Plastique : le Conseil d’Etat annule le décret n°2021-1318 du 8 octobre 2021 relatif à l’obligation de présentation à la vente des fruits et légumes frais non transformés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique (Conseil d’Etat, 9 décembre 2022, n°458440 et s)

Déc 12, 2022 | Environnement

Pour mémoire, l’article L. 541-15-10 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’article 77 de la loi « AGEC » du 10 février 2020, prévoit que les fruits et légumes frais non transformés doivent être commercialisés sans conditionnement composé pour tout ou partie de matière plastique (cf. alinéa 16 du III de l’article L. 541-15-10). Sont notamment exemptés de cette obligation « les fruits et légumes présentant un risque de détérioration lors de leur vente en vrac dont la liste est fixée par décret ». C’est précisément l’objet du décret n°2021-1318 du 8 octobre 2021, dont les dispositions ont été annulées par le Conseil d’Etat, aux termes de l’arrêt du 9 décembre 2022, n°458440, 453932, 459387, 459398.

Les dispositions du décret du 8 octobre 2021 ont été codifiées à l’article D. 541-334 du code de l’environnement. Celui-ci :

  • définit les termes « Fruits et légumes », « Fruits et légumes frais non transformés », « Conditionnement » et « Matière plastique » (cf. article D. 541-334, I)
  • diste les fruits et légumes exemptés de l’obligation de vente sans conditionnement en plastique (cf. article D. 541-334, II) ;
  • fixe des dispositions transitoires afin de permettre « l’écoulement des stocks d’emballage ».

Plusieurs requérants ont contesté la légalité du décret du 8 octobre 2021. Ils soutenaient notamment que les dispositions du décret attaqué seraient illégales dès l’instant où le décret prévoit, à terme, d’interdire des conditionnements en plastique pour tous les fruits et légumes frais non transformés, alors que le législateur avait en particulier exclu de cette interdiction ceux qui présentent un risque de détérioration.

Aux termes de la décision commentée du 9 décembre 2022, le Conseil d’Etat a jugé que le décret a, en effet, méconnu les dispositions prévues à l’article L. 541-15-10 et, par voie de conséquence, l’a annulé.

Après avoir rappelé le cadre juridique du litige et plus particulièrement, les dispositions prévues aux articles L. 541-15-10 et D. 541-334 du code de l’environnement, la Haute juridiction relève que le législateur s’est borné à confier au pouvoir règlementaire le soin de fixer la liste des fruits et légumes qui devaient être exemptés « à titre permanent » de l’interdiction d’utiliser un conditionnement en plastique.

Or, le juge administratif souligne que les dispositions du décret litigieux ont non seulement étendu le champ de l’exemption, en y incluant des fruits et légumes qui ne présentaient pas nécessairement de risque de détérioration, mais elles prévoient, en outre, que de telles exemptions sont « temporaires ». Dans ces conditions, le Conseil d’Etat juge que le pouvoir règlementaire a méconnu les dispositions de l’article L. 541-15-10. Pour justifier l’annulation de l’intégralité des dispositions de l’article R. 541-334 issu du décret attaqué, le juge administratif souligne qu’elles sont « indissociables ». Plus précisément, il relève que le champ d’application des mesures transitoires définies au III « est défini comme portant sur les fruits et légumes qui ne figurent pas dans la liste prévue au II de cet article » et que les définitions fixées au I « ne peuvent recevoir d’application autonome ».

Enfin, le Conseil d’Etat n’a pas considéré qu’il était nécessaire, en l’espèce, de moduler les effets de sa décision dans le temps, en limitant par exemple, les effets de l’annulation que pour l’avenir. L’arrêt souligne sur ce point que « Cette annulation […] n’emporte à elle seule aucune conséquence manifestement excessive au regard de l’intérêt des opérateurs économiques concernés ».

Aux termes de cette décision, le Conseil d’Etat ne se prononce pas directement sur la légalité de l’interdiction des conditionnements en matière plastique des fruits et légumes sur les points de vente, laquelle n’est pas remise en cause. En application de cette décision, l’Etat sera uniquement tenu d’édicter un nouveau décret prévoyant la liste exhaustive des fruits et légumes exemptés de l’interdiction en raison « du risque de détérioration ». Au demeurant, il convient de corréler cette interdiction avec l’objectif de réduction des déchets d’emballage fixée par la proposition de révision de la règlementation européenne sur les emballages et les déchets d’emballage, présentée le 30 novembre dernier par la Commission européenne (article à lire ici).

Emma Babin

Avocate associée

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