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Pesticides et liberté d’entreprendre : le Conseil d’Etat adresse une QPC au Conseil constitutionnel
Par une décision du 7 novembre 2019, le Conseil d’Etat a transmis une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil constitutionnel, relative à la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime. L’enjeu : la réglementation de l’utilisation des pesticides au regard de la liberté d’entreprendre. Le Conseil constitutionnel est ainsi appelé à préciser l’articulation entre écologie et économie.
1. Sur le contexte de la saisine du Conseil d’Etat
Pour mémoire, le IV de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime introduit par la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 « pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous » dite loi Egalim, prévoit l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de certains produits phytopharmaceutiques :
« Sont interdits à compter du 1er janvier 2022 la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement conformément au règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 précitée, sous réserve du respect des règles de l’Organisation mondiale du commerce ».
L’Union des industries de la protection des plantes, qui contestait la légalité de la circulaire du 23 juillet 2019 précisant les conditions d’application de cette mesure d’interdiction, a soutenu par un mémoire distinct que ces dispositions législatives n’étaient pas conformes aux droits et libertés que la Constitution garantit.
Plus précisément, l’Union requérante a fait valoir que ces dispositions méconnaissaient la liberté d’entreprendre, garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Cette liberté économique a en effet valeur constitutionnelle depuis la décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation.
2. Sur la décision du Conseil d’Etat
Après avoir rappelé que le Conseil constitutionnel est saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux, le Conseil d’Etat a fait droit à la demande de la requérante :
« 3. D’une part, ces dispositions sont applicables au litige et n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel. D’autre part, le moyen tiré par l’Union des industries de la protection des plantes de ce que l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement prévue par ces dispositions est susceptible de porter atteinte à la liberté d’entreprendre, garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, soulève une question présentant un caractère sérieux. Dans ces conditions, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée » (cf. CE, 7 novembre 2019, Union des industries de la protection des plantes, n° 433460).
Ainsi, le Conseil d’Etat a jugé que le moyen tiré de ce que l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement prévue par ces dispositions est susceptible de porter atteinte à la liberté d’entreprendre, soulève une question présentant un caractère sérieux.
Cette décision inédite est représentative de la tendance de la juridiction administrative et du Conseil constitutionnel à une plus grande protection des libertés économiques.
Il est important de souligner qu’elle ne présume pas, néanmoins, de la décision qui sera rendue par le Conseil constitutionnel.
3. Sur la saisine du Conseil Constitutionnel
Désormais, il appartiendra au Conseil constitutionnel – seule juridiction compétente pour juger de la conformité d’une disposition législative à la Constitution – de se prononcer sur la conformité du IV de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime à la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Sur ce point, le Conseil constitutionnel juge traditionnellement qu’il est « loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi » (cf. par exemple décision n° 2013-346 QPC du 11 octobre 2013, société Schuepbach Energy LLC).
Autrement dit, ce n’est que dans l’hypothèse où le Conseil Constitutionnel juge que « l’interdiction de la production, du stockage et de la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l’Union européenne pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement » est disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi qu’il déclarera cette interdiction contraire à la Constitution.
Le Conseil Constitutionnel avait d’ailleurs jugé que l’interdiction de l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par des forages suivis de fracturation hydraulique sur le territoire national, prévue par l’article 1er de la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011, ne présentait pas un caractère disproportionné au regard du but d’intérêt général de protection de l’environnement poursuivi (cf. décision société Schuepbach Energy LLC, précitée).
Margaux Caréna – Avocate sénior
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