En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
[Tribune] Plan national d’adaptation au changement climatique : le choix du Gouvernement de ne pas inscrire ce plan et la trajectoire d’adaptation dans la loi est-il une réponse à l’Affaire du siècle ?
Ce 10 mars 2025, la ministre de la transition écologique a présenté le troisième plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3). Le Gouvernement a fait le choix de ne pas inscrire ce plan dans un projet de loi et de ne pas donner, en conséquence, de valeur juridique contraignante à la trajectoire de réchauffement et d’adaptation qu’il comporte. Ce faisant, le Gouvernement n’a pas donné suite aux recommandations 1 et 7 formulées dans le rapport publié en décembre 2022 par l’iGEDD, lequel recommandait le recours à la loi tout en prenant garde au « risque de contentieux ». Notre hypothèse – qui n’est encore qu’une hypothèse – est la suivante : échaudé par le contentieux de l’affaire du siècle dans lequel la responsabilité de l’Etat a été engagée pour violation de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre et aux débats sur la trajectoire de réduction du rythme d’artificialisation des sols (ZAN), le Gouvernement a sans doute été convaincu de prévenir le risque de recherche en responsabilité de l’Etat en ne conférant pas de valeur juridique à cette nouvelle trajectoire de réchauffement et d’adaptation. NB : la présente tribune n’engage que son auteur et pas les autres avocat(e)s du cabinet.
A titre liminaire, il convient de rappeler que la présentation, ce 10 mars 2025, du plan national d’adaptation au changement climatique correspond à une obligation pour chaque Etat membre de l’Union européenne de procéder à un tel exercice. Obligation inscrite à l’article de la loi « loi européenne sur le climat » du 30 juin 2021 (cf. Règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) no 401/2009 et (UE) 2018/1999).
Le PNACC 3 présenté ce 10 mars 2025 par la ministre de la transition écologique a pour objet de répondre, 4 ans après la publication de la loi européenne sur le climat » a cette obligation de planification. Le PNACC 3 est fondé sur une trajectoire de hausse des températures moyennes en France hexagonale de es températures moyennes de 2 °C en 2030, 2,7 °C en 2050 et 4 °C en 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle (cf. p 10) :
« Pour la France hexagonale, qui se réchauffe plus vite que d’autres territoires dans le monde, le scénario prenant en compte les engagements existants, appelé tendanciel, implique une hausse des températures moyennes de 2 °C en 2030, 2,7 °C en 2050 et 4 °C en 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle. Ce scénario de réchauffement climatique, fondé sur le consensus scientifique, a été soumis à consultation du public du 23 mai au 15 septembre 2023.«
Il est également important de rappeler que ce troisième plan national d’adaptation au changement climatique a notamment bénéficié du travail réalisé par la « Mission de parangonnage sur les politiques d’adaptation au changement climatique » mise en place au sein de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) du ministère de la transition écologique.
Le Gouvernement a choisi de ne pas inscrire le PNACC dans la loi. La première recommandation de la mission exprimée dans son rapport publié en décembre 2022 est d’inscrire ce Plan national d’adaptation au changement climatique dans une loi :
« Recommandation 1. Inclure dans le projet de loi énergie-climat à venir un titre relatif à l’adaptation précisant les étapes du cycle de planification nationale, les responsabilités des acteurs, le dispositif de coordination, le scénario climatique de référence applicable aux études de risques, au PNACC, aux SRADDET et aux PCAET, ainsi que des orientations sectorielles ».
