Urbanisme : précisions sur la suspension temporaire de l’appel pour les recours introduits contre certains permis de construire en zone tendue (Conseil d’Etat)

Mai 30, 2018 | Urbanisme

Par arrêt du 16 mai 2018 (n° 414777), le Conseil d’Etat a jugé que la suppression temporaire de l’appel pour les recours contre des permis de construire en zone tendue ne s’applique qu’aux permis autorisant la construction de logements supplémentaires et par exception, aux permis modificatifs autorisant des travaux sur une construction existante issue d’un permis de construire initial soumis à l’article R. 811-1-1 précité.

Dans cette affaire, le maire de X a délivré, par arrêté du 3 juillet 2014, un permis de construire pour la réalisation d’une terrasse, la modification des façades et le ravalement d’une maison d’habitation située sur le territoire de la commune.

Par un jugement en date du 21 juillet 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a partiellement annulé cet arrêté.

Par ordonnance du 28 septembre 2017, la première vice-présidente de la cour administrative d’appel de Versailles a transmis au Conseil d’Etat, pour avis, la requête d’appel, en application des dispositions de l’article R. 351-2 du CJA.

En premier lieu, le Conseil d’Etat revient sur les dispositions de l’article R. 811-1-1 du CJA, issu du décret du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme :

« Les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts et son décret d’application. […] »

Les tribunaux administratifs sont, en effet, compétents pour connaître en premier et dernier ressort des recours contre les permis de construire, de démolir ou d’aménager, dans les communes connaissant de sérieuses difficultés d’accès au logement.

Il convient de noter que cette compétence s’applique aux recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 1er décembre 2018.

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat précise que ces dispositions ont pour objectif de réduire le délai de traitement des recours qui peuvent retarder la réalisation d’opérations de construction de logements dans les zones où présentant un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements.

Dès lors, le Conseil d’Etat rappelle que ces dispositions permettent de déroger aux dispositions de l’article R. 811-1 du CJA selon lequel toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif peut interjeter appel de la décision rendue :

« Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu’elle n’aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. […] »

En troisième lieu, le Conseil d’Etat souligne que les dispositions de l’article R. 811-1-1 du CJA sont applicables aux permis de construire autorisant la réalisation de travaux sur une construction existante, à la seule condition que ces travaux aient pour objet la réalisation de logements supplémentaires.

En dehors de cette hypothèse, les dispositions de l’article R. 811-1-1 précité ne devraient, a priori, pas s’appliquer en matière de travaux.

Cependant, le Conseil d’Etat apporte une précision importante sur ce point. En effet, la Haute Juridiction juge que lorsque les travaux sur une construction existante ont fait l’objet d’un permis de construire modificatif, celui-ci doit nécessaire obéir aux mêmes règles de procédure contentieuse que le permis de construire initial.

Concrètement, lorsqu’un permis de construire initial bénéficie de la suppression temporaire de l’appel visée par l’article R. 811-1-1 du CJA alors le permis de construire modificatif auquel il se rattache en bénéficie également.

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que le permis de construire litigieux porte sur le territoire d’une des communes mentionnées à l’article 232 du code général des impôts.

Toutefois, il en conclut que les travaux autorisés par le permis de construire litigieux n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions de l’article R. 811-1-1 du CJA, dans la mesure où ces travaux n’ont pas pour objet la réalisation de logements supplémentaires.

Par conséquent, le Conseil d’Etat juge que la suspension temporaire de l’appel, en application des dispositions de l’article R. 811-1-1 du CJA, n’est pas applicable au cas d’espèce et renvoie ainsi la requête d’appel devant la cour administrative d’appel.

Laura Picavez

Juriste – Cabinet Gossement Avocats

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