La création de l’action de groupe en matière environnementale

Oct 18, 2016 | Environnement

L’Assemblée nationale a définitivement adopté le 12 octobre 2016 le projet de loi de modernisation de la justice du XXIe siècle. Cette loi, très attendue, crée un cadre légal commun aux actions de groupe en matière judiciaire et administrative. Elle répond à une recommandation de la Commission européenne publiée le 11 juin 2013. Une disposition spécifique prévoit que l’action de groupe est ouverte, sous conditions, en matière environnementale.

 1. L’objet et les conditions de l’action de groupe en matière environnementale

La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, telle qu’adoptée par l’Assemblée Nationale, ouvre la voie de l’action de groupe, voie procédurale permettant à un requérant d’exercer au nom de plusieurs personnes une action en justice.

La loi prévoit notamment que des actions de groupes pourront être formées à l’encontre des auteurs d’un dommage environnemental, sur le fondement d’un nouvel article L. 142-3-1 du code de l’environnement.

« I. – Sous réserve du présent article, le chapitre Ier du titre V de la loi n° du de modernisation de la justice du XXIe siècle et le chapitre X du titre VII du livre VII du code de justice administrative s’appliquent à l’action ouverte sur le fondement du présent article.

« II. – Lorsque plusieurs personnes placées dans une situation similaire subissent des préjudices résultant d’un dommage dans les domaines mentionnés à l’article L. 142-2 du présent code, causé par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée devant une juridiction civile ou administrative.

« III. – Cette action peut tendre à la cessation du manquement, à la réparation des préjudices corporels et matériels résultant du dommage causé à l’environnement ou à ces deux fins.

« IV. – Peuvent seules exercer cette action :

« 1° Les associations, agréées dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, dont l’objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages corporels ou la défense des intérêts économiques de leurs membres ;

« 2° Les associations de protection de l’environnement agréées en application de l’article L. 141-1. » (art. 89 de la loi).« 

a) les domaines couverts par l’action de groupe en matière environnementale

L’action est ouverte aux personnes se prévalant d’un préjudice résultant d’un dommage « dans les domaines mentionnés à l’article L. 142-2 du présent code ».

Pour mémoire, l’article L. 142-2 du code de l’environnement, dans sa dernière rédaction, prévoit que

« Les associations agréées mentionnées à l’article L. 141-2 peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet de défendre et constituant une infraction aux dispositions législatives relatives à la protection de la nature et de l’environnement, à l’amélioration du cadre de vie, à la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, à l’urbanisme, à la pêche maritime ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances, la sûreté nucléaire et la radioprotection, les pratiques commerciales et les publicités trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques et publicités comportent des indications environnementales ainsi qu’aux textes pris pour leur application.
Ce droit est également reconnu, sous les mêmes conditions, aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et qui se proposent, par leurs statuts, la sauvegarde de tout ou partie des intérêts visés à l’article L. 211-1, en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux dispositions relatives à l’eau, ou des intérêts visés à l’article L. 511-1, en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux dispositions relatives aux installations classées ».

Le législateur a donc entendu ouvrir largement le champ des domaines couverts par l’action de groupe en matière environnementale.

b) l’objet de l’action de groupe en matière environnementale

L’objet de l’action de groupe en matière environnementale est d’obtenir

  • la cessation du manquement,
  • la réparation des préjudices résultant du dommage causé à l’environnement,
  • ces deux fins.

c) les conditions de l’action de groupe en matière environnementale

L’article L. 142-3-1 du code de l’environnement définit les conditions requises pour engager une action commune en matière environnementale.

Ainsi, l’action de groupe en matière environnementale suppose que :

  • plusieurs personnes placées dans une situation similaire subissent un préjudice résultant d’un dommage environnemental,
  • le dommage soit causé par une même personne,
  • le dommage ait pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles.

Ainsi, l’engagement de l’action de groupe est subordonné à la preuve d’un intérêt commun à agir, d’une identité de cause et d’auteur du dommage.

d) le titulaire de l’action de groupe en matière environnementale

Seules certaines associations agréées pourront exercer une action de groupe. Sont ainsi visées :

  • les associations agréées au titre de la protection de l’environnement ;
  • « Les associations, agréées dans des conditions définies par décret en Conseil d’État, dont l’objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages corporels ou la défense des intérêts économiques de leurs membres ».

e) la compétence des deux ordres de juridiction.

Enfin, l’action de groupe peut être exercée tant devant le juge administratif que le juge judiciaire.

2. La procédure de l’action de groupe en matière environnementale

La procédure applicable à l’action de groupe en matière environnementale est la procédure commune à l’ensemble des matières concernées par l’action de groupe.

La loi introduit des dispositions distinctes, s’agissant de la procédure administrative et de la procédure judiciaire. Les développements ci-dessous s’appliquent aux deux procédures.

a) Procédure de mise en demeure

Sous peine d’irrecevabilité de l’action de groupe, la personne ayant qualité pour agir doit mettre en demeure l’auteur du dommage de cesser ou de faire cesser le manquement ou de réparer les préjudices subis.

L’action de groupe ne peut être introduite qu’à l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la réception de cette mise en demeure.

b) Pouvoirs du juge

Le juge administratif et le juge judiciaire peuvent, selon l’objet de l’action,

  • enjoindre au défendeur de cesser ou de faire cesser le manquement et de prendre, dans un délai qu’il fixe, toutes les mesures utiles à cette fin, au besoin sous peine d’astreinte ;
  • statuer sur la responsabilité du défendeur. S’agissant d’une action de groupe, le juge doit identifier le groupe de personnes à l’égard desquelles la responsabilité du défendeur est engagée. Deux procédures de réparation des préjudices, individuelle ou collective, sont prévues par la loi.

c) Procédure de médiation

La loi envisage de recourir à la médiation, dans le cadre des procédures administrative et judiciaire, afin de permettre aux associations agréées de négocier la réparation des préjudices individuels auprès de l’auteur du dommage.

d) Conséquences sur les actions individuelles

La loi précise enfin les conséquences de l’action de groupe sur les actions individuelles.

  • l’action de groupe a pour effet de suspendre les actions individuelles ;
  • la décision du juge, résultant de l’action de groupe en réparation du préjudice, a autorité de chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé ;

L’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n’entrant pas dans le champ défini par le jugement.

Margaux Caréna

Avocate

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