La première recommandation – et donc la plus fondamentale – du rapport de l’IGEDD est donc claire : inscrire les principales caractéristiques et exigences du PNACC dans une loi. Le rapport (p18) comporte les précisions suivantes sur les dispositions que pourrait contenir une telle loi :
« sa discussion [la loi] permettrait, comme dans les principaux pays européens étudiés, un débat au Parlement sur les objectifs et moyens de cette politique et une accélération de la mobilisation. Ces dispositions législatives pourraient porter sur les points suivants :
– les différentes étapes du cycle de la planification nationale, qui comprend l’étude de risques, le plan lui-même et son évaluation ;
– les responsabilités des acteurs (départements ministériels, opérateurs de l’Etat, conseil national d’adaptation au changement climatique – qui serait créé à partir de l’actuelle commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique (CNTE)–, collectivités territoriales, entreprises, voire le grand public) ;
– un dispositif à trois niveaux de coordination : au niveau national, d’une part en interministériel, d’autre part entre l’Etat et les Régions, et au niveau régional, entre l’Etat déconcentré et les différentes collectivités territoriales (région, départements, établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ;
– la référence climatique à prendre en compte dans les études de risques et les plans nationaux, régionaux et locaux. La mission propose de retenir comme référence un scénario intermédiaire, qui correspond à une augmentation de température au niveau mondial supérieure à l’objectif de 2 degrés de l’accord de Paris (cf. point 3-2) ;
– des orientations sectorielles, après revue des codes concernés, dans des domaines particulièrement sensibles au changement climatique.
En outre, afin de prévoir le financement des actions à réaliser par les collectivités territoriales, la moitié au moins des crédits du fonds d’accompagnement de la transition écologique en cours de finalisation pourrait être consacrée à l’adaptation. Dans un second temps, l’inscription de ces moyens dans une loi de programmation pluriannuelle donnerait aux acteurs la visibilité dont ils ont besoin. »
Le Gouvernement a choisi de ne pas inscrire dans la loi la trajectoire de réchauffement de +4°C d’ici à la fin du siècle. La lecture du PNACC3 publié ce 10 mars 2025 démontre aussi que le Gouvernement n’a pas suivi la 7ème recommandation de la mission de l’IGEDD, ainsi rédigée : « (DGEC) Proposer dans la loi une référence climatique exprimée sous la forme de hausses de température et fondée sur deux scénarios du GIEC : un
scénario intermédiaire et un scénario plus pessimiste« .
Le rapport explicite en ces termes le contenu de cette recommandation n°7 :
« La mission recommande (cf. recommandation 1) de fixer dans la loi une référence exprimée sous la forme de hausses de température, notion plus parlante pour le public que les scénarios du GIEC. Cette référence devrait être prise en compte dans les études de risques ainsi que dans le PNACC, les SRADDET et les PCAET.
La hausse de température devrait-elle être exprimée au niveau mondial ou au niveau de la France ? Retenir la valeur mondiale permettrait le rapprochement avec l’accord de Paris. En outre, les valeurs au niveau mondial sont plus stables que les valeurs locales. En effet, les incertitudes liées à la projection sur le territoire national d’une hausse de température au niveau planétaire sont importantes. La mission recommande d’exprimer la hausse sous la forme d’une valeur mondiale.
Les hausses de température servant de référence pourront être définies à partir de deux scénarios, le scénario intermédiaire SSP 2-4.5 et un scénario plus pessimiste. Le choix du scénario SSP 2-4.5, correspondant à une hausse de la température mondiale de 2°C au milieu du siècle et de 2,7°C en fin de siècle, est à rapprocher du réchauffement résultant des engagements des Etats (2,8°C en fin de siècle). Le scénario plus pessimiste sera pris en compte pour les investissements de long terme.
En effet, dans les études de risques, les scénarios à prendre en compte peuvent varier selon les domaines et la durée de vie des investissements prévus, afin d’éviter un défaut d’adaptation. Le scénario pessimiste devrait être pris en compte dans les investissements à durée de vie longue tels que les infrastructures, l’urbanisme, la construction et la plantation d’arbres. A l’inverse, dans le domaine de l’agriculture, un scénario modéré de réchauffement climatique peut être justifié, dans les cas où il serait néfaste d’anticiper trop rapidement la disparition des gelées de mars.
