En bref
[Soirée débat] 9 décembre 2025 – « Désinformation climatique : le rôle du droit face au brouillage du réel »
Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
ICPE : le Conseil d’Etat précise les conditions d’opposabilité des documents d’urbanisme aux autorisations d’exploiter
La décision du Conseil d’Etat en date du 16 décembre 2016 (n°391452) apporte des éléments très importants concernant l’opposabilité des règles d’occupation des sols aux décisions autorisant l’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE). Analyse.
I. Sur la prise en compte de l’évolution favorable du document d’urbanisme entre la délivrance de l’autorisation et la date à laquelle le juge statue
Il convient de rappeler que le contrôle de la légalité d’une ICPE relève d’un contentieux de pleine juridiction (cf. alinéa 1 du I de l’article L. 514-6 du code de l’environnement). En principe, la légalité d’une autorisation administrative est contrôlée au regard des normes applicables, non pas au jour de sa délivrance mais au jour de la décision par laquelle le juge administratif statue sur le recours dirigé contre cette autorisation.
Cependant, aux termes de l’alinéa 2 du I de l’article L. 514-6 du code de l’environnement, il est prévu que :
« Par exception, la compatibilité d’une installation classée avec les dispositions d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un plan d’occupation des sols ou d’une carte communale est appréciée à la date de l’autorisation, de l’enregistrement ou de la déclaration. (…).«
Par une décision n°367901 du 22 février 2016, le Conseil d’Etat a considéré que les évolutions du plan local d’urbanisme (PLU) postérieures à la délivrance d’une autorisation d’exploiter ne peuvent pas être opposées lorsque ces évolutions sont défavorables à la légalité de l’autorisation ICPE (cf. notre commentaire).
Nous faisions remarquer que le Conseil d’Etat n’avait pas fondé son raisonnement sur l’article L. 514-6 du code de l’environnement précité.
Dans sa décision du 16 décembre 2016, qui ne fait pas non plus mention de l’article L. 514-6 du code de l’environnement, le Conseil d’Etat établit, par un considérant de principe, que :
« 4. Considérant, en deuxième lieu, qu’il appartient au juge du plein contentieux des installations classées de se prononcer sur la légalité de l’autorisation au regard des règles d’urbanisme légalement applicables à la date de sa délivrance ; que, toutefois, eu égard à son office, la méconnaissance par l’autorisation des règles d’urbanisme en vigueur à cette date ne fait pas obstacle à ce qu’il constate que, à la date à laquelle il statue, la décision a été régularisée par une modification ultérieure de ces règles ;«
En principe, la légalité de l’autorisation ICPE est donc appréciée au regard des règles d’urbanisme légalement applicables à la date de sa délivrance (cf. pour une application récente Conseil d’Etat, 30 décembre 2016, n°396420).
Toutefois, l’illégalité de l’autorisation ICPE constatée le jour de sa délivrance peut être régularisée par une évolution ultérieure des règles d’urbanisme.
Le Conseil d’Etat a donc jugé que :
« en ayant apprécié la légalité de l’autorisation litigieuse au regard des seules dispositions du plan local d’urbanisme en vigueur à la date de son arrêt, alors qu’il lui appartenait d’abord de l’apprécier au regard des règles d’urbanisme légalement applicables à la date à laquelle l’autorisation a été délivrée, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit«
II. Sur les conséquences juridiques en cas de d’illégalité du document d’urbanisme sur l’autorisation d’ICPE
En premier lieu, dans sa décision du 16 décembre 2016, le Conseil d’Etat confirme la possibilité de soulever l’illégalité d’un document d’urbanisme, même lorsque la décision attaquée est une autorisation ICPE.
Il précise que la déclaration d’illégalité doit intervenir dans les conditions de l’article L. 600-1 du code de l’urbanisme, lequel fait obstacle à l’invocation de vices de forme ou de procédure contre le document d’urbanisme passé un délai de six mois à compter de la prise d’effet de ce dernier.
En deuxième lieu, en droit de l’urbanisme, d’abord selon la jurisprudence (CE, 7 février 2008, Commune de Courbevoie, n°297227, publié au Lebon), puis en vertu de l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme, cité ci-après :
« L’annulation ou la déclaration d’illégalité d’un schéma de cohérence territoriale, d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou d’une carte communale a pour effet de remettre en vigueur le schéma de cohérence territoriale, le plan local d’urbanisme, le document d’urbanisme en tenant lieu ou la carte communale immédiatement antérieur.«
Par sa décision du 16 décembre 2016, le Conseil d’Etat a décidé d’appliquer les dispositions résultant de l’article L. 600-12 du code de l’urbanisme en matière d’installation classée.
