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Adaptation au changement climatique : le Gouvernement propose de créer une trajectoire de réchauffement et de « tirer parti des éventuelles opportunités que le changement climatique crée »
Le Gouvernement organise, du 5 septembre au 1er octobre 2025, une consultation du public sur un projet de décret et d’arrêté relatifs à la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique. Un nouvel instrument sans réelle valeur juridique et au contenu très imprécis. Plus surprenant, le Gouvernement prévoit d’assigner pour objectif à la politique nationale d’adaptation au changement climatique de « tirer parti des éventuelles opportunités qu’il [le changement climatique] crée ». Analyse.
Résumé
1. Le Gouvernement organise, du 5 septembre au 1er octobre 2025, une consultation du public sur un projet de décret et d’arrêté relatifs à la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique
2. Le contenu du projet de décret « relatif à la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique » est le suivant :
- La suppression de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique.
- La définition des objectifs de la politique politique nationale d’adaptation au changement climatique : réduire la vulnérabilité de la France et…. »tirer parti des éventuelles opportunités qu’il [le changement climatique] crée »
- La création d’une trajectoire de réchauffement sans valeur législative, contrairement à la recommandation de l’IGEDD
- La création d’une trajectoire de réchauffement sans contenu précis quant à ses conditions de mise à jour et de déclinaison.
3. Le contenu du projet d’arrêté « fixant la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique »
- La définition des – niveaux planétaire et national – de la trajectoire de réchauffement, sans référence à plusieurs scenarii.
- La définition de « projections territorialisées de référence » mises à disposition par Météo-France
4. Ces projets de textes consacrés à l’adaptation au changement climatique sont présentés dans un contexte de remise en cause de l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et la suppression des objectifs sectoriels de développement des énergies renouvelables (cf. notre commentaire).
I. Le contenu du projet de décret « relatif à la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique »
1.1. La suppression de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique.
La section 1 du chapitre IX du titre II du livre II du code de l’environnement est actuellement consacrée à l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique. Lequel fait l’objet des articles L229-2 à L229-4 du code de l’environnement.
Le projet de décret apporte deux modifications à cette section.
- D’une part, son article 1er prévoit d’en modifier l’intitulé, lequel serait désormais : « Adaptation au changement climatique »
- D’autre part, son article prévoit de remplacer les articles L229-2 à L229-4 relatifs à l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique par de nouveaux articles consacrés à la politique nationale d’adaptation au changement climatique.
En conséquence, le projet de décret a pour effet premier de supprimer cet Observatoire. Il convient toutefois de souligner que, depuis la création du Haut conseil pour le climat, la fonction exacte de cet Observatoire n’apparaissait plus clairement.
1.2. La définition des objectifs de la politique politique nationale d’adaptation au changement climatique : réduire la vulnérabilité de la France et…. »tirer parti des éventuelles opportunités qu’il [le changement climatique] crée »
Le projet de décret (article 2) prévoit d’insérer un nouvel article R.229-1 au sein du code de l’environnement pour définir les objectifs de la politique nationale d’adaptation au changement climatique. De manière assez curieuse, cet article article R.229-1 fait référence tant aux inconvénients qu’aux éventuelles opportunités que le changement climatique pourrait créer. Ces deux objectifs sont les suivants :
- Le premier objectif consiste à « réduire la vulnérabilité de la France face face aux impacts actuels et à venir du changement climatique«
- Le deuxième objectif consiste à « tirer parti des éventuelles opportunités qu’il [le changement climatique] crée ».
Le projet d »article R.229-1est en effet ainsi rédigé : « En application de l’article L. 229-1, la politique nationale d’adaptation au changement climatique a pour objectifs de réduire la vulnérabilité de la France face aux impacts actuels et à venir du changement climatique et de tirer parti des éventuelles opportunités qu’il crée. »
Il est non seulement surprenant de faire référence aux « éventuelles opportunités » qui seraient créées par le changement climatique mais il est également surprenant de fonder cet article R.229-1 sur l’article L. 229-1 du code de l’environnement. Ce dernier ne fait en effet pas explicitement référence à une politique d’adaptation au changement climatique mais est consacré à la politique de réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la prévention des risques qui en procèdent.
