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Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Commande publique : la Cour de Cassation juge que la question de l’effectivité du référé contractuel devant le juge judiciaire est sérieuse et transmet trois QPC au Conseil constitutionnel
Par un arrêt du 8 juillet 2020, la Cour de Cassation a transmis au Conseil constitutionnel trois questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) relatives à la conformité à la Constitution des articles 11 à 20 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009. Ces dispositions fixent le cadre juridique du référé contractuel, ouvert aux candidats évincés d’une procédure de passation d’un contrat de droit privé relevant de la commande publique (cf. Cass. Com., 8 juillet 2020, n° 19-24.270).
I. Sur le contexte
Un recours d’un candidat évincé de la procédure de passation d’un contrat relevant de la commande publique est à l’origine du contentieux.
Deux circonstances particulières sont à relever :
- Le contrat litigieux est un « contrat de droit privé relevant de la commande publique » ;
Le caractère de droit privé du contrat a trois conséquences principales.
Tout d’abord, le contentieux relatif à ces contrats relève de la compétence du juge judiciaire. C’est la raison pour laquelle c’est ici la Cour de Cassation – et non le Conseil d’Etat – qui était saisie de l’affaire et a transmis les QPC au Conseil Constitutionnel.
Ensuite, le candidat évincé ne peut former un recours dit « Tarn et Garonne ». Ce recours créé par le Conseil d’Etat permet à tout tiers intéressé, parmi lesquels le candidat évincé, de contester la validité d’un contrat administratif devant un juge de plein contentieux aux pouvoirs étendus. Or, le juge judiciaire n’a pas transposé cette jurisprudence administrative.
Enfin, le candidat évincé peut former un référé précontractuel (avant la signature du contrat) ou un référé contractuel (dans l’hypothèse où le contrat a déjà été signé) quelle que soit la nature du contrat. Néanmoins, le fondement juridique du contentieux est différent. Ainsi, les référés portés devant le juge administratif sont encadrés par les articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative tandis que les référés portés devant le juge judiciaire se fondent sur les articles 2 et suivants de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique. Pour rappel, seules certaines irrégularités : les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence, peuvent être invoqués à l’appui de ces contentieux d’urgence.
- La procédure de passation du contrat était une procédure adaptée de commande publique (MAPA) ;
Cette procédure souple peut être utilisée par les acheteurs dans certains cas limitativement énumérés et notamment lorsque la valeur estimée du besoin est inférieure à un seuil défini au niveau européen.
Une des spécificités des MAPA est que, quelle que soit la nature du contrat (de droit privé ou de droit public), il n’existe pas de délai de stand still, c’est-à-dire de délai minimal à respecter avant de signer le contrat avec l’attributaire.
Dans ces circonstances, en pratique, l’acheteur signe le plus souvent très rapidement le contrat, de manière à empêcher qu’un référé précontractuel soit formé. Ainsi, l’effectivité du référé contractuel est particulièrement déterminante dans le cadre des MAPA.
Pour résumer, en l’espèce et comme c’est le plus souvent le cas en matière de contrat de droit privé conclu à l’issue d’une procédure adaptée de la commande publique, le candidat évincé de la procédure pouvait exclusivement, en raison de la nature du contrat, former un référé contractuel devant le juge judiciaire.
La voie du référé précontractuel lui était fermée, en l’absence d’obligation de respecter le délai de stand still et la voie du recours « Tarn et Garonne » également, compte tenu de la nature de droit privé du contrat.
II. Sur les questions transmises au Conseil constitutionnel
Trois QPC, rédigées de la manière suivante, étaient soumises à la Cour de Cassation :
« 1°/ Les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique sont-elles contraires à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen consacrant le droit à un recours juridictionnel effectif en ce que cet article prévoit une liste limitative des irrégularités pouvant être invoquées à l’appui d’un référé contractuel ?
2°/ Les dispositions des articles 11 à 20 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique sont-elles entachées d’incompétence négative dans des conditions de nature à porter atteinte à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen consacrant le droit à un recours juridictionnel effectif, en ce qu’elles n’instituent pas, au profit des concurrents évincés des contrats privés de la commande publique, une voie de recours leur permettant de contester utilement les irrégularités affectant les procédures de passation ?
