En bref
Solaire : publication du décret du 3 décembre 2024 précisant les caractéristiques des panneaux solaires photovoltaïques permettant le report de l‘obligation de solarisation de certains parkings
Hydroélectricité : modifications des modalités d’expérimentation du dispositif du médiateur
Schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) : Modification des dispositions relatives à l’élaboration, la modification et la révision des SAGE
Déchets : Assouplissement des conditions pour la reprise des déchets de construction par les distributeurs
Autorisation environnementale : précision sur l’application dans le temps de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale.
Par une décision du 22 juillet 2020, n°429610, le Conseil d’Etat considère que lorsque le juge est saisi d’une demande d’annulation d’une autorisation rendue au titre de la police de l’eau, délivrée antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, il doit appliquer le régime prévu par cette ordonnance.
Les faits et la procédure
Dans cette affaire, le préfet de l’Aude a délivré par arrêté du 17 octobre 2011 une autorisation prévue au titre de l’article L. 214-3 du code de l’environnement à une communauté d’agglomération pour un projet de travaux de reprofilage d’un ruisseau.
Ce projet était alors soumis à l’autorisation applicable aux installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) prévue au titre de la législation de l’eau.
Un requérant a saisi le tribunal administratif de Montpellier afin d’obtenir l’annulation de cet arrêté. Entre temps, l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale a créé un régime d’autorisation environnementale unique. Son régime prévoit notamment que l’autorisation environnementale vaut également dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement.
Saisi d’un renvoi après cassation, la Cour administrative d’appel de Marseille a annulé totalement l’arrêté du 17 octobre 2011 au motif que celui-ci n’incorporait pas la dérogation prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement, le 8 février 2019.
Un pourvoi en cassation a été formé contre cet arrêt par le ministre chargé de l’environnement. Par une décision du 22 juillet 2020, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le fait de savoir si la cour administrative d’appel de Marseille pouvait annuler l’arrêté contesté en se fondant sur l’ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017, entrée en vigueur postérieurement à l’autorisation contestée.
Sur l’application dans le temps des dispositions issues de l’ordonnance du 26 janvier 2017
En premier lieu, il convient d’indiquer au préalable qu’au moment de la délivrance de l’autorisation contestée, deux procédures distinctes étaient applicables.
- De première part, le pétitionnaire devait obtenir une autorisation au titre de la police de l’eau, prévue aux articles L. 214-3 et suivants du code de l’environnement ;
- De deuxième part, il devait obtenir une autorisation particulière au vu de la protection du patrimoine naturel, au titre des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l’environnement.
En effet, l’article L. 411-1 du code de l’environnement liste un certain nombre d’interdictions au titre de la protection du patrimoine naturel. Celles-ci portent notamment sur la destruction et la perturbation intentionnelle des espèces animales protégées, la destruction de végétaux protégés ainsi que la destruction, l’altération ou la dégradation de leurs habitats naturels ou d’espèces.
Cependant, l’article L. 411-2 du code de l’environnement permet d’accorder des dérogations à ces interdictions, sous certaines conditions.
En l’espèce, le projet litigieux portait atteinte à deux espèces d’amphibiens, protégés au titre de l’article L. 411-1 du code de l’environnement.
Partant, le pétitionnaire aurait dû obtenir, distinctement, ces deux autorisations.Toutefois, l’autorisation accordée au titre de la police de l’eau n’était pas subordonnée à l’autorisation accordée au titre de la protection du patrimoine naturel.
En deuxième lieu, dans sa décision, le Conseil d’Etat vise certaines dispositions issues de l’ordonnance n°2017-80 du 26 janvier 2017, relative à l’autorisation environnementale unique. A compter de l’entrée en vigueur de ladite ordonnance, les deux autorisations précédemment mentionnées sont fusionnées dans le régime de l’autorisation environnementale.
