En bref
[Soirée débat] 9 décembre 2025 – « Désinformation climatique : le rôle du droit face au brouillage du réel »
Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Véhicules hors d’usage : un projet de décret prévoit de faire évoluer la filière de responsabilité élargie du producteur par la création d’un éco-organisme et d’une contribution financière
Le ministère en charge de l’environnement procède à l’élaboration d’un décret qui aurait pour effet de faire évoluer la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) pour la gestion des véhicules hors d’usage. Les metteurs sur le marché seraient tenus de mettre en place un éco-organisme agréé ou un système individuel approuvé et de contribuer financièrement à ces derniers.
Ce projet de décret relatif à la gestion des véhicules hors d’usage est appelé, une fois publié, à entrer en vigueur au 1er janvier 2017. Il est pour l’heure, composé des projets d’articles suivants :
- Article 1er : création de l’obligation, pour les metteurs sur le marché de véhicules hors d’usage de mettre en place un système individuel approuvé ou un éco-organisme agréé
- Article 2 : possibilité pour un centre VHU agréé de traiter les VHU même en l’absence de carte grise
- Article 3 : possibilité pour les VHU collectés dans les DOM d’être traités hors du territoire européen
- Article 4 : obligation de remettre les véhicules issus des assureurs aux centres VHU
- Article 5 : entrée en vigueur du décret, le 1er janvier 2017.
La genèse du projet de décret. Ce texte intervient à la suite du rapport de M Serge Letchimy, député de la Martinique, remis en 2015 et intitulé : « Accélérer la transition vers l’économie circulaire des départements, régions et collectivités d’Outre-mer (Première phase) Étude des conditions de mise en place d’une économie circulaire pour la filière automobile : pour une optimisation du traitement des véhicules hors d’usage (VHU) ».
Le rapport souligne les difficultés de gestion des VHU Outre-mer et comporte une proposition 6 ainsi libellée : « Instaurer une éco-contribution dans le cadre de la filière REP ». Cette proposition procède à l’état des lieux suivant :
« La filière VHU est une filière à responsabilité élargie du producteur (REP) mais non dotée d’un éco-organisme agréé. Jusqu’à présent, il n’a pas été jugé opportun de créer une éco-contribution ni un éco-organisme, la filière étant censée s’équilibrer économiquement sans apport financier spécifique.
Toutefois, une instance d’évaluation de l’équilibre économique de la filière des véhicules hors d’usage a été prévue à l’article R.543-157-1 du code de l’environnement et mise en place par arrêté publié le 2 septembre 2013 . Elle s’est notamment penchée sur la situation des entreprises de broyage et des centres agréés de VHU. Dans ce cadre, une évaluation économique de la filière de traitement des VHU a été effectuée sur un échantillon de 17 centres VHU agréés dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer. Elle a été confiée dans le cadre d’un marché public à des consultants qui se sont appuyés sur les comptes 2012 pour établir leur diagnostic. Les résultats de cette étude sont les suivants :
- Martinique : aucun des quatre centres audités ne présente un résultat d’exploitation positif sans aide au fret et un seul est bénéficiaire après l’inclusion de ces aides.
- Guadeloupe : le résultat moyen des trois centres visités est positif avec ou sans aides au fret.
- Guyane : le centre a été agréé trop récemment pour pouvoir effectuer un audit complet.
- La Réunion : les centres dégagent un résultat positif.
L’équilibre économique des centres dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer est donc fragile et inégal d’un territoire à l’autre.
Or, l’augmentation des performances de collecte des VHU dans ces territoires pourrait passer par une prime à l’apport des véhicules dans les centres agréés, pour maîtriser les tendances constatées à passer par des filières illégales ou démonter soi-même son véhicule en pièces détachées vendues via internet. Malgré les efforts qui ont été accomplis pour fermer les casses illégales, il semble illusoire de penser que cette économie parallèle puisse être éradiquée par des actions de police.
L’hypothèse dans laquelle cette prime serait à la charge des centres VHU agréés, conduirait à rompre l’équilibre économique actuel de ces centres et se traduirait vraisemblablement par des déficits des comptes de résultats. En revanche, la perception d’éco-contributions, assises sur les ventes de véhicules neufs et d’occasion importés, dont le produit servirait à encourager l’apport des VHU dans les centres agréés, permettrait de mettre en place ce système d’incitations n’affectant pas l’équilibre économique de ces centres.«
La filière de responsabilité élargie du producteur de véhicules. Ainsi que le rappelle le rapport de M Letchimy, il existe d’ores et déjà une filière de responsabilité élargie du producteur de véhicules. Son régime juridique est défini aux articles R.543-153 et suivants du code de l’environnement.
