En bref
Hydroélectricité : Modifications des modalités d’expérimentation du dispositif du médiateur
Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) : Modification des dispositions relatives à l’élaboration, la modification et la révision des SAGE
Déchets : Assouplissement des conditions pour la reprise des déchets de construction par les distributeurs
Certificats d’économie d’énergie : Publication au JO de ce jour de l’arrêté du 18 novembre 2024 modifiant plusieurs textes règlementaires relatifs aux opérations standardisées d’économie d’énergie
Dérogation espèces protégées : le risque pour l’état de conservation des espèces protégées doit être suffisamment caractérisé « dés l’origine » et tenir compte du classement de l’Union internationale pour la conservation de la nature (CE, 30 mai 2024, n°465464 et 474077)
Résumé
1. Le risque pour l’état de conservation d’une espèce protégée doit être suffisamment caractérisé « dés l’origine », avant la mise en service de l’installation concernée. Par une décision n°474077 du 30 mai 2024, le Conseil d’État a jugé que le « risque suffisamment caractérisé » doit être caractérisé avec rigueur par le pétitionnaire, dans son étude d’impact, « dés l’origine » c’est à dire avant et non après la mise en service de l’installation concernée. L’administration puis le juge ne peuvent se borner à vérifier que ce risque sera évalué plus tard et fera l’objet de mesures correctives en tant que de besoin.
2. Le risque doit être suffisamment caractérisé en tenant compte du classement UICN des espèces protégées. Par une décision n°465464 du 30 mai 2024, le Conseil d’Etat a précisé que la cour administrative d’appel dont l’arrêt était l’objet d’un pourvoi, aurait dû tenir compte du classement UICN d’une espèce protégée, produit devant elle, sans se borner au classement régional, plus rassurant. Comme nous le verrons ci-aprés, la portée de cette décision du Conseil d’Etat doit toutefois être analysée avec prudence.
Pour mémoire, le principe d’interdiction du patrimoine naturel protégé est inscrit à l’article L.411-1 du code de l’environnement. Aux termes de ces dispositions, les destinataires de ce principe d’interdiction de destruction sont :
– La justification de la dérogation par l’un des cinq motifs énumérés au nombre desquels figure « c) (…) l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou (pour) d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et (pour) des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement« .
Par un avis n°463563 du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat, à la demande de la cour administrative d’appel de Douai, a précisé son interprétation des dispositions du droit positif relatives aux conditions (cf. notre commentaire de cet avis) :
S’agissant des conditions de déclenchement de l’obligation de dépôt d’une demande de dérogation, le Conseil d’Etat a précisé que celles-ci sont cumulatives et doivent être appréciées successivement.
– S’agissant de la première condition relative à l’espèce protégée en cause : le pétitionnaire puis l’administration doivent vérifier si « des spécimens de l’espèce concernée sont présents dans la zone du projet ». Cet examen ne doit porter, ni sur le « nombre de ces spécimens », ni sur leur « état de conservation ».
– S’agissant de la deuxième condition relative à la nature du risque d’atteinte à l’état de conservation de l’espèce protégée : l’administration doit prendre en compte l’existence du « risque suffisamment caractérisé » au regard des mesures d’évitement et de réduction proposées par le pétitionnaire. Ces mesures doivent présenter deux caractéristiques : elles doivent présenter des « garanties d’effectivité » et permettre de « diminuer le risque ».
Le risque doit être suffisamment caractérisé « dès l’origine » (CE, 30 mai 2024, n°474077). Par une décision n°474077 du 30 mai 2024, le Conseil d’État a jugé que le « risque suffisamment caractérisé » doit être caractérisé avec rigueur par le pétitionnaire, dans son étude d’impact, dés l’origine c’est à dire avant et non après la mise en service de l’installation concernée. L’administration puis le juge ne peuvent se borner à vérifier que ce risque sera évalué plus tard et fera l’objet de mesures correctives en tant que de besoin. La décision rendue ce 30 mai 2024 précise en effet :
« 5. En estimant, pour juger que le pétitionnaire n’était pas tenu de présenter la demande de dérogation prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, que le busard cendré était une espèce protégée considérée comme » nicheur quasi-menacé au niveau national » et comme seulement » vulnérable » en Nord-Pas-de-Calais alors que celui-ci figure sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de l’Union internationale pour la conservation de la nature, qui avait été produite devant elle, parmi les espèces » en danger critique d’extinction » sur cette partie du territoire, la cour administrative d’appel a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis. » (nous soulignons)
Un risque à apprécier en tenant compte des mesures d’évitement et de réduction proposées par le pétitionnaire. Conformément aux termes de son avis du 9 décembre 2024, le Conseil d’Etat a confirmé par la suite que l’administration puis le juge doivent tenir compte des mesures d’évitement et de réduction – et non de compensation – proposées par le pétitionnaire. A titre d’exemple, par une décision n°465464 du 30 mai 2024, le Conseil d’Etat a souligné que, lorsqu’elles présentent « des garanties d’effectivité », ces mesures peuvent avoir pour conséquence que le risque n’est plus suffisamment caractérisé. De telle sorte que le porteur de projet n’est plus tenu de solliciter une dérogation :
« 4. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation » espèces protégées » si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l’hypothèse où les mesures d’évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l’administration, des garanties d’effectivité telles qu’elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu’il apparaisse comme n’étant pas suffisamment caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter cette dérogation.«
Un risque d’évènement négatif (CE, 17 février 2023, n°460798). Par une décision en date du 17 février 2023, le Conseil d’Etat a précisé le contenu du terme « risque ». Tout risque – positif ou négatif – ne déclenche pas l’obligation de dépôt : une seule hypothèse de réalisation d’un évènement ne suffit pas à identifier un « risque suffisamment caractérisé ». Le risque à considérer doit être un risque d’évènement négatif. Le Conseil d’Etat a fait ici état du « risque de collision » et du terme « impact ». Le risque d’un évènement négatif pour la conservation de l’espèce doit être suffisamment caractérisé c’est à dire au moins « faible à modéré ». Un risque qui serait purement théorique, sans aucune donnée permettant de savoir si l’impact procédant de sa réalisation pourrait avoir un quelconque effet pour la conservation de l’espèce ne correspond pas à un risque suffisamment caractérisé.
