Urbanisme : le Gouvernement propose deux nouvelles mesures pour réduire les recours contre les autorisations et faciliter les référés contre les refus d’autorisation (projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables)

Mai 15, 2024 | Urbanisme

L’article 4 du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables comporte deux mesures destinées à réduire le délai de jugement des recours contre les autorisations d’urbanisme et à faciliter la demande de suspension en référé, devant le juge administratif, des refus d »autorisation d’urbanisme. Un article très critiqué par le Conseil d’Etat dans son avis sur le projet de loi. Présentation. 
Résumé

  • d’insérer un nouvel article L.600-3-1 au sein du code de l’urbanisme de manière à créer une présomption d’urgence à suspendre, devant le juge du référé-suspension, l’exécution d’un refus d’autorisation administrative
  • d’insérer un nouvel article L.600-14 au sein du code de l’urbanisme de manière, d’une part à réduire de deux à un mois, le délai à l’intérieur duquel doit être introduit un recours gracieux ou hiérarchique à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme, d’autre part, de priver ce recours administratif préalable d’un effet interruptif du délai de recours contentieux.

2.Un article très fortement critiqué par le Conseil d’Etat, dans son avis sur le projet de loi.

Commentaire

I. La création d’une présomption d’urgence pour la demande de suspension en référé d’un refus d’autorisation d’urbanisme

L’urgence à suspendre une autorisation d’urbanisme. L’article L.600-3 du code de l’urbanisme prévoit d’ores et déjà un cas de présomption de l’urgence à suspendre, en référé, l’exécution d’une décision
« Un recours dirigé contre une décision de non-opposition à déclaration préalable ou contre un permis de construire, d’aménager ou de démolir ne peut être assorti d’une requête en référé suspension que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort.
La condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative est présumée satisfaite.

Aux termes de ces dispositions,

  • La recevabilité d’une requête en référé-suspension en complément d’une requête en annulation devant le juge administratif est conditionnée au respect d’un délai compris entre le dépôt de la requête en annulation et le terme du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés
  • La condition d’urgence applicable à cette requête en référé-suspension est « présumée satisfaite »

Il convient de souligner que cet article créé une présomption et non une dispense de la condition d’urgence. Par ailleurs, cet article présente l’inconvénient d’interdire – en pratique – aux parties d’engager une médiation, celle-ci ne suspendant pas ledit délai à l’intérieur duquel un référé-suspension doit être présenté.

L’urgence à suspendre un refus d’autorisation d’urbanisme. L’article 4 du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables, prévoit de créer un nouvelle présomption de l’urgence à suspendre l’exécution, cette fois-ci, des décisions de refus d’autorisation d’urbanisme.

Si cet article 4 était adopté définitivement dans sa rédaction actuelle, un nouvel article L.600-3-1 du code de l’urbanisme serait alors ainsi rédigé :

« Lorsqu’un recours formé contre une décision d’opposition à déclaration préalable ou de refus de permis de construire, d’aménager ou de démolir est assorti d’un référé suspension sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la condition d’urgence est présumée satisfaite. »
La portée de cette mesure sera sans doute assez limitée. 
  • d’une part, cet article définirait une présomption d’urgence qui pourrait toujours être discutée par les parties. A moins que le législateur ne décide de préciser que cette présomption est irréfragable. 
  • d’autre part, le requérant ne sera bien entendu pas dispenser de la preuve de la satisfaction des autres conditions de recevabilité et de fond du référé-suspension. 

Entrée en vigueur. Si elle était adoptée, cette mesure s’appliquerait aux référés suspension introduits à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi.

L’avis réservé du Conseil d’Etat. Dans son avis sur ce projet de loi, le Conseil s’est montré très critique sur cette mesure en particulier et sur l’article 4 en général dont il propose la suppression : 

