En bref
Eolien : Gossement Avocats défend la société BayWa r.e. et obtient le rejet de recours dirigés contre un parc éolien devant la Cour administrative d’appel de Lyon
Solaire : publication du décret du 3 décembre 2024 précisant les caractéristiques des panneaux solaires photovoltaïques permettant le report de l‘obligation de solarisation de certains parkings
Hydroélectricité : modifications des modalités d’expérimentation du dispositif du médiateur
Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) : Modification des dispositions relatives à l’élaboration, la modification et la révision des SAGE
Certificats d’économies d’énergie : la loi « énergie-climat » renforce la lutte contre les fraudes
La loi « énergie-climat », adoptée en dernière lecture le 11 septembre 2019, comporte plusieurs articles – 5, 5bis A et 5 bis – consacrés aux certificats d’économies d’énergie. La première version du texte a largement été étoffée. Présentation.
I. L’historique du projet de loi
Le dépôt du projet de loi
Le Gouvernement est parti du constat que le dispositif des Certificats d’Economies d’Energie (CEE) constitue l’un des principaux instruments de la politique de maîtrise de la demande énergétique, en imposant aux fournisseurs d’énergie la réalisation d’opérations d’économies d’énergie. Il constitue également une manne financière importante, donnant lieu à de nombreuses manœuvres frauduleuses, dénoncées notamment par la Cour des comptes en 2013 (travaux fictifs ou non-conformes aux prescriptions réglementaires, travaux d’économies d’énergie surévalués ou valorisés plusieurs fois etc.).
L’article 5 du projet a donc pour objectif de renforcer la lutte contre les fraudes aux CEE en :
– accélérant les procédures de contrôles par le PNCEE et en les adaptant (notamment en supprimant la procédure de mise en demeure pour les manquements qui ne portent pas sur les obligations déclaratives) afin d’améliorer l’efficacité de l’administration et sa réactivité en cas de manquements ;
– clarifiant le cadre procédural applicable aux échanges d’informations entre les services de l’administration, car la fraude aux CEE concerne aussi le domaine fiscal, social.
Les travaux parlementaires
La Commission des affaires économiques a adopté un texte le 20 juin 2019 modifié, notamment, eu égard aux observations du Conseil d’Etat. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, saisie pour avis, « s’est montrée convaincue » de la pertinence du renforcement de la lutte contre la fraude sur les certificats d’économies d’énergie et a émis un avis favorable à l’adoption de ce dernier sans modification.
Le 28 juin 2019, l’Assemblée nationale a adopté un texte relatif au CEE reprenant le texte des articles 5 et 5 bis rédigé par la commission avec quelques modifications à la marge.
Le Sénat s’est prononcé et a adopté un texte le 18 juillet 2019.
Le texte final a été arrêté par la commission mixte paritaire le 25 juillet 2019 et adopté définitivement par l’Assemblée nationale le 11 septembre dernier.
II. Les apports de la loi au dispositif des certificats d’économies d’énergie
L’article 5 de la loi
Le renforcement de la lutte contre les CEE frauduleux est assuré ante et post délivrance des CEE par :
– un contrôle des opérations d’économies d’énergie « préventif » sur place ou par contact avec les bénéficiaires aux frais du demandeur, par lui-même ou par un organisme d’inspection. Chaque opération contrôlée donne lieu à un rapport tenu à la disposition de l’administration. Le référentiel d’accréditation et le pourcentage d’opérations devant faire l’objet d’un contrôle sur les lieux des opérations ou à distance seront précisés par arrêté (alinéas 6 à 9).
Cette disposition a été adoptée afin de lutter contre le risque de travaux fictifs. Elle doit permettre d’assurer, avant toute délivrance de CEE, la réalité des opérations d’économies d’énergie dont il est demandé la valorisation et le respect des exigences réglementaires applicables. Cette pratique de plus en plus mise en place par les acteurs du dispositif de façon volontaire ou dans le cadre du dispositif « Coup de pouce » rencontre déjà un problème pratique : les organismes accrédités manquent d’effectifs pour répondre à la demande.
