​Artificialisation des sols : publication du décret et de l’arrêté du 29 décembre 2023 définissant les modalités de prise en compte des installations de production d’énergie solaire photovoltaïque au sol dans le calcul de la consommation d’espace

Jan 3, 2024 | Environnement

Le Gouvernement a publié, au journal officiel du 31 décembre 2023, le décret n°2023-1408 du 29 décembre 2023 et l’arrêté du 29 décembre 2023 pris en application du 6° du III de l’article 194 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Ces deux textes précisent les modalités de mise en œuvre de la dérogation à la comptabilisation de la consommation d’un espace naturel, agricole et forestier par des installations de production d’énergie solaire photovoltaïque. Présentation. 

Résumé

1. Création de l’objectif Zéro artificialisation nette des sols (ZAN). La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, fixe en son article 191 un objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 et pour l’atteindre, un objectif de réduction du rythme de l’artificialisation par tranches de dix années, à inscrire et à décliner dans les documents de planification régionaux et les documents d’urbanisme 
2. Création de la dérogation à l’objectif ZAN pour la production d’énergies renouvelables. Le 6° du III de l’article 194 prévoit, pour la première tranche de dix ans, les conditions dans lesquelles un espace naturel ou agricole occupé par une installation de production d’énergie photovoltaïque au sol n’est pas comptabilisé dans la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, en précisant d’une part, que l’installation ne doit pas affecter durablement les fonctions écologiques du sol ainsi que son potentiel agronomique, d’autre part, qu’elle ne doit pas être incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée, si la vocation de celui-ci est agricole. 

– Il précise les critères d’implantation des projets leur permettant de remplir les conditions prévues par la loi.
– Il définit des mesures transitoires pour les installations de production d’énergie photovoltaïque dont la date d’installation effective ou la date de dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme est comprise entre la promulgation de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et la publication du présent décret.
– Il renvoie à un arrêté le soin de préciser la liste des caractéristiques techniques permettant l’atteinte des critères sur lesquels il s’appuie, afin d’exclure certaines installations du décompte de la consommation d’espace.

4. L’arrêté du 29 décembre 2023. Le Gouvernement également publié, au journal officiel du 31 décembre 2023, l’arrêté du 29 décembre 2023 définissant les caractéristiques techniques des installations de production d’énergie photovoltaïque exemptées de prise en compte dans le calcul de la consommation d’espace naturels, agricoles et forestiers.

– Il fixe les caractéristiques techniques et critères d’implantation des installations de production d’énergie photovoltaïque pour que celles-ci soient exemptées d’une prise en compte dans le calcul de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. 

– Il définit également les modalités de la mise à disposition et de l’enregistrement de ces données et informations, par les porteurs de projets d’installations de production d’énergie photovoltaïque, pour tout projet d’implantation situé sur un espace à vocation agricole ou naturelle.

Commentaire
I. Rappel du cadre juridique
Les articles 191 à 226 de la loi « climat et résilience » n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ont créé le cadre juridique afférent à la lutte contre l’artificialisation des sols.
L’article 191 de la loi « climat et résilience » n°2021-1104 du 22 août 2021 a défini un objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 (objectif ZAN) et un objectif de réduction du rythme d’artificialisation des sols, de 2021 à 2031, de manière à ce que la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date.
L’article 194 de cette même loi a prévu la déclinaison de ces objectifs nationaux dans les documents de planification et d’urbanisme. Le III de cet article a fixé les délais de mise en œuvre de ces objectifs. Il a prescrit en ce sens que pour la première tranche de dix années, le rythme d’artificialisation est traduit par un objectif de réduction de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers par rapport à la consommation réelle de ces espaces observée au cours des dix années précédentes. Au sens de cet article, une telle consommation est entendue comme la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés sur le territoire concerné.
Le 6° du III de l’article 194 a créé une exception à cette consommation d’espace naturel ou agricole occupé par des installations photovoltaïques en ces termes :

« 6° Pour la tranche mentionnée au 2° du présent III, un espace naturel ou agricole occupé par une installation de production d’énergie photovoltaïque n’est pas comptabilisé dans la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers dès lors que les modalités de cette installation permettent qu’elle n’affecte pas durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique et, le cas échéant, que l’installation n’est pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale sur le terrain sur lequel elle est implantée. Les modalités de mise en œuvre du présent alinéa sont précisées par décret en Conseil d’Etat ; »

Un espace naturel ou agricole n’est ainsi pas comptabilisé dans la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers lorsqu’il est occupé par une installation de production d’énergie photovoltaïque dès lors que :

  • Cette dernière n’affecte pas durablement les fonctions écologiques du sol ;
  • Et que, le cas échéant, l’installation n’est pas incompatible avec l’exercice d’une activité agricole ou pastorale.

Les modalités de mise en œuvre du présent alinéa devaient être précisées par décret. Un projet de décret et d’arrêté avaient été soumis à consultation du public du 4 au 25 mai 2022. Ces décrets et arrêtés ont finalement été publiés le 31 décembre 2023.

II. L’apport du décret n°2023-1408 du 29 décembre 2023 définissant les modalités de prise en compte des installations de production d’énergie photovoltaïque au sol dans le calcul de la consommation d’espace

Ce décret a défini les modalités de prise en compte des installations de production d’énergie photovoltaïque au sol dans le calcul de la consommation d’espace et les critères d’implantation de ces projets.