Afin d’éviter le risque de contentieux, l’exposé des motifs de la loi devrait préciser que cette référence est destinée à guider l’élaboration des mesures des plans d’adaptation, mais ne constitue pas un objectif d’adaptation que l’Etat et les acteurs invités à utiliser la référence auraient l’obligation d’atteindre.«
Ce choix de ne pas donner de valeur juridique – au moyen du vote d’une loi – à la trajectoire de réchauffement de la France a été confirmée par cet article du quotidien Le Monde : « Mme Pannier-Runacher lancera également des consultations avec les élus locaux pour intégrer la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc) aux documents de planification « dans la perspective de lui donner une valeur juridique ». Si la Tracc n’est pas d’emblée intégrée au code de l’environnement, ce qui lui aurait conféré une grande importance juridique, cette première étape répond à une attente des défenseurs de l’environnement. »
Cette citation de la ministre de la transition écologique est surprenante car, sans inscription de la trajectoire de réchauffement dans la loi, on voit mal comment celle-ci pourrait être déclinée dans des documents locaux d’urbanisme et de planification.
Une réponse à l’Affaire du siècle ? La dernière phrase du passage du rapport de la mission de l’IGEDD consacré à la formalisation juridique de la trajectoire de réchauffement de la France hexagonale est la suivante :
« Afin d’éviter le risque de contentieux, l’exposé des motifs de la loi devrait préciser que cette référence est destinée à guider l’élaboration des mesures des plans d’adaptation, mais ne constitue pas un objectif d’adaptation que l’Etat et les acteurs invités à utiliser la référence auraient l’obligation d’atteindre. » (nous soulignons)
A l’évidence, le « risque de contentieux » induit par l’inscription dans la loi d’une trajectoire de réchauffement a été pris au sérieux par les auteurs de ce rapport. A notre sens, ce choix est sans doute aussi une réponse de l’Etat à « l’affaire du siècle ».
L' »Affaire du siècle » est le nom du collectif formé par quatre organisations de défense de l’environnement, lesquelles ont recherché l’Etat en responsabilité devant le tribunal administratif de Paris pour n’avoir pas respecté la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’il avait lui-même défini dans la loi puis par décret.
Aux termes de son jugement du 3 février 2021, le tribunal administratif a jugé que l’Etat s’était bien chargé d’une obligation de respect d’une trajectoire de réduction des émissions de GES. Faut d’avoir respecté cette trajectoire, l’Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et à l’obliger à la réparation, dans un premier temps, du préjudice moral des associations requérantes.
En résumé, notre hypothèse est que pour ne pas prendre le risque de voir sa responsabilité recherchée, l’Etat préfère actuellement ne pas inscrire de nouvelles trajectoires dans la loi. Le Gouvernement a ainsi renoncé à actualiser les objectifs de l’article de réduction des émissions de gaz à effet de serre inscrits dans la loi à l’article L.100-4 du code de l’énergie. La programmation pluriannuelle de l’énergie a donc été présentée ce 10 mars 2025 sans vote préalable d’une loi de programmation. Le Gouvernement doit aussi faire face à une remise en cause assez forte de la trajectoire de réduction de l’artificialisation des sols, définie dans la loi « climat et résilience de 2021.
Notre propos n’est pas de considérer que le contentieux de l’affaire du siècle n’aurait pas dû être mené, loin s’en faut. Notre propos est de souligner que ce contentieux a pu contribuer, dans un contexte marqué par d’autres débats sur les trajectoire et un recul de l’ambition écologique de l’Etat, à ce que le Gouvernement choisisse de ne pas donner de valeur juridique au plan national d’adaptation au changement climatique malgré les recommandations d’un rapport important de l’IGEDD.
Notre hypothèse doit encore être validée mais si elle l’était, la priorité ne serait pas de prévenir le « risque de contentieux » mais bien le risque de violation de la loi et de non respect par l’Etat de ses engagements.
Arnaud Gossement
avocat et professeur associé à l’université Paris I
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