En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Autorité environnementale : l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale constitue un vice de procédure substantiel qui ne peut être neutralisé (Conseil d’Etat, 28 avril 2021, n°437581)
Par arrêt n°437581 rendu ce 28 avril 2021, le Conseil d’Etat a jugé que l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale constitue un vice de procédure substantiel. Il ne peut être neutralisé au moyen de la jurisprudence « société Ocréal ». Analyse.
Résumé : l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale procédant de la violation du principe de séparation fonctionnelle constitue toujours un vice de procédure substantiel qui ne peut être neutralisé et qui a pour effet d’entraîner l’illégalité de la décision administrative prise à la suite de la procédure ainsi viciée.
I. Rappel : un vice de procédure non substantiel peut être neutralisé (jurisprudence « Ocréal »)
Par arrêt du 14 octobre 2011, le Conseil d’Etat a distingué deux types de vices de procédure (cf. Conseil d’État, 14 octobre 2011, Société Ocréal, n° 323257) :
- les vices de procédures substantiels qui ne peuvent être neutralisés : ils ont pour conséquence l’illégalité de la décision administrative intervenue à leur suite.
- les vices de procédure non substantiels qui peuvent être neutralisés : ils n’ont pas pour conséquence l’illégalité de la décision administrative intervenue à leur suite.
Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt « Société Ocréal », le vice de procédure était constitué par une insuffisance de l’étude d’impact. Saisi d’un recours tendant à l’annulation de la décision prise à la suite de cette procédure irrégulière, le Conseil d’Etat a jugé que ce vice de procédure n’a pas toujours pour effet d’entrainer l’illégalité de ladite décision :
« Considérant, en premier lieu, que les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ; que, dès lors, en jugeant que » les inexactitudes, omissions ou insuffisances de l’étude d’impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d’entraîner l’illégalité de la décision d’autorisation d’une installation classée que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative en la conduisant à sous-estimer l’importance des conséquences du projet sur l’environnement et la commodité du voisinage « , la cour n’a pas commis d’erreur de droit ; »
Ainsi, les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une étude d’impact n’ont pour effet d’entraîner l’illégalité de l’autorisation intervenue au terme de la procédure ainsi viciée :
- « que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population »
- « ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative »
Si l’une de ces deux conditions est satisfaite, le vice de procédure n’a pas pour effet l’illégalité de la décision intervenue à sa suite.
Cette distinction des vices de procédure substantiels et non substantiels sera par la suite généralisée.
ll convient tout d’abord de rappeler que ce mouvement a pour point de départ l’article 70 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 « de simplification et d’amélioration de la qualité du droit », lequel dispose :
« Lorsque l’autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d’un organisme, seules les irrégularités susceptibles d’avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l’avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l’encontre de la décision.«
Aux termes de cette disposition, l’irrégularité relative à la consultation d’un organisme ne pouvait avoir d’incidence sur la légalité de la décision prise que dans la mesure où elle a pu « exercer une influence sur le sens de la décision prise ». L’article 70 ne permet donc pas de réduire les conséquences de tous les vices de procédure mais uniquement de ceux relatifs à la consultation d’un organisme.
Par un arrêt « Danthony » du 23 décembre 2011, le Conseil d’Etat a étendu la portée de l’article 70 de la loi du 17 mai 2011. Pour ce faire, il a jugé que la règle définie par la loi du 17 mai 2011 s’inspire d’un principe plus large :
« Considérant que ces dispositions énoncent, s’agissant des irrégularités commises lors de la consultation d’un organisme, une règle qui s’inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte«
Alors que l’article 70 de la loi du 17 mai 2011 ne concernait que certains vices de procédures, à savoir ceux commis lors de la consultation d’un organisme, cet arrêt permet au juge administratif de « traiter » les conséquences de l’ensemble des vices de procédure. Désormais, un vice de procédure n’entache d’illégalité la décision administrative prises à sa suite que s’il a « exercé une influence sur le sens de la décision prise » ou s’il a « privé les intéressés d’une garantie ». Ce principe s’applique à l’ensemble des procédures d’élaboration des décisions administratives, qu’elles aient ou non un caractère obligatoire.
Cet arrêt permet de faire le tri entre les vices de procédure qui continueront de justifier l’annulation d’une décision administrative prise à la suite d’une procédure ainsi irrégulière, et ceux qui ne peuvent le justifier.
A la suite de cette décision « Danthony » du 23 décembre 2011, plusieurs arrêts ont permis de préciser quels sont les vices de procédure susceptibles d’être « danthonysés », c’est à dire « neutralisés ». Ainsi, par une décision , le défaut de mention de l’existence d’une étude d’impact dans l’arrêté préfectoral d’ouverture d’une enquête publique ne nuit pas nécessairement à l’information du public :
« 7. Considérant qu’en se fondant sur la seule circonstance qu’avait été omise la mention relative à l’existence de l’étude d’impact dans les arrêtés d’ouverture des enquêtes publiques et les avis au public pour estimer que la procédure avait été viciée, alors que ce seul élément, en l’absence d’autres circonstances, n’est pas de nature à faire obstacle, faute d’information suffisante, à la participation effective du public à l’enquête ou à exercer une influence sur les résultats de l’enquête, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit » (cf. Conseil d’État, 27 février 2015, n°382502).