Garanties apportées par l’installation. Le I de l’article 1 du présent décret a conditionné la dérogation au principe de consommation d’espace pour des installations photovoltaïques à la condition que les modalités de cette installation permettent de garantir :

  • La réversibilité de l’installation ;
  • Le maintien du couvert végétal. Ce couvert correspond à la nature du sol et, le cas échéant, des habitats naturels préexistants sur le site, sur toute la durée de l’exploitation, ainsi que de la perméabilité du sol au niveau des voies d’accès ;
  • Sur les espaces à vocation agricole, le maintien d’une activité agricole ou pastorale significative en tenant compte de l’impact du projet sur les activités qui y sont effectivement exercées ou, en l’absence d’activité, qui auraient vocation à s’y développer.

Le décret a renvoyé à un arrêté (voir plus loin) le soin de préciser la liste des caractéristiques techniques permettant de bénéficier de la dérogation au principe de la consommation d’espace ainsi que la liste des données et informations à mettre à disposition de l’administration.

Mesure transitoire. L’article 2 prévoit des mesures transitoires pour les installations de production d’énergie photovoltaïque dont la date d’installation effective ou la date de dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme est comprise entre la promulgation de la loi du 22 août et la publication du décret. 

En ce sens, les modalités d’implantation et caractéristiques fixées par l’arrêté n’ont pas à être prises en compte dans l’appréciation du respect des conditions énoncées au I de l’article 1 du décret énoncées ci-dessus pour le calcul de la consommation d’espace naturel, agricole et forestier.

III. L’apport de l’arrêté du 29 décembre 2023 définissant les caractéristiques techniques des installations de production d’énergie photovoltaïque exemptées de prise en compte dans le calcul de la consommation d’espace naturels, agricoles et forestiers

L’arrêté a défini les caractéristiques techniques des installations exemptées de prise en compte dans le calcul de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers. Ces caractéristiques permettent de respecter les conditions mentionnées à l’article 1er du décret précité.

Caractéristiques techniques. L’arrêté a fixé les caractéristiques techniques suivantes à respecter pour pouvoir bénéficier de l’exemption du calcul de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.

Ces caractéristiques sont identiques à celles du projet de décret, à l’exception de la densité et du taux de recouvrement du sol par les panneaux. Le projet de décret avait prévu un espacement entre deux rangées de panneaux distincts au moins égal à la largeur maximale de ces panneaux, en valeur absolue. L’arrêté adopté a retenu un espacement entre deux rangées de panneaux distinctes au moins égal à deux mètres. Les deux mètres sont mesurés du bord des panneaux d’une rangée au bord des panneaux de la rangée suivante et non pas d’un pieux d’ancrage à l’autre. Concernant le type de clôtures, le projet d’arrêté avait également prévu des haies. Ces dernières n’ont pas été reprises dans l’arrêté.

L’arrêté a précisé que ces caractéristiques s’appliquaient sans préjudices des dispositions relatives à l’agrivoltaïsme et à l’agri-compatibilité (cf. articles L. 111-27 et L. 111-29 du code).

Plateforme numérique. L’article 2 a institué l’obligation pour le ministre de mettre en place une plateforme numérique aux fins de rassembler l’ensemble des données et informations relatives aux caractéristiques techniques et critères d’implantations fixés dans le tableau. Ces informations pourront être consultées par l’autorité compétente en charge de l’élaboration des documents de planification et d’urbanisme afin de ne pas comptabiliser ces espaces dans la consommation.

Informations à transmettre par les porteurs de projets (article 3). Ces informations doivent être renseignées par les porteurs de projets lorsque leur demande d’autorisation a été déposée ou l’autorisation a été délivrée à compter de la promulgation de la loi du 22 août 2021. Il en va de même pour les projets dont l’installation est effective à compter de cette même date.

Les éléments suivants doivent à minima être transmis :

  • Les données relatives aux caractéristiques techniques des installations permettant de vérifier les valeurs et les seuils d’exemption au calcul de la consommation : hauteur (mètres) ; surface projetée au sol des rangées (mètres carrés) ; espacement entre les rangées (mètres) ; type d’usage actuel du terrain (naturel, agricole ou forestier) ; nature et/ou couverture actuelle du sol (description s’il y a lieu du type de culture ou d’activité agricole exercée ainsi que le type d’habitat naturel) ; coordonnées géographiques ; types d’ancrages au sol (précision tracker ou ancrage en béton) ; type de clôture ; type de revêtement des voies d’accès ; type d’activité agricole (initiale et projetée sur les espaces à vocation agricole) ;
  • Les autres informations et données relatives à l’identification du projet et à sa durée d’exploitation disponibles lors de l’enregistrement : puissance crête maximum ; nom ou raison sociale ; commune d’implantation ; numéro de parcelle ; numéro SIREN/SIRET ; date du dépôt de la demande ; date de l’autorisation ; durée d’exploitation prévue ; date d’installation effective ; surface occupé par l’installation ; surface du terrain d’implantation, clôture comprise ; type de projet.

Ces données doivent être mises à jour tous les trois ans à compter du premier enregistrement des informations relatives au projet.

A défaut d’enregistrement par les porteurs de projets, les espaces sont comptabilisés dans la consommation d’espaces sauf si l’autorité compétente justifie que ladite installation respecte les caractéristiques techniques.

Entrée en vigueur :

  • Conformément aux dispositions du décret, les modalités et caractéristiques fixées par l’arrêté sont prises en compte dans le calcul de la consommation d’espace naturel, agricole et forestier à compter de la publication du décret soit le 31 décembre 2023 ;
  • Les articles 2 et 3 de l’arrêté relatifs aux informations à transmettre entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

De sorte que, les porteurs de projets devront donc désormais mettre en conformité leur projet avec les caractéristiques techniques fixées pour que les installations ne soient pas comptabilisées dans la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers. En outre, le projet de décret relatif au développement des installations compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, soumis à consultation du public, prévoit que ces installations doivent respecter les dispositions de ce décret du 29 décembre 2023 pour être autorisées. 

Caroline Grenet – avocate – Cabinet Gossement Avocats

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