– la limitation de la procédure de mise en demeure aux manquements portant sur les obligations déclaratives :
« [En cas de manquement aux obligations déclaratives,] le ministre met l’intéressé en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai déterminé. Il peut rendre publique cette mise en demeure. Lorsque l’intéressé ne se conforme pas dans les délais fixés à cette mise en demeure, [ou lorsque les certificats d’économies d’énergie lui ont été indûment délivrés] le ministre chargé de l’énergie peut (…) ».
Cette disposition envisagée dès la première version du texte a été conservée en l’état. Il a été admis que ces nouvelles précisions étaient cohérentes avec le contrôle post délivrance des Certificats. En effet, le Conseil d’Etat relève que « pour de tels manquements, le demandeur de certificats n’est en tout état de cause pas susceptible de se conformer à ses obligations a posteriori » (alinéa 19 à 21).
– l’augmentation du montant de la sanction pécuniaire si le demandeur ne se conforme pas à la mise en demeure du ministre en charge de l’énergie. Jusqu’à présent, la pénalité ne pouvait excéder 2 % du chiffre d’affaires HT du dernier exercice clos, porté à 4 % en cas de nouveau manquement à la même obligation. Désormais, les pourcentages passent à 4 et 6 % (alinéa 22).
– un contrôle post sanction par un organisme tiers. Lorsque le contrôle à l’origine d’une sanction prise en application de l’article L. 222-2 du code de l’énergie met en évidence un taux de manquement supérieur à 10 % pour le volume de certificats d’économies d’énergie contrôlé, le ministre chargé de l’énergie peut obliger l’intéressé sanctionné à procéder à des vérifications supplémentaires. Ces vérifications sont réalisées aux frais de l’intéressé et par un organisme d’inspection accrédité qu’il choisit.
Cet article a été l’objet des principales critiques du Conseil d’Etat dans son avis du 25 avril 2019, aux motifs que n’étaient pas précisés, entre autres, l’objet du contrôle, les pouvoirs de l’organisme tiers, les obligations de la personne contrôlée. Le nouvel article L. 222-2-1 du code de l’énergie comble ces lacunes en précisant que le champ d’application du contrôle. Il ne concerne que les opérations ayant fait l’objet d’une demande de CEE au cours des 24 mois précédant la décision de l’administration et celles faisant l’objet d’une demande de CEE au cours de 12 derniers mois. Il précise également les obligations de la personne contrôlée et de l’organisme d’inspection. Ce dernier établit un rapport sur les pièces remises par l’intéressé (alinéas 24 à 33).
– une augmentation de trois à six ans du délai de saisine du ministre à fins de sanctions aux manquements au dispositif. Il convient de rappeler que cet article ne s’applique pas au cas de fraude, puisque dans ce cas, l’administration peut retirer les CEE à n’importe quel moment (alinéa 34).
Cet amendement met en cohérence les délais de saisine du ministre à fins de sanctions aux manquements aux dispositifs des certificats d’économie d’énergie avec l’augmentation de 3 à 6 ans des délais de prescription de l’action publique des délits issue de la loi du 27 février 2017.
– l’échange d’informations entre administrations (alinéas 35 à 37).
Le nouvel article L. 222-10 du code de l’énergie, prévu dès l’origine du projet de loi, a pour objectif de clarifier et sécuriser le cadre juridique applicable aux échanges d’informations entre administrations. Il a été ajouté par la suite l’alinéa 37 pour renforcer davantage la sécurité juridique de ces échanges. Cet alinéa prévoit que « Les informations ainsi obtenues ont la même valeur que les données détenues en propre. ».
– l’amélioration de la qualité de la certification RGE.