Le « risque suffisamment caractérisé » doit être distingué du « risque négligeable » (CE, 6 décembre 2023, n°466696). Par une décision n°466696 rendue le 6 décembre 2023 dans une affaire relative à un projet de parc éolien, le Conseil d’Etat a apporté une précision importante quant au contenu des conditions d’octroi par le préfet, d’une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées. Le risque à prendre en compte n’est pas le « risque négligeable » mais bien le « risque suffisamment caractérisé » d’atteinte à l’état de conservation favorable de l’espèce protégée concernée. Une confirmation des termes de son avis du 9 décembre 2022. La décision rendue le 6 décembre 2023 précise en effet :
« 7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu’en jugeant que l’autorisation litigieuse était illégale, faute de comporter la dérogation prévue par l’article L. 411-2 du code de l’environnement, au motif qu’il ne résultait pas de l’instruction que les mesures prévues par le pétitionnaire ou imposées par le préfet auraient été de nature à réduire à un niveau négligeable le risque que présentait le projet pour certaines espèces protégées alors qu’il lui appartenait d’apprécier si ce risque était suffisamment caractérisé, la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit. »
Arnaud Gossement
A lire également :
Note du 23 octobre 2023 – Dérogation espèces protégées : la mesure de régularisation peut faire l’objet d’un sursis à exécution si elle est de nature à générer un retard ou un surcoût (Conseil d’Etat, 3 octobre 2023, n°474381)
Note du 10 mars 2023 – Dérogation espèces protégées : la production d’énergies renouvelables et le développement des capacités de stockage d’énergie correspondent à l »objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement » (Conseil constitutionnel, 9 mars 2023, loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, n°2023-848 DC)
Note du 1er janvier 2023 – Dérogation espèces protégées : les suites données par les juridictions administratives à l’avis du Conseil d’Etat du 9 décembre 2022
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
Mode durable : les projets de textes sur le coût environnemental des textiles
Le ministère de la transition écologique procède actuellement à l'élaboration de deux textes réglementaires destinés à organiser le calcul et la communication du coût environnemental des produits textiles. Un dispositif - obligatoire et volontaire - qui procède de la...
Dérogation espèces protégées : le dispositif de la loi « industrie verte » est-il conforme à la Constitution ?
Par une décision n°497567 du 9 décembre 2024, le Conseil d'Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à la procédure de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées. Plus précisément, le Conseil...
Energie : le déplafonnement total du reversement de la prime négative du contrat de complément de rémunération est-il conforme à la Constitution ?
Par une décision n°497958 du 6 décembre 2024, le Conseil d'État a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à la conformité à la Constitution de l'article 230 de la loi de finances pour 2024, lequel impose le...
Débat public : le Gouvernement propose d’en dispenser les grands projets industriels
Avant sa démission, le Gouvernement a ouvert, du 4 au 27 décembre 2024, une consultation du public sur le projet de décret relatif à la suppression de l'obligation, pour les porteurs de grands projets d'équipements industriels, de les soumettre à l'organisation d'un...
Climat : début des auditions devant la Cour internationale de justice
Dans le cadre de l'instruction de la demande d'avis consultatif relative aux obligations des États en matière de changement climatique, la Cour internationale de Justice tient, du lundi 2 au vendredi 13 décembre 2024 des audiences publiques, au cours desquelles les...
Autorisation environnementale : précisions sur l’affichage de l’avis de consultation du public (arrêté du 18 novembre 2024)
La ministre de la transition écologique a publié au journal officiel du 29 novembre 2024, l'arrêté du 18 novembre 2024 modifiant l'arrêté du 9 septembre 2021 relatif à l'affichage des avis d'enquête publique, de participation du public par voie électronique et de...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.