du Tétras-lyre et de la Perdrix...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.





![[médias] « Normes environnementales : peut-on espérer un choc de simplification ? » Arnaud Gossement invité de l’émission « Smart impact » sur Bsmart](https://www.gossement-avocats.com/wp-content/uploads/2025/10/bsmart-400x250.png)
