En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Recours des associations : le Conseil constitutionnel admet une nouvelle restriction du droit au recours des associations contre des autorisations d’urbanisme (CC, 1er avril 2022, Association La Sphinx, QPC n°2022-986)
Par une décision QPC n°2022-986 du 1er avril 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme, telles que modifiées par par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique. Le Conseil constitutionnel admet ainsi cette nouvelle limitation du droit au recours des associations contre des autorisations d’urbanisme.
Résumé
- Par une décision QPC n°2022-986 du 1er avril 2022 (« Association La Sphinx »), le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution la modification de la rédaction de l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
- Cette modification avait pour objet de limiter davantage le droit au recours de certaines associations contre des autorisations d’urbanisme.
- Par une décision n° 2011-138 QPC du 17 juin 2011 (« Association Vivraviry »), le Conseil constitutionnel avait déjà déclaré conforme à la Constitution, l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme dans sa première rédaction issue de l’article 14 de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.
- De manière générale la motivation de ces décisions QPC est assez sommaire de telle sorte qu’il est délicat d’identifier les raisons précises pour lesquelles le Conseil constitutionnel a considéré que l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme ne porte pas une atteinte « disproportionnée » au droit au recours.
- Enfin, il n’est pas certain, contrairement à ce que semble considérer le Conseil constitutionnel, que la règle de l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme soit la mesure la plus pertinente pour améliorer l’instruction et la sécurité juridique des projets.
Analyse
I. La première limitation du droit au recours des associations par le législateur
L’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme :
- a été créé à l’article 14 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement ;
- a fait l’objet d’une première QPC, écartée par le Conseil constitutionnel par une décision QPC n°2011-138 du 17 juin 2011, (« Association Vivraviry ») ;
- a été modifié à l’article 80 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique ;
- a fait l’objet d’une deuxième QPC, également écartée par le Conseil constitutionnel, par une décision QPC n°2022-986 du 1er avril 2022 (« Association La Sphinx »).
L’article 14 de la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement. Dans sa rédaction issue de cet article, l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme précisait :
« Une association n’est recevable à agir contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire.«
Par cette disposition, le législateur a ainsi créé une nouvelle condition de recevabilité du recours formé par une association contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation des sols. Désormais, ce recours ne sera jugé recevable qu’à la condition que les statuts de l’association en préfecture aient été déposés en préfecture antérieurement à l’affichage en mairie de la demande d’autorisation d’urbanisme contestée.
- La première est la liberté d’association : « 3. Considérant, en premier lieu, que la liberté d’association est au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le Préambule de la Constitution ; qu’en vertu de ce principe, les associations se constituent librement et peuvent être rendues publiques sous la seule réserve du dépôt d’une déclaration préalable ; qu’ainsi, à l’exception des mesures susceptibles d’être prises à l’égard de catégories particulières d’associations, la constitution d’associations, alors même qu’elles paraîtraient entachées de nullité ou auraient un objet illicite, ne peut être soumise pour sa validité à l’intervention préalable de l’autorité administrative ou même de l’autorité judiciaire ; «
- La deuxième est le droit au recours juridictionnel effectif : « 4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution » ; qu’est garanti par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif ;«
- La troisième est le principe d’égalité : « 5. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. »
Le Conseil constitutionnel a ensuite précisé quel était le but poursuivi par le législateur : « 6. Considérant qu’en adoptant l’article L. 600-1-1 du code de l’urbanisme, le législateur a souhaité empêcher les associations, qui se créent aux seules fins de s’opposer aux décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation des sols, de contester celles-ci ; qu’ainsi, il a entendu limiter le risque d’insécurité juridique. »
Cette interprétation est intéressante à deux titres :
- d’une part, elle signifie que, pour le législateur, rien ne s’oppose à créer ainsi deux catégories d’associations. La première serait constituée des associations « généralistes » qui n’ont pas pour objet de s’opposer à un projet en particulier. Ces associations seraient ainsi légitimes et plus facilement recevables à former des recours. La deuxième catégorie serait constituée
- d’autre part, elle signifie aussi que le législateur établit un lien clair entre le droit au recours des associations et le « risque d’insécurité juridique » des pétitionnaires. En réalité, le législateur a manifestement considéré que le droit au recours des associations peut être contraire au droit à la sécurité juridique des pétitionnaires.
Pour le Conseil constitutionnel, l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme n’est pas contraire à la Constitutionnel au motif qu’il ne porte pas une atteinte « substantielle » au droit au recours des associations, à la liberté d’association ou au principe d’égalité :
- seules certaines associations sont concernées : les associations formées « tardivement » seront irrecevables à agir devant le juge administratif
- seules certaines décisions sont concernées : les décisions individuelles relatives à l’occupation ou à l’utilisation des sols
- les membres de cette association peuvent toujours exercer leur droit au recours à titre individuel.
Cette modification de la rédaction de l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme a donc pour objet de rendre irrecevables les recours formés par les associations dont les statuts ont été déposés moins d’un an avant l’affichage de la demande d’autorisation. Cette condition nouvelle de recevabilité du recours est bien entendu particulièrement contraignante et a pour finalité d’écarter les recours des associations créées spécialement à l’occasion d’une opposition à un projet.
A l’identique de sa première analyse contenue dans sa décision QPC du 17 juin 2011, le Conseil constitutionnel établit ici un lien entre limitation du droit au recours et augmentation de la sécurité juridique. Ce lien pourrait cependant être questionné. Quant à savoir s’il existe un « risque particulier » relatif aux autorisations d’urbanisme, rien ne permet à notre sens de l’établir. Le recours dirigé contre une autorisation de défrichement ou une autorisation environnementale créé lui aussi un risque – comme tout recours – pour l’autorisation contestée.
Malheureusement la motivation de ces deux décisions QPC du Conseil constitutionnel est si courte qu’il est délicat de bien comprendre les motifs exacts qui ont conduit le Conseil constitutionnel à ce résultat.
- La règle définie à l’article L.600-1-1 du code de l’urbanisme peut être aisément contournée : il suffit que l’un des membres de l’association forme un recours en annulation en son nom propre. L’intérêt à agir de cette personne physique sera apprécié de manière plus souple. Au demeurant, on rappellera qu’aux termes de sa décision QPC du 2011-138 du 17 juin 2011
- Cette règle ne vaut que pour les décisions relevant du droit de l’urbanisme. Pour les projets appelant des décisions relevant, par exemple, du droit de l’environnement, bien d’autres recours seront possibles.
- D’autres mesures seraient utiles pour limiter les recours abusifs à commencer par la formulation en droit d’une définition précise de ce qu’est le « recours abusif » à supposer qu’il ne s’agisse pas uniquement de l’abus du droit d’ester en justice d’ores et déjà sanctionné par l le juge judiciaire.
- Surtout, d’autres mesures seraient précieuses pour réduire la durée d’autorisation des projets et leur sécurité juridique, dont les suivantes : un droit plus simple, moins instable et mieux rédigé ; un renforcement des effectifs des administrations en charge d’instruire les demandes d’autorisation ; une réduction de la durée des procédures devant le juge administratif grâce notamment au recours plus fréquent aux ordonnances de tri qui permettent d’écarter rapidement des recours manifestement irrecevables pour des raisons aussi évidentes que le dépassement d’un délai ou l’oubli d’une formalité de notification.
Avocat associé – docteur en droit
Professeur associé à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
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