L’amélioration de la qualité de la certification RGE passe par une obligation imposée aux obligés de signalement de tout manquement constaté aux règles de la qualification commis par une entreprise RGE réalisant des prestations liées à la rénovation ou à l’efficacité énergétique (alinéas 16 à 18). Bien que l’article soit rédigé sous forme d’obligation pour les obligés, nous notons que le défaut de signalement n’est assorti d’aucune sanction, contrairement à ce que préconisait le Sénat. Elle passe également par la possibilité octroyée à l’administration de signaler aux organismes délivrant une certification tout élément susceptible de constituer des non-conformités manifestes aux règles de certification (alinéas 38 et 39).
Ces signalements permettront aux organismes de qualification de mener les investigations appropriées pouvant déboucher, le cas échéant, sur le retrait de la labélisation RGE d’un professionnel.
Outre un renforcement des contrôles et des sanctions, il a été prévu de limiter la spéculation sur le marché des CEE par :
– une évaluation quinquennale du volume de gisement de CEE par l’ADEME (alinéas 2 à 5). Selon les sénateurs qui ont proposé cet amendement, « ce mécanisme permettra à la fois de légitimer et d’optimiser l’effort collectif en faveur des économies d’énergie et notamment d’éviter, par la tension excessive qui serait créée sur le marché des CEE, une augmentation artificielle du prix des CEE, répercutée sur les ménages, qui serait sans lien avec les gains obtenus grâce aux économies d’énergie réalisées ».
– une publication plus fréquente du prix des CEE vendus (mensuelle) et du volume de CEE délivrés (tous les 6 mois contre 1 fois par an) (alinéas 10 à 12).
La publication mensuelle du prix est en effet essentielle pour contribuer à la transparence sur le marché des CEE.
– la réduction de la durée de vie des certificats (alinéas 13 à 15).
L’article L. 221-12 du code de l’énergie prévoit qu’un décret précise la durée de validité des certificats d’économies d’énergie ne peut être inférieure à cinq ans.
Cette durée de vie a été fixée, par décret, à dix ans. Or, le législateur a considéré que cette durée peut potentiellement engendrer de la spéculation néfaste au système. Les acteurs obligés, éligibles ou délégataires peuvent notamment être tentés de conserver leurs certificats dans l’espoir de pouvoir les revendre plus cher plus tard. Désormais la durée de vie des CEE ne pourra excéder la fin de la période suivant celle au cours de laquelle ils ont été délivrés.
L’article 5 bis A
La contribution à des programmes de rénovation des bâtiments au bénéfice des collectivités territoriales peut désormais donner également lieu à la délivrance de certificats d’économies d’énergie
L’article 5 bis
L’article 5 bis de la loi crée un nouvel article L. 221-7-1 du code de l’énergie et modifie l’article suivant afin d’assurer une meilleure articulation entre l’objectif d’économies d’énergie des CEE et celui d’une baisse des émissions de gaz à effet de serre.
Le nouvel article L. 221-7-1 du code de l’énergie dispose : « Les opérations d’économies d’énergie qui conduisent à une hausse des émissions de gaz à effet de serre ne donnent pas lieu à la délivrance de certificats d’économies d’énergie. »
L’article L. 221-8 du code de l’énergie est modifié comme suit :
« Les certificats d’économies d’énergie sont des biens meubles négociables, dont l’unité de compte est le kilowattheure d’énergie finale économisé. Ils peuvent être détenus, acquis ou cédés par toute personne mentionnée aux 1° à 6° de l’article L. 221-7 ou par toute autre personne morale. Le nombre d’unités de compte est fonction des caractéristiques des biens, équipements, services, processus ou procédés utilisés pour réaliser les économies d’énergie et de l’état de leurs marchés à une date de référence fixe. Il peut être pondéré en fonction de la nature des bénéficiaires des économies d’énergie, de la nature des actions d’économies d’énergie, [des émissions de gaz à effet de serre évitées] et de la situation énergétique de la zone géographique où les économies sont réalisées. »
Emilie Bertaina
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