Urbanisme : l’intérêt à agir des voisins immédiats à l’encontre d’un permis de construire modificatif s’apprécie au regard des atteintes résultant des modifications apportées au projet initial par le permis modificatif (Conseil d’Etat)

Oct 25, 2019 | Urbanisme

Par arrêt du 4 octobre 2019 (n° 419820), le Conseil d’Etat rappelle les modalités d’appréciation de l’intérêt à agir du « voisin immédiat » à l’encontre d’un permis de construire modificatif, dans l’hypothèse où le permis initial n’a pas été utilement contesté.

Dans cette affaire, le maire de la commune de V. (Val-de-Marne) a délivré à une société un permis de construire un immeuble d’habitation comprenant cinq logements et huit places de stationnement, par arrêté du 29 avril 2014.

Par arrêté du 25 août 2015, le maire a également accordé un permis de construire modificatif s’agissant de ce même projet. Les modifications envisagées consistaient en la réduction du nombre de logements et des places de stationnement, à la diminution de la surface de plancher, à la modification de certains éléments de façade ainsi qu’à la création de balcons et d’un niveau de sous-sol complémentaire.

Les voisins immédiats ainsi que le syndicat de copropriétaires de l’immeuble voisin ont alors saisi le Tribunal administratif de Melun d’une demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 29 avril 2014 délivrant le permis de construire initial ainsi que de l’arrêté du 25 août 2015 délivrant le permis de construire modificatif.

Par jugement du 16 février 2018, le Tribunal administratif a annulé l’arrêté du 25 août 2015 et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Le bénéficiaire des permis de construire se pourvoit ainsi en cassation contre ce jugement, en tant qu’il annule le permis modificatif.

En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle les dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à l’espèce :

 » Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation. « 

Comme le rappelle ensuite le Conseil d’Etat, cet article impose à tout requérant de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.

En deuxième lieu, le Conseil d’Etat indique également que, dans l’hypothèse où le requérant, sans avoir utilement contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé.

En dernier lieu, le Conseil d’Etat précise que le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.

Sur ce point, la Haute Juridiction rappelle que, eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.

Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat retient que les requérants de première instance ont contesté tardivement le permis initial délivré le 29 avril 2014 et qu’ils devaient, en conséquence, être regardés comme n’ayant pas utilement contesté ce permis.

Dès lors, leur intérêt à agir contre le permis modificatif ne pouvait être apprécié qu’au regard de la portée des modifications que celui-ci, délivré le 25 août 2015, apportait au projet de construction initialement autorisé.

Le Conseil d’Etat juge alors que le Tribunal administratif de Melun a commis une erreur de droit en retenant leur intérêt à agir contre le permis modificatif au motif qu’ils étaient voisins immédiats du projet de construction, et ce alors même que le Tribunal n’a pas recherché si ces atteintes résultaient des modifications apportées au projet initial par le permis modificatif. 

Laura Picavez
Avocate – Cabinet Gossement Avocats

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