1.3. La création d’une trajectoire de réchauffement sans valeur législative
Le projet de décret prévoit de créer un nouvel article R.229-2 au sein du code de l’environnement pour créer le régime juridique de cette trajectoire de réchauffement :
« En application de l’article 5 du règlement 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique, la politique nationale d’adaptation au changement climatique s’appuie sur une trajectoire de réchauffement de référence définie par arrêté du ministre chargé de l’adaptation au changement climatique, après consultation du Conseil national de la transition écologique.
Il convient donc de noter :
- que la création du régime juridique de l’adaptation au changement climatique a une valeur strictement réglementaire (décret).
- que la trajectoire elle-même n’aura qu’une valeur réglementaire puisqu’elle sera définie par un simple arrêté ministériel.
Le choix de ne pas donner de valeur législative au régime et au contenu de la trajectoire répond sans doute au souci de ne pas créer de « risque contentieux » pour la responsabilité de l’Etat. Ce choix est, à notre sens, problématique.
- d’une part, sur le plan politique, cela revient à priver le Parlement d’un débat sur cette trajectoire mais aussi d’envoyer le message erroné d’une importance relative de cet instrument
- d’autre part, sur le plan juridique, cette trajectoire de réchauffement ne pourra jamais être opposée, ni à la loi ni même à d’autres décisions administratives à valeur réglementaire. L’utilité de ce nouvel instrument est donc très relative.
Ce choix de ne pas donner une valeur juridique trop importante à la trajectoire de réchauffement est clairement revendiqué dans le texte de présentation du projet de décret :
« L’approche retenue est d’intégrer la trajectoire de réchauffement de référence dans le code de l’environnement pour pouvoir progressivement y faire référence dans tous les documents de planification et sectoriels pertinents, mais sans conférer à cette trajectoire un caractère automatiquement opposable. Ainsi, l’adoption par décret de la trajectoire de réchauffement de référence n’emportera pas de nouvelles obligations tant que les règlementations sectorielles ne seront pas mises à jour. » (nous soulignons)
En procédant ainsi, le Gouvernement a choisi de ne pas suivre la première recommandation de la mission exprimée dans son rapport publié en décembre 2022 de la réalisé par la « Mission de parangonnage sur les politiques d’adaptation au changement climatique » mise en place au sein de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD) du ministère de la transition écologique. Cette recommandation était d’inscrire ce Plan national d’adaptation au changement climatique et donc aussi la trajectoire de réchauffement (cf. notre commentaire)
Il est donc à craindre que la trajectoire de réchauffement relève du symbole.
1.3. La création d’une trajectoire de réchauffement sans contenu précis
Le projet de décret prévoit d’insérer un nouvel article R. 229-3 au sein du code de l’environnement ainsi rédigé :
« I. La trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique est définie à différents horizons temporels et exprimée en niveaux de réchauffement.
II. Elle est mise à jour, le cas échéant, en fonction des conclusions et des rapports publiés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
III. Les niveaux de réchauffement correspondants pour la métropole et les outre-mer sont proposés par l’établissement public Météo-France.«
Aux termes de ces dispositions,
- Le Gouvernement n’entend pas définir des scenarii de référence mais, uniquement, plusieurs niveaux géographiques de réchauffement. Le Gouvernement n’a donc pas non plus suivi la 7ème recommandation de la mission de l’IGEDD, ainsi rédigée : « (DGEC) Proposer dans la loi une référence climatique exprimée sous la forme de hausses de température et fondée sur deux scénarios du GIEC : un scénario intermédiaire et un scénario plus pessimiste. »
- La mise à jour de cette trajectoire restera facultative. Ses modalités exactes ne sont pas précisées par ce décret. Le projet de décret précise tout au plus que cette mise à jour sera faite en fonction des rapports du GIEC et que les niveaux de réchauffement correspondants pour la métropole et les outre-mer sont proposés par l’établissement public Météo-France. Rien n’est dit sur les conditions d’évaluation de la trajectoire révisée, la consultation du public, la consultation des experts et notamment du Haut conseil pour le climat, le type de texte utilisé etc..
