En bref
Solaire : publication du décret du 3 décembre 2024 précisant les caractéristiques des panneaux solaires photovoltaïques permettant le report de l‘obligation de solarisation de certains parkings
Hydroélectricité : modifications des modalités d’expérimentation du dispositif du médiateur
Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) : Modification des dispositions relatives à l’élaboration, la modification et la révision des SAGE
Déchets : Assouplissement des conditions pour la reprise des déchets de construction par les distributeurs
[tribune] Autoroute A 69 : un projet autorisé au titre du code de l’environnement, critiqué au nom de la protection de l’environnement
Le projet d’autoroute A69 entre Castres et Toulouse, déclaré d’utilité publique en 2018 et autorisé en 2023 est à l’origine d’une controverse nationale très vive. Cette controverse Laquelle interroge la possibilité pour la procédure d’autorisation d’environnementale d’assurer la prise en considération des avis scientifiques et l’acceptabilité du projet. En d’autres termes : faut il conférer la valeur d’un avis conforme aux avis exprimés par des autorités scientifiques ? Avant et après la délivrance des autorisations ? Paradoxalement, la remise en cause par l’Etat d’une autorisation environnementale délivrée peut aussi avoir des effets négatifs pouf l’environnement. Retour sur un enjeu complexe. [NB : cette tribune n’engage que son auteur – note actualisée le 21 octobre 2023)
- Par une décision en date du 5 mars 2012, le Conseil d’Etat a rejeté les recours tendant à l’annulation du décret n°2018-638 du 19 juillet 2018 portant déclaration d’utilité publique de ce projet (cf. CE, 5 mars 2021, n°424323).
- Par une ordonnance n° 2301521 du 24 mars 2023, le juge du référé-liberté du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de l’association France Nature Environnement Midi-Pyrénées tendant à la suspension des opérations d’abattage sur les alignements d’arbres au droit du tracé de la future autoroute A 69.
- Solution confirmée par le juge du référé-liberté du Conseil d’État (cf. CE, 19 avril 2023, n°472633). Le juge du référé-liberté du Conseil d’Etat a en effet constaté que la condition d’urgence n’était pas satisfaite par les requérantes dés lors que les opérations d’abattage d’alignements d’arbres sur le tracé de la future autoroute 69 ne devaient pas commencer avant le mois de septembre 2024.
- Par une ordonnance n°230323 du 1er août 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande, présentée par l’association France Nature Environnement, de suspension de l’exécution de l’arrêté préfectoral interdépartemental du 1er mars 2023 portant autorisation environnementale au titre des articles L. 181-1 et suivants du code de l’environnement en vue de la réalisation des travaux de la liaison autoroutière de Verfeil à Castres, dite « A 69 » (cf. TA Toulouse, ref, 1er août 2023, Association France Nature Environnement et autres, n°230323).
- Par une ordonnance n°230714 du 6 octobre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a, de nouveau, rejeté la demande de suspension
de l’exécution de l’arrêté préfectoral interdépartemental du 1er mars
2023 (cf. TA Toulouse, ref, 6 octobre 2023, Groupe national de surveillance des arbres, n°230714).
A noter : plusieurs recours en annulation sont encore en cours d’instruction devant les juridictions administratives. Ainsi, l’association FNE OP a demandé l’annulation des deux autorisations environnementales (pour ASF A680 et ATOSCA pour l’A69) et son recours contre le rejet de l’un de ses référés est actuellement devant le le Conseil d’Etat.
II. Un projet critiqué au nom de la protection de l’environnement
Un projet trop ancien ? La plupart des projets de construction, d’aménagement ou d’exploitation qui ont suscité une controverse sur leur impact environnemental se caractérise par le délai, parfois très long, qui sépare la date de leur conception de la date de leur autorisation. Qu’il s’agisse du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes, du projet de center parcs à Roybon ou du projet de barrage de Sivens, leur point commun est d’avoir été pensés bien avant d’avoir été autorisés. S’agissant du projet d’autoroute A69, le projet de liaison autoroutière entre Castres et Toulouse par la construction d’une chaussée à deux fois deux voies, a été approuvé, dans son principe, par une décision du ministre chargé des transports, le 8 mars 1994. Il a été déclaré d’utilité publique, en ce qui concerne son parcours entre Verfeil et Castelmaurou, dénommé A 680, par un arrêté du préfet de la Haute-Garonne en date du 22 décembre 2017 et, en ce qui concerne son parcours entre Verfeil et Castres, dénommé A 69, par le décret n°2018-638 du 19 juillet 2018.