De telle sorte qu’il appartient au juge administratif de confronter l’autorisation d’exploiter en cause aux règles d’urbanisme remises en vigueur par effet de la déclaration d’illégalité du document d’urbanisme qui lui était opposable.
En l’espèce, la Cour avait considéré le plan local d’urbanisme applicable comme étant illégale – incompatibilité avec une prescription du schéma de cohérence territorial.
Cependant, elle a omis d’apprécier l’autorisation ICPE contestée au regard des règles d’occupation des sols antérieures au plan d’urbanisme litigieux, remises en vigueur du fait de de l’illégalité de ce dernier, entachant son arrêt d’une erreur de droit.
La jurisprudence complexe qui découle de cette décision sera certainement appliquée en matière d’autorisation environnementale unique, laquelle sera soumise à un contrôle de pleine juridiction et intégrera les autorisations ICPE – et non les décisions d’enregistrement et de déclaration.
L’autorisation environnementale unique devrait entrer en vigueur au cours de l’année 2017, à la suite de la publication des projets d’ordonnance et de décret qui la pérennise et l’organise.
Florian Ferjoux
Avocat – Cabinet Gossement Avocats
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
Dérogation espèces protégées : l’administration n’est pas tenue de vérifier la fiabilité d’un dispositif anticollision prescrit par le juge administratif ou d’exiger le dépôt d’une demande de dérogation (Conseil d’Etat, 22 décembre 2025, n°497091 et 492940)
Par deux décisions rendues ce 22 décembre 2025, le Conseil d'Etat a apporté d'importantes précisions relatives à la procédure d'autorisation de déroger à l'interdiction de destruction d'espèces protégées. En premier lieu, la Haute juridiction administrative a jugé que...
Dérogation espèces protégées : le préfet doit mettre en demeure, à tout moment, l’exploitant d’une ICPE de régulariser sa situation (CE, 16 décembre 2025, n°494931)
Par une décision n°494931 rendue ce 16 décembre 2025, le Conseil d'Etat a jugé que le préfet doit mettre en demeure l'exploitant d'une installation classée (ici un parc éolien) de déposer une demande de dérogation espèces protégées lorsque les conditions sont réunies....
Charte de l’environnement : le juge judiciaire est compétent, à certaines conditions, pour statuer sur une demande de réparation du préjudice écologique causé par une activité autorisée (AMM) par l’administration (Cour de cassation, 13 novembre 2025, n°500 FS-B)
En cette année du vingtième anniversaire de la Charte de l'environnement, la Cour de cassation vient, pour la deuxième fois (cf. notre commentaire) d'en faire application. Mais d'une manière qui peut apparaître surprenante. Par un arrêt rendu ce 13 novembre 2025, la...
Dérogation espèces protégées : l’illégalité de l’autorisation d’exploiter une activité industrielle peut démontrer l’existence d’un « risque suffisamment caractérisé » imposant au préfet d’enjoindre au porteur de projet de déposer une demande de « dérogation espèces protégées » (TA Guyane, 11 décembre 2025, Association Guyane Nature Environnement, n°2201889)
Par un jugement n°2201889 rendu ce 11 decembre 2025, le tribunal administratif de la Guyane a annulé, à la demande de l'association Guyane Nature Environnement, d'une part une autorisation d'exploiter une mine d'aurifère, d'autre part le refus du préfet d'ejoindre au...
Dermatose nodulaire : Arnaud Gossement invité de l’émission « Sur le terrain » sur France info TV
Ce lundi 15 décembre 2025, Arnaud Gossement était l'un des invités de l'émission "Sur le terrain" présentée par Loïc de la Mornais sur France Info TV et consacrée à la colère des agriculteurs confrontés à l'épidémie de Dermatose nodulaire contagieuse (DNC). L'émission...
[Conférence] 10 décembre 2025 : grande conférence sur l’avenir de l’énergie solaire, au salon Energaïa, organisée par Tecsol
Arnaud Gossement est l'un des intervenants de la grande conférence sur l'énergie solaire qu'organise Tecsol au salon Energaia, ce mercredi 10 décembre, de 15h30 à 16h30. Nous remercions André Joffre (président), Alexandra Batlle (secrétaire générale de Tecsol) et...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.






![[Conférence] 10 décembre 2025 : grande conférence sur l’avenir de l’énergie solaire, au salon Energaïa, organisée par Tecsol](https://www.gossement-avocats.com/wp-content/uploads/2024/04/solaire-adobe.jpeg)