Cette filière concerne les voitures particulières, les camionnettes ainsi que, pour certaines obligations, les cyclomoteurs à trois roues mentionnés à l’article R. 311-1 du code de la route (cf. article R.543-154 du code de l’environnement. L’article R.543-155 du code de l’environnement comporte plusieurs définitions importantes dont celles de « producteurs » :
« 2° Sont considérées comme producteurs les personnes qui construisent des véhicules en France et celles qui, titulaires d’un contrat avec un constructeur étranger, importent ou introduisent en France à titre professionnel des véhicules neufs ;«
Pour l’heure, l’obligation de ces producteurs consiste tout d’abord à mettre en place un réseau de centres VHU (véhicules hors d’usage) agréés :
« I. ― Chaque producteur est tenu de mettre en place, directement ou au travers d’une ou plusieurs entités mandatées par ses soins, un réseau de centres VHU agréés, répartis de manière appropriée sur le territoire national, ayant l’obligation d’accepter, dans les conditions prévues à l’article R. 543-157, tout véhicule hors d’usage remis par un détenteur.
Les producteurs peuvent se regrouper pour remplir collectivement leurs obligations (cf. article R.543-156-1 du code de l’environnement)« .
La création d’un éco-organisme et d’une prime à la reprise Outre-mer. Le projet de décret prévoit, à son article 1er, de structurer la filière de responsabilité élargie du producteur de véhicules à l’article R.543-158 du code de l’environnement.
Cet article serait ainsi rédigé de manière, tout d’abord, à créer l’obligation, pour les metteurs sur le marché de véhicules, de mettre en place un éco-organisme agréé (ou un système individuel approuvé) et de lui verser une contribution financière :
« I. – Les metteurs sur le marché de véhicules sont tenus de pourvoir à la prévention et à la gestion des véhicules hors d’usage en mettant en place, soit un système individuel approuvé par l’Etat, soit un éco-organisme agréé par l’Etat auquel ils adhèrent et versent une contribution financière, dans les conditions définies au II de l’article L. 541-10.
Les obligations des metteurs sur le marché de véhicules sont réparties entre eux au prorata des quantités de véhicules arrivés en fin de vie l’année précédente sur le marché national.«
A ce stade, le projet de décret est sommaire et ne donne pas d’autre indication sur le régime juridique de cet éco-organisme et de cette contribution financière. Pour l’heure, ce texte ne prévoit pas d’obligation de répercussion ou d’affichage (visible du consommateur) d’une éco-contribution sur les voitures particulières et les camionnettes. Les producteurs pourront cependant souhaiter intégrer ladite contribution dans le prix facturé aux consommateurs.
D’autres textes et, bien entendu, le cahier des charges d’approbation des systèmes individues et d’agrément des éco-organismes pour la filière VHU, permettront d’en savoir davantage.
A noter : ce même article R.543-148 précise également certaines des conditions auxquelles devront satisfaire les systèmes individuels pour être approuvés et les éco-organismes pour être agréés :
« II. – Les systèmes individuels ou les éco-organismes sont approuvés ou agréés si les metteurs sur le marché établissent qu’ils disposent des capacités techniques et financières pour répondre aux exigences d’un cahier des charges défini par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement et de l’industrie, qui précise notamment que ceux-ci fournissent aux centres VHU agréés implantés dans les collectivités territoriales d’outre-mer où le code de l’environnement s’applique un soutien financier leur permettant d’encourager l’apport de véhicules hors d’usage dans les centres VHU agréés et d’assurer l’équilibre économique des opérations de traitement ; »
Ces dispositions sont importantes. Les systèmes individuels et les éco-organismes devront « notamment » :
- démontrer leurs capacités techniques et financières pour être approuvés ou agréés ;
- verser aux centres VHU agréés Outre mer un « soutien financier ».
Le traitement des VHU sans carte grise. L’article 2 du projet de décret n’est pas encore rédigé. Il est ainsi intitulé : « Offrir la possibilité pour un centre VHU agréé de traiter les VHU même en l’absence de carte grise ». Cette proposition est également issue du rapport Letchimy).
Le traitement, hors du territoire de l’Union européenne, des VHU collectés dans les DOM. L’article 3 du projet de décret est également issu du rapport Letchimy. Il prévoit d’ajouter un deuxième alinéa ainsi rédigé à l’article R. 543-161 du code de l’environnement :
« Dans les collectivités territoriales d’outre-mer où le code de l’environnement s’applique, les opérations de gestion des composants et des matériaux non dangereux issus des véhicules hors d’usage sont effectuées dans des installations exploitées conformément aux dispositions du titre Ier du présent livre ou dans toute autre installation de traitement autorisée à cet effet dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou dans un pays tiers, dès lors que le transfert transfrontalier des véhicules, de leurs composants et matériaux s’est effectué dans le respect des dispositions du règlement n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets. »
Il convient de bien souligner que cette opération de transfert de déchets devra respecter, notamment, les dispositions du règlement n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets.
