En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Urbanisme : intérêt à agir contre un permis de construire et droit au recours (confirmation – Conseil d’Etat)
Par arrêt n°387507 rendu ce 10 février 2016, le Conseil d’Etat a confirmé la portée de l’arrêt du 10 juin 2015, n°386121 : l’auteur du recours contre une autorisation d’urbanisme doit précisément démontrer son intérêt à agir. La preuve de l’atteinte à ses intérêts peut être rapportée par tous moyens.
Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, résultant de l’ordonnance n° 2013-638 du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme, les riverains d’un projet peuvent former un recours contre la décision d’urbanisme l’autorisant seulement si le projet est de nature à « affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien » qu’ils possèdent ou qu’ils occupent.
Alors qu’auparavant, il suffisait de prouver une relative proximité avec un projet pour pouvoir être recevable à le contester devant le juge administratif, depuis la réforme de 2013, il est nécessaire que le requérant établisse que le futur projet portera atteinte directement à l’usage de son bien.
Par un arrêt du 10 juin 2015, n°386121, publié au Lebon, le Conseil d’Etat s’est déjà prononcé sur la portée de cette disposition, en considérant que le requérant est tenu de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir. Il peut à ce titre faire état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.
L’atteinte alléguée peut être la création de vues sur un espace de vie du bien, la perte d’une vue depuis le bien, l’exposition à des nuisances olfactives, sonores, ou éventuellement sanitaires, etc.
L’atteinte n’a pas à être certaine, elle peut seulement être potentielle, mais elle doit en tout état de cause être suffisamment précisée et étayée.
L’arrêt n°387507 du 10 février 2016, rendu par le Conseil d’Etat, est venu compléter l’interprétation du nouvel article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme et apporter des éléments importants quant à la substance de la preuve devant être rapportée.
En l’espèce, des riverains d’un immeuble de deux étages en projet ont contesté le permis de construire l’autorisant.
Pour attester de leur recevabilité, les requérants ont prouvé qu’ils occupaient la parcelle mitoyenne du terrain d’assiette du projet litigieux, mais sans véritablement préciser les effets générés du projet sur leurs biens.
Par voie d’une ordonnance d’irrecevabilité manifeste, le Tribunal administratif de Marseille avait rejeté la requête en annulation, au motif que les requérants ne justifiaient pas d’un intérêt à agir contre le permis de construire.
Saisi d’un pourvoi contre cette ordonnance, cette situation a permis au Conseil d’Etat d’énoncer dans un considérant de principe que « les écritures et les documents produits par l’auteur du recours doivent faire apparaître clairement en quoi les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d’être directement affectées par le projet litigieux ».
Et d’en conclure que le pourvoi soulevé contre la décision du Tribunal administratif de Marseille devait être rejeté.
Il ne suffit donc pas seulement d’établir sa qualité de voisin, même mitoyen, pour présenter un intérêt donnant qualité à agir contre une autorisation d’urbanisme.
Il est nécessaire que la requête, et surtout les pièces qui y sont jointes, présentent, de façon concrète, les atteintes générées par le projet litigieux aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien.
La preuve de l’atteinte donnant intérêt à agir est cependant libre et peut être rapportée par tous moyens :
« qu’il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien ; »
Au cas d’espèce, le Conseil d’Etat relève que le Greffe du Tribunal administratif avait invité les requérants à produire « les précisions nécessaires à l’appréciation de l’atteinte directe portée par le projet litigieux à leurs conditions d’occupation d’utilisation ou de jouissance de leur bien«
L’arrêt précise en effet :
« 4. Considérant que les écritures et les documents produits par l’auteur du recours doivent faire apparaître clairement en quoi les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d’être directement affectées par le projet litigieux ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour justifier de leur intérêt à agir, les requérants se sont bornés à se prévaloir de leur qualité de » propriétaires de biens immobiliers voisins directs à la parcelle destinée à recevoir les constructions litigieuses » ; que, par ailleurs, les pièces qu’ils ont fournies à l’appui de leur demande établissent seulement que leurs parcelles sont mitoyenne pour l’une et en co-visibilité pour l’autre du projet litigieux ; que, le plan de situation sommaire des parcelles qu’ils ont produit ne comportait que la mention : » façade sud fortement vitrée qui créera des vues » ; qu’invités par le greffe du tribunal administratif, par une lettre du 28 août 2014, à apporter les précisions nécessaires à l’appréciation de l’atteinte directe portée par le projet litigieux à leurs conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de leur bien, ils se sont bornés à produire, le 5 septembre suivant, la copie de leurs attestations de propriété ainsi que le plan de situation cadastral déjà fourni ; que, dans ces conditions, la présidente de la deuxième chambre du tribunal administratif de Marseille a procédé à une exacte qualification juridique des faits en jugeant que les requérants étaient dépourvus d’intérêt à agir contre le permis de construire litigieux ; que c’est sans commettre d’erreur de droit ni méconnaître l’article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ni aucun principe qu’elle a rejeté leur demande comme manifestement irrecevable par ordonnance, sans audience publique, sur le fondement du 4° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative ; » (nous soulignons)
Aux termes de ce considérant :
– d’une part la preuve de l’atteinte justifiant l’intérêt à agir du requérant peut être apportée par tous moyens
– d’autre part, la juridiction saisie a sans doute l’obligation d’inviter le requérant à produire tout élément relatif à son intérêt à agir.
Le Conseil d’Etat réalise ainsi un équilibre entre l’intention du législateur de contrôler plus étroitement l’intérêt à agir des auteurs de recours contre des autorisations d’urbanisme et le droit d’accès au Juge.
Florian Ferjoux
Avocat
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