Restait à savoir si le vice de procédure tiré de l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale est ou non « substantiel ».
II. L’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale constitue un vice de procédure substantiel qui ne peut être neutralisé
L’irrégularité de l’avis exprimé par l’autorité environnementale au cours de la procédure d’instruction d’une demande d’autorisation constitue un vice de procédure.
Par deux arrêts datés des 6 et 28 décembre 2017, le Conseil d’Etat a en effet annulé plusieurs dispositions réglementaires qui ne garantissaient pas une séparation fonctionnelle effective entre l’autorité administrative qui instruit une demande d’autorisation et l’autorité environnementale qui émet un avis sur l’évaluation environnementale d’un projet. Analyse du sens et de la portée de ces décisions.
Depuis la lecture de ces deux décisions, le juge administratif a dû se prononcer sur la question de savoir si l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale est toujours substantiel et a toujours pour effet d’entraîner l’illégalité de la décision intervenue à sa suite.
Par arrêt n°18BX01702 du 30 juin 2020, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que l’irrégularité de l’avis rendu par l’autorité environnementale, en raison d’une absence d’autonomie de cette dernière vis-à-vis de l’autorité décisionnaire, ne suffit pas à entacher d’illégalité l’autorisation de défrichement attaquée en l’espèce.
Par l’arrêt rendu ce 28 avril 2021, le Conseil d’Etat s’est, à son tour, prononcé sur cette question. Aux termes de cet arrêt, le Conseil d’Etat :
- rappelle dans quelles conditions l’avis exprimé par l’autorité environnementale peut constituer un vice de procédure ;
- juge que l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale constitue toujours un vice de procédure substantiel qui ne peut être neutralisé : il a toujours pour effet de
Sur le vice de procédure relatif à l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale
L’arrêt rendu ce 28 avril 2021 par le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord les termes du considérant de principe des décisions rendues par la Haute juridiction les 6 et 28 décembre 2017 :
« 3. La directive du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement a pour finalité de garantir qu’une autorité compétente et objective en matière d’environnement soit en mesure de rendre un avis sur l’étude d’impact des projets, publics ou privés, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, avant de statuer sur une demande d’autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences. Eu égard à l’interprétation des dispositions de l’article 6 de la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement donnée par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011 dans l’affaire C-474/10, et à la finalité identique des dispositions des deux directives relatives au rôle » des autorités susceptibles d’être concernées par le projet, en raison de leurs responsabilités spécifiques en matière d’environnement « , il résulte clairement des dispositions de l’article 6 de la directive du 27 juin 1985 citées au point 2 que, si ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l’autorité publique compétente pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d’ouvrage soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative, interne à celle-ci, dispose d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné. » (nous soulignons).
Le Conseil d’Etat rappelle ainsi le principe selon lequel l’autorité environnementale doit disposer « d’une autonomie réelle, impliquant notamment qu’elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres ».
Sur le caractère substantiel du vice de procédure relatif à l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale
Le principe de la séparation fonctionnelle entre l’autorité environnementale et l’autorité décisionnaire suppose que le préfet de région, lorsqu’il prend une décision, ne soit pas également le signataire de l’avis de l’autorité environnementale exprimé au cours de la procédure préalable à cette décision. A défaut, lorsque l’avis de l’autorité environnementale est ainsi irrégulier :
- l’avis ne peut pas permettre une bonne information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération
- son irrégularité est susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision de l’autorité administrative
L’arrêt rendu ce 28 avril 2021 précise en effet :
« 4. Après avoir relevé que le préfet de région était à la fois l’auteur de l’avis rendu le 16 avril 2013 en qualité d’autorité environnementale et l’autorité compétente qui a délivré les permis et autorisation attaqués et que l’avis ainsi émis par le préfet de région n’avait pas été rendu par une autorité disposant d’une autonomie effective dans des conditions garantissant son objectivité, la cour a néanmoins estimé que l’avis résultait d’une analyse précise, critique et indépendante du dossier et qu’il mettait en exergue aussi bien les lacunes que les qualités du dossier. En en déduisant que, dans les circonstances de l’espèce, l’avis, versé au dossier d’enquête publique, qui avait pourtant été rendu dans des conditions qui méconnaissaient les exigences de la directive, avait permis une bonne information de l’ensemble des personnes intéressées par l’opération et que son irrégularité n’avait pas été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision de l’autorité administrative, la cour a commis une erreur de droit. » (nous soulignons).
Aux termes de cet arrêt, le Conseil d’Etat, l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale tenant à la violation du principe de séparation fonctionnelle a toujours pour effet d’entraîner l’illégalité de l’autorisation délivrée.
Cette irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale constitue un vice de procédure substantiel qui ne peut être neutralisé.
Arnaud Gossement
Avocat – docteur en droit
professeur associé à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
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