1994 – 2018, pendant ces 24 années, la compréhension des conséquences de ce type de projet routier pour le climat et la biodiversité mais aussi la prise de conscience de la population a considérablement progressé. Reste que le maître d’ouvrage est rarement responsable mais plus souvent victime de ce délai. Le droit impose en effet la préparation et la conduite de nombreuses procédures administratives, souvent longues, auxquelles s’ajoutent les délais de jugement des recours déposés contre les autorisations délivrées. Au cas présent, l’autorité environnementale a toutefois regretté, aux termes de son avis émis le 6 octobre 2022 que l’analyse socio-économique du projet n’ait pas été analysée entre 2016 et 2022 : « L’analyse socio-économique, dont seul un résumé est présenté, ne semble pas avoir été actualisée : elle repose sur des données de trafic et des hypothèses d’émissions de polluants désormais obsolètes« .
Au cas d’espèce, l’autorité environnementale a émis plusieurs avis sur ce projet. Un premier avis n° 2016-62 du 5 octobre 2016 a été actualisé par un deuxième avis n°n° 2022-62 et 2022-73 du 6 octobre 2022. Ces deux avis comportent, plusieurs réserves et critiques relatives à l’évaluation environnementale du projet. Le conseil national de protection de la nature a émis, le 12 septembre 2022, un avis défavorable s’agissant du caractère d’intérêt public majeur de ce projet soumis à une procédure « dérogation espèces protégées » : « Le CNPN ne considère pas les arguments invoqués comme suffisants pour constituer une RIIPM. Ce dossier s’inscrit en contradiction avec les engagements nationaux en matière de lutte contre le changement climatique, d’objectif du zéro artificialisation nette et du zéro perte nette de biodiversité, ainsi qu’en matière de pouvoir d’achat. L’absence de solutions alternatives satisfaisantes prête à débat, et les arguments du pétitionnaire ne sont pas convaincants. La co-existence de l’actuelle RN126 et d’une nouvelle autoroute accroît les ruptures de continuités écologiques, la destruction des habitats et l’artificialisation du territoire. L’élargissement de l’infrastructure existante (RN126) constituerait probablement une solution de moindre impact plus acceptable et raisonnable. S’il apparaissait que sur tous les plans (dont la biodiversité), la création d’une nouvelle autoroute est plus avantageuse, alors l’objectif d’absence d’artificialisation nette et l’exemplarité de l’Etat en la matière, doivent viser à supprimer, en compensation, l’actuelle RN126, et à en réorienter le trafic sur la nouvelle autoroute. Le projet ne satisfait pas à deux des conditions d’obtention d’une dérogation et présente de nombreuses lacunes en matière de qualification des impacts directs et indirects, rendant impossible d’en apprécier l’impact dans son ensemble. En conséquence, le CNPN émet un avis défavorable à ce projet de création autoroutier. » Il convient de noter que la société concessionnaire a produit des compléments à la suite de ces différents avis.
A la suite de l’autorisation environnementale de ce projet routier et hors procédure, 200 scientifiques réunis dans l’Atécopol (Atelier d’Ecologie Politique) ont publié, le 24 septembre 2023, un communiqué de presse pour demander l’arrêt des travaux de l’autoroute A69. Ce communiqué fait référence à une lettre ouverte adressée aux représentants politiques soutenant ce projet. Cette lettre comporte de nombreux arguments tirés de l’état des connaissances scientifiques relatives au changement climatique.
Il est un fait que l’autorité environnementale, le CNPN puis, après autorisation, l’ATECOPOL ont émis des critiques très vives à l’endroit de ce projet d’autoroute conçu dans les années 90, bien avant la médiatisation des rapports du GIEC (climat), de l’IPBES (biodiversité) et la signature de l’Accord de Paris en 2015. Ce qui pose la question de droit suivante : faut-il modifier l’objet de la saisine de l’autorité environnementale (voire du CNPN) de manière à ce qu’elle émette un avis favorable ou défavorable et ayant la valeur d’un avis conforme qui devrait toujours être suivi par l’Etat ? D’un côté, une telle réforme aboutirait à contraindre l’Etat à se conformer au consensus scientifique dont l’autorité environnementale serait la garante. De l’autre, cette réforme aboutirait, de fait, à transférer le pouvoir de décision de l’Etat vers une autorité scientifique qui devrait alors en endosser la contrepartie en termes de responsabilité. Le débat ne manquerait pas non plus de se déporter sur la question – longuement débattue par le passé – de l’indépendance organique et de la légitimité démocratique de cette autorité.
Certes, il existe d’ores et déjà des hypothèses pour lesquelles, l’autorité décisionnaire est tenue de consulter une autorité pour avis conforme (par exemple : article R.181-24 du code de l’environnement : consultation pour avis conforme des parcs nationaux au cours de la procédure d’autorisation environnementale). L’avis ainsi émis doit alors être suivi par l’autorité décisionnaire. Toutefois, pour l’heure, si l’autorité environnementale peut être saisie pour avis conforme s’agissant de la nécessité de procéder à une évaluation environnementale (procédure cas par cas), tel n’est pas le cas pour son avis sur le fond. Reste qu’une modification de la valeur de cet avis produirait d’importantes conséquences qu’il convient de bien évaluer.
