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Biodiversité : signature des arrêtés de protection des habitats naturels (APHN) pour le site du Mont Blanc
Utilisé pour renforcer la protection du massif du Mont-Blanc actuellement menacé, le dispositif des arrêtés de protection des habitats naturels permet d’assurer une protection efficace de certains milieux rares qui jusqu’à présent ne bénéficiaient pas d’un outil législatif adapté. A ce titre, deux arrêtés ont été signé le 1er octobre 2020 par le Préfet de Haute-Savoie. D’une part, l’arrêté n°DDT-2020-1132 portant création de la zone de protection d’habitats naturels du Mont-Blanc – Site d’exception et d’autre part, l’arrêté n°DDT-2020-1133 portant création d’un comité de suivi de ce même site.
Résumé. Créé par un décret et deux arrêtés du 19 décembre 2018, le dispositif des arrêtés de protection des habitats naturels permet de renforcer la protection des espaces naturels sans que ces espaces abritent nécessairement des espèces protégées. Utilisé pour la première fois le 12 mars 2020 dans le département du Nord ; ce nouvel outil réglementaire a permis de renforcer la protection du massif du Mont-Blanc en créant une zone de protection d’habitats naturels.
I. Un nouvel outil réglementaire visant à renforcer la protection des habitats naturels
Avant la mise en œuvre de ce dispositif, les milieux naturels français ne pouvaient être protégés que dans le cadre de Natura 2000 ou par les espèces qu’ils abritent.
En effet, le réseau Natura 2000, mis en place par la directive Oiseaux n°2009/147/CE du 30 novembre 2009 et la directive Habitats faune flore n°92/43/CEE du 21 mai 1992, et la législation applicable aux espèces protégées, ne permettent pas de protéger les habitats naturels indépendamment de la présence d’espèces protégées.
Le dispositif des arrêtés de protection des habitats naturels a été initialement prévu dans le cadre de l’action 40 de l’axe 3 « Protéger et restaurer la nature dans toutes ses composantes » du plan biodiversité du 4 juillet 2018. Ce plan prévoyait la publication d’un décret « permettant de protéger spécifiquement des habitats naturels et non seulement des espèces via des mesures réglementaires », en application de l’article L. 411-2 du code de l’environnement issu de l’article 124 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.
Par une décision du 9 mai 2018 (n°407695) le Conseil d’Etat a enjoint au Gouvernement de prendre les mesures réglementaires prévues par l’article L.411-2 du code de l’environnement. Deux arrêtés et un décret ont été finalement été publiés le 19 décembre 2018. Ces trois textes viennent entériner ce dispositif et achèvent ainsi l’engagement de la France pris auprès de la Commission européenne sur la transposition de la directive habitats.
En premier lieu, le décret n°2018-1180 relatif à la protection des biotopes et des habitats naturels donne la possibilité aux préfets de prendre des arrêtés de protection des habitats naturels (APHN) sans que ces espaces abritent nécessairement des espèces protégées. Ce nouvel outil mis à disposition des représentants de l’Etat s’ajoute à deux outils préexistants, à savoir les arrêtés de protection de biotopes (APB) et les arrêtés de protection de sites d’intérêt géologique ou « géotopes » (APG).
En second lieu, un arrêté fixe la liste des habitats naturels pouvant faire l’objet d’un arrêté préfectoral de protection des habitats naturels en France métropolitaine. Cette liste comprend 156 types d’habitats différents, dont les 130 habitats naturels qui peuvent justifier un classement en zone Natura 2000. S’y ajoutent ainsi 19 habitats terrestres (lacs, tourbières, prairies, landes, forêts) et sept habitats marins (sables, vases, jardins de coraux).
Cet arrêté a ensuite été complété par un arrêté du 5 août 2019 fixant la liste des habitats naturels pouvant faire l’objet d’un arrêté préfectoral de protection des habitats naturels en Guadeloupe, Martinique et à Saint-Martin.
En dernier lieu, le deuxième arrêté du 19 décembre 2018 fixe les modalités de présentation et la procédure d’instruction des demandes de dérogations aux interdictions fixées par arrêté préfectoral de protection des habitats naturels prévoyant ainsi la possibilité de déroger aux mesures de protection instaurées par le préfet.
L’article R. 411-17-8 du code de l’environnement prévoit la possibilité de présenter des demandes de dérogation au préfet, lesquelles sont accordées sous conditions prévues par l’article L. 411-2 du même code et après avis du conseil scientifique régional du patrimoine naturel.
L’article L. 411-2 du code de l’environnement prévoit que des dérogations peuvent être accordées:
« à condition qu’il n’existe pas d’autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l’autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle :
a) Dans l’intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ;
b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ;
c) Dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ;
d) A des fins de recherche et d’éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ;
e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d’un nombre limité et spécifié de certains spécimens. »
En cas de non-respect de ces conditions, le préfet pourra suspendre ou retirer la dérogation accordée.
II. L’exemple de la création de la zone de protection d’habitats naturels du Mont-Blanc-Site d’exception
Le 1er octobre 2020, à l’occasion de la visite de Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique chargée de la Biodiversité, ont été signés deux arrêtés.
La préfecture fait état de pressions croissantes liées à la sur-fréquentation et d’une recrudescence de comportements inadaptés et d’incivilités, menaçant le site du Mont-Blanc.
Dans ce contexte, et en plus du classement du site parmi « les sites de caractère pittoresque », il a été décidé de renforcer sa protection par l’usage du dispositif des arrêtés de protection des habitats naturels afin de réglementer sa fréquentation ainsi que les activités pouvant y être pratiquées.
D’une part, l’arrêté du 1er octobre n°DDT-2020-1132 créé la zone de protection d’habitats naturels du Mont-Blanc d’une superficie de 3175 hectares et qui s’étend sur les communes de Chamonix-Mont-Blanc, Saint-Gervais et les Houches.
Il prévoit également de nombreuses interdictions sur le périmètre de l’ensemble du site pour certaines et uniquement sur celui de la zone centrale pour d’autres.
Il est notamment interdit sur le périmètre de l’ensemble du site de:
- pénétrer sur le site avec tout type de véhicules (à moteur ou non-motorisés)
- de laisser pénétrer des animaux domestiques, à l’exception des animaux tenus en laisse sur les itinéraires
- de randonnées au sein des zones de transitions
- de cheminer le long de la voie du tramway du Mont-Blanc
- de bivouaquer, sauf en cas de force majeure, sur l’itinéraire et à proximité de la voie normale d’accès au Mont-Blanc par Saint-Gervais-les-Bains, en raison de la présence de plusieurs refuges sur cet itinéraires.
D’autre part, l’arrêté n°DDT-2020-1133 créé un comité de suivi ayant pour rôle d’informer les usagers de l’APHN du Mont-Blanc-Site d’exception, des mesures prises et d’échanger sur l’évolution des milieux, la fréquentation du site et les pratiques. Ce comité a également la possibilité de proposer des améliorations ou des adaptations des mesures de protections prévues par l’arrêté.
Lara Wissaad
Juriste- Cabinet Gossement Avocats
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