De première part, l’article L. 181-1 du code de l’environnement prévoit que l’autorisation environnementale est applicable aux installations, ouvrages, travaux et activités soumis à la législation sur l’eau (IOTA) :
« L’autorisation environnementale, dont le régime est organisé par les dispositions du présent livre ainsi que par les autres dispositions législatives dans les conditions fixées par le présent titre, est applicable aux activités, installations, ouvrages et travaux suivants, lorsqu’ils ne présentent pas un caractère temporaire :
1° Installations, ouvrages, travaux et activités mentionnés au I de l’article L. 214-3, y compris les prélèvements d’eau pour l’irrigation en faveur d’un organisme unique en application du 6° du II de l’article L. 211-3″
Ainsi, le régime de l’autorisation environnementale vaut pour les IOTA.
De deuxième part, l’article L. 181-2 du code de l’environnement prévoit que l’autorisation environnementale tient lieu des dérogations aux interdictions édictées par l’article L. 411-2 du code de l’environnement :
« I. – L’autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l’application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d’activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l’article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite :
5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d’intérêt géologique, d’habitats naturels, d’espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° de l’article L. 411-2 ; »
Partant, la demande d’autorisation environnementale comprend la dérogation aux interdictions édictées pour le patrimoine naturel.
De troisième part, l’article 15 de ladite ordonnance apporte des précisions sur son application dans le temps :
« 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l’environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, (…), sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l’article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état »
Ainsi, les autorisations IOTA ou ICPE, accordées antérieurement au 1er mars 2017, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance susvisée, sont considérées comme des autorisations environnementales. Ainsi, elles doivent incorporer, notamment, les dérogations prévues au titre de l’article L.411-2 du code de l’environnement lorsqu’elles sont nécessaires.
En troisième lieu, pour le Conseil d’État, lorsque le juge se prononce après le 1er mars 2017, il doit apprécier les règles de fond alors applicables et régissant l’installation au regard de l’ordonnance du 26 janvier 2017.
Par conséquent, c’est sans erreur de droit que la cour administrative d’appel a jugé que l’autorisation environnementale issue de l’autorisation délivrée par le préfet le 17 octobre 2011 au titre de la police de l’eau pouvait être utilement contestée devant elle au motif qu’elle n’incorporait pas, à la date à laquelle elle a statué, la dérogation requise pour le projet en cause.
Sur l’annulation partielle de l’autorisation environnementale par le juge administratif
En premier lieu, le Conseil d’Etat vise l’article L. 181-18 du code de l’environnement qui encadre le pouvoir du juge en cas d’annulation d’une autorisation environnementale :
« I.-Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés :
1° Qu’un vice n’affecte qu’une phase de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et demander à l’autorité administrative compétente de reprendre l’instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d’irrégularité ;
2° Qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si une telle autorisation modificative est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations.
II.-En cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’autorisation environnementale, le juge détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties de l’autorisation non viciées. »
La Haute juridiction précise que cet article mentionne la faculté pour le juge de prononcer des annulations limitées soit à une ou plusieurs des anciennes autorisations regroupées dans l’autorisation environnementale, soit à certains éléments de ces autorisations à la condition qu’ils en soient divisibles.
Par ailleurs, en cas d’annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l’autorisation environnementale, le juge détermine s’il y a lieu de suspendre l’exécution des parties non viciées de celle-ci.
En deuxième lieu, le Conseil d’Etat juge que si l’autorisation environnementale contestée n’incorpore pas la dérogation prévue à l’article L. 411-2 du code de l’environnement précité, elle n’est viciée qu’en partie.
Autrement dit, cette dérogation est une partie divisible du reste de l’autorisation environnementale.
Ainsi, les juges du fond ont commis une erreur de droit en annulant l’arrêté contesté dans sa totalité au seul motif qu’il ne comporte pas la dérogation requise.
En définitive, le Conseil d’Etat a décidé de suspendre l’arrêté contesté jusqu’à la délivrance de la dérogation prévue au titre de l’article L. 411-2 du code de l’environnement.
Isabelle Michel
Juriste – Gossement Avocats
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