3°/ Les dispositions de l’article 16 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique sont-elles contraires au principe d’égalité devant la loi consacré par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en ce qu’elles placent les concurrents des contrats privés de la commande publique dans une situation différente et moins favorable que celle des concurrents des contrats administratifs de la commande publique en matière de contestation des irrégularités affectant les procédures de passation ? »
Autrement dit, deux questions principales se posent :
- Le référé contractuel devant le juge judiciaire est-il conforme au droit à un recours juridictionnel effectif, au regard notamment du nombre limité d’irrégularités invocables et des pouvoirs restreints du juge du référé contractuel ?
- Le fait que le référé contractuel soit en pratique la seule voie de recours ouverte au candidat évincé d’une procédure de passation d’un contrat de droit privé est-il conforme au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, par comparaison aux voies ouvertes au candidat évincé d’une procédure de passation d’un contrat de droit public devant le juge administratif ?
Conformément à la règlementation, la Cour de Cassation a opéré un filtrage, en vérifiant que les trois conditions de transmission des QPC étaient réunies : l’applicabilité de la loi au litige, l’absence de déclaration préalable de conformité, le caractère sérieux ou nouveau de la question.
C’est l’affirmation selon laquelle la question présente un caractère sérieux qui retient en particulier l’attention :
« 4. Les questions posées présentent un caractère sérieux en ce que, dans le cas d’une procédure dite adaptée de mise en concurrence, il n’est pas prévu par la réglementation que le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice doive suspendre la conclusion du contrat avec le candidat sélectionné pendant un certain délai à compter de la notification de leur décision aux candidats évincés. Il s’ensuit que ces candidats ne peuvent, en pratique, agir en référé précontractuel ainsi qu’il est prévu par les articles 2 et 5 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et ne peuvent donc introduire qu’une action en contestation de la validité du contrat en application de l’article 11 de cette ordonnance. Or, l’article 16 de la même ordonnance énonce un nombre restreint de cas dans lesquels l’annulation du contrat doit être ordonnée et aucune autre disposition ne prévoit de sanction des autres irrégularités qui peuvent affecter la procédure de mise en concurrence et qui, dans certains cas, peuvent constituer des atteintes graves aux principes fondamentaux de la commande publique que sont la liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures.
5. En outre, le Conseil d’État pour de telles situations a par une décision du 4 avril 2014 (CE. Ass., 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994, au recueil) retenu que les tiers pouvaient contester la validité du contrat « indépendamment des actions dont disposent les parties à un contrat administratif et des actions ouvertes devant le juge de l’excès de pouvoir contre les clauses réglementaires d’un contrat ou devant le juge du référé contractuel sur le fondement des articles L. 551-13 et suivants du code de justice administrative ».
6. Il s’ensuit que les dispositions visées par les questions pourraient avoir pour résultat de priver les candidats évincés d’un recours utile contre les décisions d’attribution de commande publique de droit privé irrégulières pour d’autres causes que celles énoncées par l’article 16 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et de les placer, de ce fait, dans une situation d’inégalité au regard de la situation des candidats à des procédures de commandes publiques de droit public ».
Ainsi, selon la Cour de Cassation, il existe un risque réel qu’ouvrir exclusivement le référé précontractuel au candidat évincé d’une procédure de passation d’un contrat de droit privé selon les règles de la commande publique, constitue à la fois une violation du droit à un recours juridictionnel effectif et une violation du principe constitutionnel d’égalité devant la loi.
III. Sur la décision du Conseil Constitutionnel
Le Conseil constitutionnel se prononcera sur la conformité des dispositions des articles 11 à 20 de l’ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 relative aux procédures de recours applicables aux contrats de la commande publique à la Constitution le 30 juillet 2020.
Pour rappel, le Conseil constitutionnel peut prendre différentes décisions : une déclaration de conformité, une déclaration de conformité sous d’éventuelles réserves d’interprétation ou encore une déclaration de non-conformité. Dans ce dernier cas, les dispositions contestées sont abrogées, le cas échéant avec effet différé.
En pratique, d’autres solutions sont envisageables et pourraient être plus efficaces pour garantir un droit au recours juridictionnel effectif aux candidats évincés :
– Imposer le respect d’un délai de stand still dans le cadre des procédures adaptées ;
– Adopter le recours Tarn et Garonne devant le juge judiciaire voire, pour plus de simplicité, déporter l’ensemble du contentieux de la passation des contrats de la commande publique devant le juge administratif.
De mon point de vue, l’unification du contentieux de la commande publique devant le juge administratif présenterait l’avantage de la simplicité et de l’efficacité et est à encourager.
Margaux Bouzac
Avocate sénior – Gossement Avocats
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