« Le Conseil d’Etat constate que si l’instauration d’une présomption d’urgence peut être de nature à faciliter l’ouverture de requêtes en référé-suspension de décision d’opposition à travaux ou de refus d’autorisation d’urbanisme, cela ne pourra avoir pour effet d’accélérer ou simplifier
l’obtention de la décision positive recherchée par le porteur de projet, et ne sert pas davantage l’objectif énoncé dans l’étude d’impact tenant à faire échec aux recours dilatoires en matière d’urbanisme. Il relève que cette mesure n’est pas le pendant logique du dispositif inscrit à l’article L. 600-3 du code de l’urbanisme, lequel dispose que la condition d’urgence est présumée satisfaite pour la requête en référé-suspension contre une décision d’urbanisme positive tout en prévoyant qu’un recours dirigé contre une telle décision ne peut être assorti d’une requête en référé–suspension que jusqu’à l’expiration du délai fixé pour la cristallisation des moyens soulevés devant le juge saisi en premier ressort. Il estime que le dispositif dérogatoire envisagé par le projet de loi aura pour effet de complexifier le traitement des requêtes de référé sans lien avec l’objectif recherché énoncé par l’étude d’impact.
« 

II. La réduction du délai d’introduction du recours administratif préalable à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme
L’article 4 du projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables, prévoit d’insérer un nouvel article L.600-14 au sein du code de l’urbanisme de manière à réduire de deux à un mois, le délai à l’intérieur duquel doit être introduit un recours gracieux ou hiérarchique à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme : 
« Le délai d’introduction d’un recours gracieux ou hiérarchique à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir est d’un mois. Le silence gardé pendant plus d’un mois sur ce recours par l’autorité compétente vaut décision de rejet.
Le délai de recours contentieux contre une décision mentionnée à l’alinéa précédent n’est pas prorogé par l’exercice d’un recours gracieux ou hiérarchique. »

Ce projet d’article appelle les premières observations suivantes : 

  • d’une part, le délai d’introduction du recours administratif est réduit de deux mois à un mois ; 
  • d’autre part, l’introduction d’un tel recours administratif n’aura plus aucun effet interruptif sur le délai de recours contentieux. De manière simplifiée, le dépôt du recours contentieux devra être effectué dans le délai de deux mois et l’introduction d’un recours gracieux ou hiérarchique ne modifiera pas ce délai.

L’exposé des motifs du projet de loi précise ainsi l’objet de cette mesure : 


« L’article réduit à un mois le délai d’introduction d’un recours gracieux ou hiérarchique et à un mois le délai dans lequel l’autorité doit y apporter une réponse. Dans le même temps, il met fin au caractère interruptif du recours gracieux pour le dépôt d’un recours contentieux. Ainsi, le recours contentieux devra impérativement être introduit dans un délai de deux mois après l’affichage de la décision d’urbanisme. Cette proposition permet également le maintien de l’articulation existante entre les deux types de recours et laisse ainsi la possibilité au recours gracieux de produire ses effets et d’éviter un recours contentieux« 
Dans la pratique, le recours administratif préalable perd de son intérêt. Toutefois, l’intérêt de cette démarche était déjà tout à fait relative.

Entrée en vigueur. Si elle était adoptée, cette mesure s’appliquerait aux décisions prises à compter du premier jour du deuxième mois suivant l’entrée en vigueur de la loi.
L’avis réservé du Conseil d’Etat. Dans son avis sur ce projet de loi, le Conseil d’Etat a fortement critiqué cette mesure   :

« Quant aux dispositions du projet de loi tendant à resserrer les conditions d’exercice et les délais d’instruction du recours administratif contre des décisions positives de non-opposition à travaux ou autorisations d’urbanisme, le Conseil d’Etat relève que l’étude d’impact ne précise pas l’effet attendu de ces mesures sur le contentieux contre les mêmes décisions. Il estime que ces restrictions affectant l’exercice des recours administratifs, si elles ne portent pas atteinte au droit au recours ni à aucun principe d’ordre constitutionnel ou conventionnel, sont de nature à priver d’intérêt l’exercice du recours gracieux ou hiérarchique et à engager les requérants à porter directement le litige devant le juge administratif, au rebours des efforts engagés dans de très nombreuses matières pour réguler, grâce au recours administratif, le flux de recours contentieux. Il constate, enfin, que les mesures envisagées, présentées comme un moyen de simplifier et accélérer les procédures en vue de faciliter la construction et favoriser ainsi l’offre de logements abordables, auront pour effet de définir un régime dérogatoire pour le champ d’application beaucoup plus vaste de l’ensemble des décisions d’urbanisme, excédant le sujet du logement, et sans cohérence avec les dispositions par ailleurs applicables en particulier aux installations classées pour la protection de l’environnement.« 

Arnaud Gossement
avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne

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