- Le Gouvernement n’a pas entendu définir l’articulation entre cette trajectoire et les documents d’urbanisme et de planification (PLU…). En l’état, les auteurs de ces documents n’ont aucune obligation de faire référence et de décliner les exigences de cette trajectoire.
- Le Gouvernement n’a pas non plus clairement définit l’articulation entre ce projet de décret et le troisième plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3) présenté le 10 mars 2025 par la ministre de la transition écologique.
L’article 3 du projet de décret renvoie à un arrêté ministériel le soin de préciser, non pas toutes les modalités de diffusion et de révision de la trajectoire mais, uniquement, « les modalités de mise à disposition des projections climatiques territorialisées de référence« .
« Un arrêté du ministre chargé de l’adaptation au changement climatique précise les modalités de mise à disposition des projections climatiques territorialisées de référence correspondant à la trajectoire mentionnée à l’article R. 229-2. »
II. Le contenu du projet d’arrêté « fixant la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique »
Ce projet d’arrêté ne prévoit pas d’insérer de nouveaux articles au sein du code de l’environnement. Il comporte deux articles très brefs qui n’ont pas vocation à être codifiés.
2.1. La définition des – niveaux planétaire et national – de la trajectoire de réchauffement
L’article 1er du projet d’arrêté « créé » deux niveaux de réchauffement : au niveau planétaire et au niveau national
« La trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique mentionnée à l’article R. 229-3 du code de l’environnement est définie comme suit :
réchauffement planétaire de 1.5°C par rapport à l’ère pré-industrielle à l’horizon 2030,
réchauffement planétaire de 2°C par rapport à l’ère pré-industrielle à l’horizon 2050,
réchauffement planétaire de 3°C par rapport à l’ère pré-industrielle à l’horizon 2100
Les niveaux correspondants pour la métropole sont définis comme suit : réchauffement de 2 °C par rapport à l’ère pré-industrielle à l’horizon 2030, réchauffement de 2,7 °C par rapport à l’ère pré-industrielle à l’horizon 2050, réchauffement de 4°C par rapport à l’ère pré-industrielle à l’horizon 2100.«
Il convient de souligner de nouveau que le Gouvernement a, ici, choisi de ne pas suivre la 7ème recommandation de la mission de l’IGEDD, ainsi rédigée : « (DGEC) Proposer dans la loi une référence climatique exprimée sous la forme de hausses de température et fondée sur deux scénarios du GIEC : un scénario intermédiaire et un scénario plus pessimiste. » Par ailleurs, le Gouvernement n’a pas plus non souhaité définir de jalons intermédiaires ni même de rythme annuel de réchauffement.
Par ailleurs, il est regrettable que cette trajectoire de réchauffement ne soit pas accompagnée d’une trajectoires. Dans son rapport 2025, le Haut conseil pour le climat a formulé une série de recommandations dont celle-ci : « Mettre en place des trajectoires d’incitations publiques, d’investissements, de renouvellement des infrastructures et de régénération des écosystèmes forestiers et des sols ; »
2.2. La définition de « projections territorialisées de référence » mises à disposition par Météo-France
L’article 2 du projet d’arrêté fait état de simples « projections territorialisées de référence » pour le niveau territorial. Il n’y aura pas donc pas véritablement de trajectoire de réchauffement pour le niveau infra-national :
« Les projections territorialisées de référence correspondant à la trajectoire définie à l’article 1 sont mises à disposition gratuitement par Météo-France sur un portail dédié. Ce portail national des impacts intègre aussi des indicateurs d’impact élaborés par les organismes publics nationaux ainsi que la méthodologie associée.«
Il n’est pas certain qu’un arrêté était nécessaire pour que Météo-France procède à ce travail d’élaboration et de diffusion de « projections territorialisées de référence ». Pour faire le point sur les outils déjà proposés par Météo-France (dont Climadiag commune), nous vous recommandons la consultation de son site internet.
Arnaud Gossement
avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne
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