Obligation pour les assureurs de remettre les véhicules aux centres VHU. L’article 4 traduit une autre proposition issue du rapport Letchimy. Il prévoit tout d’abord de qualifier explicitement le VHU de déchet :
« 1° A la fin du quatrième alinéa de l’article R. 543-154, il est ajouté une phrase ainsi rédigée : « Le véhicule hors d’usage est un déchet au sens de l’article L. 541-1-1.«
Plus spécifiquement, l’article R. 543-154-1 du code de l’environnement pourrait prochainement préciser que les véhicules endommagés vendus par un assureur sont bien des déchets, en principe destinés à un centre VHU :
« Art. R.543-154-1. – Les véhicules endommagées vendus par un assureur à un acheteur professionnel conformément aux dispositions de l’article L.327-2 du code de la route sont réputés être des déchets au sens de l’article L. 541-1-1.
Au sens de l’article L. 327.2 du code de la route, l’assureur qui doit vendre les voitures particulières et les camionnettes à un acheteur professionnel doit les remettre à un centre de véhicules hors d’usage agréé, sauf s’il est en mesure de prouver qu’il les vend pour réparation ».
Ce projet de décret ne manquera pas de susciter de nombreux commentaires et des questions de droit.
Arnaud Gossement
Avocat associé
Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.
À lire également
Dérogation espèces protégées : l’administration n’est pas tenue de vérifier la fiabilité d’un dispositif anticollision prescrit par le juge administratif ou d’exiger le dépôt d’une demande de dérogation (Conseil d’Etat, 22 décembre 2025, n°497091 et 492940)
Par deux décisions rendues ce 22 décembre 2025, le Conseil d'Etat a apporté d'importantes précisions relatives à la procédure d'autorisation de déroger à l'interdiction de destruction d'espèces protégées. En premier lieu, la Haute juridiction administrative a jugé que...
Dérogation espèces protégées : le préfet doit mettre en demeure, à tout moment, l’exploitant d’une ICPE de régulariser sa situation (CE, 16 décembre 2025, n°494931)
Par une décision n°494931 rendue ce 16 décembre 2025, le Conseil d'Etat a jugé que le préfet doit mettre en demeure l'exploitant d'une installation classée (ici un parc éolien) de déposer une demande de dérogation espèces protégées lorsque les conditions sont réunies....
Charte de l’environnement : le juge judiciaire est compétent, à certaines conditions, pour statuer sur une demande de réparation du préjudice écologique causé par une activité autorisée (AMM) par l’administration (Cour de cassation, 13 novembre 2025, n°500 FS-B)
En cette année du vingtième anniversaire de la Charte de l'environnement, la Cour de cassation vient, pour la deuxième fois (cf. notre commentaire) d'en faire application. Mais d'une manière qui peut apparaître surprenante. Par un arrêt rendu ce 13 novembre 2025, la...
Dérogation espèces protégées : l’illégalité de l’autorisation d’exploiter une activité industrielle peut démontrer l’existence d’un « risque suffisamment caractérisé » imposant au préfet d’enjoindre au porteur de projet de déposer une demande de « dérogation espèces protégées » (TA Guyane, 11 décembre 2025, Association Guyane Nature Environnement, n°2201889)
Par un jugement n°2201889 rendu ce 11 decembre 2025, le tribunal administratif de la Guyane a annulé, à la demande de l'association Guyane Nature Environnement, d'une part une autorisation d'exploiter une mine d'aurifère, d'autre part le refus du préfet d'ejoindre au...
Dermatose nodulaire : Arnaud Gossement invité de l’émission « Sur le terrain » sur France info TV
Ce lundi 15 décembre 2025, Arnaud Gossement était l'un des invités de l'émission "Sur le terrain" présentée par Loïc de la Mornais sur France Info TV et consacrée à la colère des agriculteurs confrontés à l'épidémie de Dermatose nodulaire contagieuse (DNC). L'émission...
[Conférence] 10 décembre 2025 : grande conférence sur l’avenir de l’énergie solaire, au salon Energaïa, organisée par Tecsol
Arnaud Gossement est l'un des intervenants de la grande conférence sur l'énergie solaire qu'organise Tecsol au salon Energaia, ce mercredi 10 décembre, de 15h30 à 16h30. Nous remercions André Joffre (président), Alexandra Batlle (secrétaire générale de Tecsol) et...
Découvrez le cabinet Gossement Avocats
Notre Cabinet
Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.
Nos Compétences
Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.
Contact
Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.






![[Conférence] 10 décembre 2025 : grande conférence sur l’avenir de l’énergie solaire, au salon Energaïa, organisée par Tecsol](https://www.gossement-avocats.com/wp-content/uploads/2024/04/solaire-adobe.jpeg)