En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Réforme de la procédure devant les juridictions administratives : publication du décret n°2016-1480 du 2 novembre 2016
Le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative (dit décret « JADE » pour « justice administrative de demain »), a été publié au Journal officiel du 4 novembre 2016. Il entrera en vigueur, sauf exception, dès le 1er janvier 2017. Il comporte d’importantes évolutions procédurales destinées à accélérer la procédure d’instruction et le traitement des requêtes devant les juridictions administratives.
I. Sur la liaison du contentieux
L’article 10 du décret du 2 novembre 2016 apporte une modification substantielle à l’article R. 421-1 du code de justice administrative (CJA), en élargissant l’obligation de liaison du contentieux par une décision préalable, aux litiges de travaux publics.
La dispense de liaison du contentieux qui existait pour les litiges de travaux publics est ainsi supprimée:
« Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ».
L’article 10 du décret introduit également un nouvel alinéa à l’article R. 421-1 du CJA, de manière à renforcer l’obligation de liaison du contentieux pour les demandes tendant au paiement d’une somme d’argent. S’agissant de ces litiges indemnitaires, le juge ne pourra désormais être saisi que si une décision de rejet par l’administration est préalablement intervenue :
« Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle. »
Il convient de rappeler que la jurisprudence admettait jusqu’ici que la demande soit faite après l’introduction du recours contentieux (cf. CE, 11 avril 2008, Établissement français du sang, n° 281374).
II. Sur les délais de recours contentieux
L’article 10 du décret du 2 novembre 2016 prévoit la suppression de l’exigence d’une décision expresse de rejet pour faire courir le délai de recours en matière de plein contentieux.
L’article R. 421-3 du Code de justice administrative est ainsi modifié :
« Toutefois, l’intéressé n’est forclos qu’après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d’une décision expresse de rejet :1° En matière de plein contentieux ;
1° Dans le contentieux de l’excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ;
2° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l’exécution d’une décision de la juridiction administrative ».
III. Sur les recours abusifs
L’article 24 du décret du 2 novembre 2016 modifie l’article R. 741-12 du code de justice administrative, en augmentant le montant maximum des amendes pour recours abusif.
Le montant maximal de l’amende pour recours abusif, fixé à 3 000 euros depuis 1990 a été revalorisé à 10 000 euros, jugé plus dissuasif.
IV. Sur la cristallisation des moyens
L’article 16 du décret du 2 novembre 2016 introduit le dispositif de « cristallisation des moyens » en contentieux administratif. Cette procédure, qui existe déjà en contentieux de l’urbanisme, permet aux juges administratifs de fixer par voie d’ordonnance une date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux.
Il est précisé que les parties doivent en être informées au moins un mois avant la date de cristallisation des moyens. Par ailleurs, le juge administratif peut librement procéder au retrait de cette ordonnance.
Ainsi, l’article R. 611-7-1 du code de justice administrative dispose :
« Lorsque l’affaire est en état d’être jugée, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, le président de la chambre chargée de l’instruction peut, sans clore l’instruction, fixer par ordonnance la date à compter de laquelle les parties ne peuvent plus invoquer de moyens nouveaux.
« Les lettres remises contre signature portant notification de cette ordonnance ou tous autres dispositifs permettant d’attester la date de réception de cette ordonnance sont envoyés à toutes les parties en cause un mois au moins avant la date mentionnée au premier alinéa.
« Le président de la formation de jugement, ou, au Conseil d’Etat, le président de la chambre, peut retirer l’ordonnance prise sur le fondement du premier alinéa par une décision qui n’est pas motivée et ne peut faire l’objet d’aucun recours. Cette décision est notifiée dans les formes prévues au deuxième alinéa. »
A noter que l’article 33 du décret du 2 novembre 2016 abroge l’article R. 600-4 du code de l’urbanisme relatif à la procédure de cristallisation des moyens, dès lors que ces dispositions ne constituent plus une spécificité du contentieux de l’urbanisme.
V. Sur le désistement d’office pour défaut de production d’un mémoire récapitulatif
L’article R. 611-8-1 du code de justice administrative prévoit la possibilité pour le juge administratif de demander à l’une des parties à l’instance de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l’instance.
L’article 17 du décret du 2 novembre 2016 insère un second alinéa à cet article, qui autorise le juge administratif à fixer un délai à l’issue duquel, à défaut d’avoir produit le mémoire récapitulatif, la partie est réputée s’être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes.
La partie concernée doit nécessairement être informée des conséquences du non-respect du délai fixé.
L’article R. 611-8-1 du code de justice administrative dispose désormais :
« Le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, le président de la chambre chargée de l’instruction peut demander à l’une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l’instance en cours, en l’informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d’appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu’elle entend maintenir.
Le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, le président de la chambre chargée de l’instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l’issue duquel, à défaut d’avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l’alinéa précédent, la partie est réputée s’être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d’un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé. »
VI. Sur le désistement d’office pour « perte d’intérêt » de la requête
L’article 20 du décret du 2 novembre 2016 prévoit une autre hypothèse, inédite, de désistement d’office, pour « perte d’intérêt » de la requête.
Le juge administratif a désormais la possibilité, lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur « l’intérêt que la requête conserve pour son auteur », de l’inviter à en confirmer le maintien dans un délai fixé. A défaut de réponse, le requérant sera réputé s’être désisté de l’ensemble de ses conclusions.
Cette procédure est insérée à l’article R. 612-5-1 du code de justice administrative :
« Lorsque l’état du dossier permet de s’interroger sur l’intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d’Etat, le président de la chambre chargée de l’instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l’expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s’être désisté de l’ensemble de ses conclusions. »
VII. Sur les mesures d’instruction postérieures à la clôture d’instruction
L’article 21 du décret du 2 novembre 2016 prévoit la possibilité pour les juges administratifs d’inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l’instruction, postérieurement à la clôture de l’instruction.
Cette demande n’a pour effet de rouvrir l’instruction qu’en ce qui concerne ces éléments ou pièces.
Cette disposition est insérée à l’article R. 613-1-1 du code de justice administrative
« Postérieurement à la clôture de l’instruction ordonnée en application de l’article précédent, le président de la formation de jugement peut inviter une partie à produire des éléments ou pièces en vue de compléter l’instruction. Cette demande, de même que la communication éventuelle aux autres parties des éléments et pièces produits, n’a pour effet de rouvrir l’instruction qu’en ce qui concerne ces éléments ou pièces. »
8. Sur les autres modifications notables
Il convient de souligner que le décret du 2 novembre 2016 comporte d’autres mesures importantes visant à accélérer le traitement des requêtes.
En ce sens,
- le décret procède à l’élargissement des possibilités de rejet par ordonnance dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel. Des ordonnances de séries pourront désormais être prises par les tribunaux sur la base d’un arrêt devenu irrévocable de la cour administrative d’appel dont ils relèvent. Les requêtes d’appel « manifestement dépourvues de fondement » pourront être rejetées par ordonnance (article 3 du décret, article R. 222-1 du code de justice administrative) ;
- les pourvois en cassation dirigés contre des décisions rendues en appel pourront être rejetés par ordonnance s’ils sont « manifestement dépourvus de fondement » (article 31 du décret, article R. 822-5 du code de justice administrative)
Le décret du 2 novembre 2016 modifie par ailleurs les modalités de représentation des parties. Il convient de souligner en particulier que la dispense d’avocat est supprimée pour les litiges de travaux publics et d’occupation domaniale, et, en appel, pour les contentieux d’excès de pouvoir de la fonction publique.
Margaux Caréna
Avocate
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