En bref
Hydroélectricité : modifications des modalités d’expérimentation du dispositif du médiateur
Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) : Modification des dispositions relatives à l’élaboration, la modification et la révision des SAGE
Déchets : Assouplissement des conditions pour la reprise des déchets de construction par les distributeurs
Certificats d’économie d’énergie : Publication au JO de ce jour de l’arrêté du 18 novembre 2024 modifiant plusieurs textes règlementaires relatifs aux opérations standardisées d’économie d’énergie
Solaire : le Conseil constitutionnel valide l’article 225 de la loi de finances pour 2021, relatif à la révision des contrats d’achat S06 et S10
Par une décision n°2020-813 DC, le Conseil constitutionnel a, notamment, déclaré conforme à la Constitution, l’article 225 de la loi de finances pour 2021 qui organise la révision des contrats d’achat d’électricité solaire S06 et S10 en réduisant le tarif d’achat.
Sans grande surprise, le Conseil constitutionnel a écarté tous les motifs relatifs à la violation par l’article 225 de la loi de finances pour 2021.
I. Sur l’atteinte justifiée au droit au maintien des conventions légalement conclues
Le Conseil constitutionnel a admis que cette mesure porte atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues :
« 38. Il est loisible au législateur d’apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi. Le législateur ne saurait porter aux contrats légalement conclus une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant sans méconnaître les exigences résultant des articles 4 et 16 de la Déclaration de 1789.
39. Les contrats conclus entre 2006 et 2010 l’ont été en considération des tarifs prévus par les arrêtés pris à cet effet. Or les dispositions contestées réduisent ces tarifs, alors que ces contrats sont encore en cours. Elles portent donc atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues.«
Le Conseil constitutionnel a toutefois estimé que cette atteinte est justifiée.
En premier lieu, par cette mesure le législateur poursuit un objectif d’intérêt général : fin d’un déséquilibre contractuel entre producteurs et distributeurs, bon usage des deniers publics, protection des intérêts financiers de l’Etat :
« 40. En premier lieu, la baisse importante et rapide des coûts de production des installations photovoltaïques au sol ou sur grande toiture, qui avait été mal anticipée lors de la fixation des conditions tarifaires, a eu pour conséquence une augmentation considérable du profit généré par certaines installations de production d’électricité bénéficiant de ces contrats. En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu remédier à la situation de déséquilibre contractuel entre les producteurs et les distributeurs d’électricité et ainsi mettre un terme aux effets d’aubaine dont bénéficiaient certains producteurs, au détriment du bon usage des deniers publics et des intérêts financiers de l’État, qui supporte les surcoûts incombant aux distributeurs. Ce faisant, le législateur a poursuivi un objectif d’intérêt général. » (nous soulignons)
En deuxième lieu, cette mesure « préserve la rentabilité des installations » en assurant une « rémunération raisonnable des capitaux », et ce, d’autant plus qu’une procédure de réclamation a été mise en place par le législateur :
« 41. En second lieu, d’une part, si la réduction tarifaire affecte un élément essentiel des contrats conclus en application des arrêtés précités, le législateur a veillé à ce qu’elle préserve en tout état de cause la rentabilité des installations. En effet, cette réduction devra aboutir à ce que le prix d’achat corresponde à une rémunération raisonnable des capitaux immobilisés, compte tenu des risques inhérents à leur exploitation. À cet égard, la réduction du tarif tient compte de l’arrêté tarifaire au titre duquel le contrat est conclu, des caractéristiques techniques de l’installation, de sa localisation, de sa date de mise en service et de ses conditions de fonctionnement. D’autre part, si les nouveaux tarifs résultant de l’application des dispositions contestées sont de nature à compromettre la viabilité économique du producteur, il est prévu que, sur demande motivée du producteur et sous certaines conditions, les ministres chargés de l’énergie et du budget fixent au cas par cas, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie, un niveau de tarif ou une date de prise d’effet de ce tarif différent ou allongent la durée du contrat d’achat. » (nous soulignons)
Conclusion du Conseil constitutionnel :
« 42. Dès lors, compte tenu du motif d’intérêt général poursuivi et des garanties légales qui précèdent, l’atteinte portée par les dispositions contestées au droit au maintien des conventions légalement conclues n’est pas disproportionnée.«
II. Sur l’absence de méconnaissance du principe d’égalité devant la loi
Le Conseil constitutionnel a précisé que l’article 225 de la loi de finances pour 2021 ne porte pas atteinte au principe d’égalité devant la loi au motif que, si le législateur a ainsi créé une différence de traitement entre producteurs, il « a pu considérer que les producteurs dont les installations ont une puissance supérieure à ce seuil [250 kWc] ont bénéficié d’une rentabilité significativement supérieure à celle des autres producteurs du fait des économies d’échelle réalisées et des prix d’acquisition des matériels qu’ils ont pu négocier » :
« 43. Selon l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.
44. Les dispositions contestées instituent une différence de traitement entre les installations d’une puissance supérieure à 250 kilowatts, auxquelles s’applique la réduction tarifaire, et celles dont la puissance est inférieure ou égale à ce seuil, qui n’y sont pas soumises.
45. Toutefois, comme énoncé au paragraphe 40, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu mettre un terme aux effets d’aubaine excessifs résultant de l’application des tarifs prévus par les arrêtés adoptés entre 2006 et 2010. Or, le législateur a pu considérer que les producteurs dont les installations ont une puissance supérieure à ce seuil ont bénéficié d’une rentabilité significativement supérieure à celle des autres producteurs du fait des économies d’échelle réalisées et des prix d’acquisition des matériels qu’ils ont pu négocier. Dès lors, ils sont placés, au regard de l’objet de la loi, dans une situation différente des autres producteurs. Par ailleurs, la différence de traitement contestée est en rapport direct avec l’objet de la loi. » (nous soulignons)
Conclusion générale du Conseil constitutionnel : l’article 225 est conforme à la Constitution
« 46. Il résulte de tout ce qui précède que l’article 225, qui ne méconnaît pas non plus la garantie des droits, le principe d’égalité devant les charges publiques ou l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité de la loi, ni aucune autre exigence constitutionnelle, doit être déclaré conforme à la Constitution.«
Arnaud Gossement
Avocat associé – Cabinet Gossement Avocats
Professeur associé à l’Université Paris I
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