III. Sortie de crise : ce que prévoit le droit
- La première est de principe et consiste bien entendu pour l’Etat a assurer l’exécution des décisions et autorisations délivrées de manière à ce que les travaux puissent puissent être réalisés. Décision qui pourrait être suivie d’un débat public sur les autres projets routiers. C’est, pour l’heure, le choix du Gouvernement.
- La deuxième consiste, comme pour le projet d’aéroport Notre-Dame des Landes a prendre la décision de ne plus exécuter ces autorisations au risque de devoir indemniser leur bénéficiaire. Le retrait ou l’abrogation ou l’absence de prolongation des décisions prises peut en effet porter atteinte aux droits des bénéficiaires de celles-ci. Et créerait aussi une incertitude très forte pour l’autorisation des projets à venir qui peuvent aussi être précieux (production d’énergie renouvelable etc…) pour la protection de l’environnement.
- La troisième possibilité tient à l’organisation par l’Etat, d’une consultation locale des électeurs sur un projet déjà déclaré d’utilité publique (article L.123-20 et s du code de l’environnement). Conçue à l’initiative du président de la République François Hollande et mise en oeuvre par le Premier ministre Manuel Valls, cette consultation locale a été organisée à propos du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes. Ses conditions d’organisation (périmètre de l’aire de consultation, information délivrée, rédaction de la question posée) ont été controversées. Si cette consultation a aboutit, en 2016, à un « oui » au projet d’aéroport ce dernier a pourtant été abandonné, en 2018, par le Premier ministre suivant, Edouard Philippe. Au regard de cet échec démocratique, il est assez peu probable que cette consultation locale soit de nouveau organisée.
- sur la planification des besoins notamment en matière d’infrastructures de transport. L’évaluation environnementale de ces plans et les procédures de participation du public suscitent, pour l’heure, assez peu d’attention. Pourtant, avant de débattre de tel ou tel projet de route en particulier, il serait utile de débattre des besoins de routes en général, à l’échelle du pays ou d’une collectivité territoriale.
- sur les conditions d’évaluation environnementale des projets, laquelle est aujourd’hui de la responsabilité du maître d’ouvrage. Il serait également utile de renforcer l’indépendance et les moyens de l’autorité environnementale (AE et MRAE). Lorsque l’Etat entend autoriser malgré les réserves de l’autorité environnementale ou l’avis défavorable du CNPN, il faut peut être améliorer la phase de compléments. Exercice difficile car il faut aussi se garder d’allonger les délais de procédure au risque que les projets ne deviennent des projets « anciens » qui seront également critiqués pour cela.
- Sur la généralisation d’une médiation environnementale (celle existe déjà pour certaines activités comme l’éolien terrestre).
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
Climat : Arnaud Gossement interrogé par le journal La Croix sur la sortie des Etats-Unis de l’Accord de Paris
Le texte de cet entretien, dirigé par Julie de la Brosse journaliste à La Croix, a été publié le 23 janvier 2025 et peut être lu ici.
Climat : Donald Trump retire les Etats-Unis de l’Accord de Paris mais pas de la Convention des Nations-Unies sur les changements climatiques
Ce 20 janvier 2025, Donald Trump, nouveau président des Etats-Unis, a signé un executive order (décret) intitulé "Putting America first in international environmental agreements" par lequel il a, notamment, décidé d'engager le processus de sortie de la liste des Etats...
Encadrement du refus d’autorisation d’urbanisme pour le motif lié à l’extension du réseau public (Conseil d’Etat)
Le Conseil d’Etat est venu apporter des précisions sur l’application des articles L. 111-11 et L. 332-8 du code de l’urbanisme. La solution retenue vient encadrer les décisions de refus d’autorisation lorsque le pétitionnaire s’engage à prendre en charge les coûts...
Dérogation espèces protégées : l’analyse du risque d’atteinte aux espèces protégées est différente sur le fondement de l’article L.411-2 (régime de protection) et de l’article L.511-1 (police des ICPE) du code de l’environnement
Par une décision n°473862 du 20 décembre 2024 le Conseil d'Etat a jugé que le risque d'atteinte à l'état de conservation des espèces protégées diffère selon qu'il est analysé sur le fondement de l'article L.411-2 ou L.511-1 du code de l'environnement. Ces deux...
Dérogation espèces protégées : sa nécessité peut être examinée à tout moment et pas seulement lors de l’examen d’une modification substantielle de l’installation(Conseil d’Etat)
Par une décision n°475236 du 31 décembre 2024, le Conseil d'Etat a jugé que l'administration peut examiner la nécessité pour un exploitant d'obtenir une dérogation espèces protégées à tout moment, sans qu'il soit besoin d'attendre une demande de modification...
2025 : vingtième anniversaire de la Charte de l’environnement
Le 1er mars 2025, nous fêterons le vingtième anniversaire de la Charte de l'environnement. Et plus précisément, de la loi constitutionnelle n°2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement. Pour la première fois dans son histoire, la France a ainsi...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.