En bref
Plastique : précision sur l’éco-modulation en cas d’incorporation de matières plastiques recyclées (arrêté du 5 septembre 2025)
Déchets de textile : publication au JO de l’arrêté modifiant le cahier des charges afin d’inclure un soutien exceptionnel au tri
[communiqué] Le cabinet Gossement Avocats ne participe à aucun « classement » de cabinet d’avocats
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Biodiversité : brèves réflexions sur la maîtrise foncière des terrains requis pour la réalisation des mesures compensatoires
Le cabinet Gossement Avocats est fréquemment interrogé par des maîtres d’ouvrage, publics ou privés, confrontés à la nécessité de mettre en œuvre des mesures visant à compenser les atteintes à la biodiversité générées par la réalisation du projet ou des travaux. L’article 69 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité a mis à la charge du maître d’ouvrage une obligation de résultat quant à l’effectivité de ces mesures pendant toute la durée des atteintes, ce qui implique de s’assurer de la sécurisation foncière de l’opération.
NB : La présente note n’a nullement pour objet de présenter, de manière exhaustive, le cadre juridique relatif à la maîtrise foncière des terrains requis pur la réalisation mais uniquement de rappeler l’importance de bien sécuriser la maîtrise foncière des terrains sur lesquels seront réalisés les mesures compensatoires ordonnées par l’administration lors de la délivrance d’une autorisation, environnementale par exemple.
Rappel sur les mesures de compensation
Pour mémoire, les mesures de compensation des atteintes à la biodiversité sont les mesures rendues obligatoires par un texte législatif ou réglementaire afin « de compenser, dans le respect de leur équivalence écologique, les atteintes prévues ou prévisibles à la biodiversité occasionnées par la réalisation d’un projet de travaux ou d’ouvrage ou par la réalisation d’activités ou l’exécution d’un plan, d’un schéma, d’un programme ou d’un autre document de planification ». Les mesures compensatoires constituent le troisième volet de la séquence « éviter, réduire, compenser » (article L.163-1 I du code de l’environnement, issu de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité).
Lorsqu’un projet est soumis à évaluation environnementale, la nature des mesures de compensation est précisée dans l’étude d’impact présentée par le pétitionnaire avec la demande d’autorisation (article L.163-1 II du code de l’environnement). Les mesures compensatoires sont généralement fixées à titre de prescriptions dans l’arrêté d’autorisation.
La question de la sécurisation foncière de l’opération doit être abordée dès l’élaboration de l’étude d’impact, et ce même-ci le pétitionnaire n’est pas, à ce stade, tenu de démontrer aux services instructeurs qu’il dispose de la maîtrise foncière des terrains sur lesquels ces mesures doivent être mises en œuvre (CE, 13 mars 2020, n°414032).
Les mesures compensatoires peuvent être mises en œuvre par le maître d’ouvrage, de façon alternative ou cumulative :
- Soit directement, par ses propres moyens, lorsqu’il possède les compétences techniques nécessaires,
- Soit en confiant, par contrat, la réalisation de ces mesures à un opérateur de compensation,
- Soit par l’acquisition d’unités de compensation dans le cadre d’un site naturel de compensation (article L.163-1 II du code de l’environnement).
Les mesures compensatoires doivent être réalisées suivant le principe de proximité, c’est-à-dire en priorité sur le site endommagé ou aux environs de celui-ci.
Mise en œuvre directe des mesures compensatoires et maîtrise foncière
La mise en œuvre directe des mesures compensatoires par les maîtres d’ouvrage suppose d’une part de prévoir des mesures écologiques adaptées afin de respecter le principe d’équivalence écologique, mais aussi, d’obtenir la maîtrise foncière des terrains éligibles afin d’assurer l’effectivité et la pérennité des mesures de compensation sur le temps long.
En effet, en matière de compensation des atteintes à la biodiversité, le législateur a soumis le maître d’ouvrage à une obligation de résultat, et non à une simple obligation de moyens (article L. 163-1 I du code de l’environnement). Cela signifie que le maître d’ouvrage sera responsable, même sans faute, à l’égard de l’administration, de l’absence d’atteinte des objectifs de compensation fixés lors de l’octroi de l’autorisation environnementale. Il doit alors veiller à l’effectivité des mesures pendant toute la durée des atteintes à l’environnement.
Des sanctions administratives sont prévues à l’égard des maîtres d’ouvrage si les mesures compensatoires n’ont pas été mises en œuvre ou l’ont été de façon incomplète, pouvant aller jusqu’à la suspension du fonctionnement de l’ouvrage ou des installations (article L.163-4 du code de l’environnement). Ainsi, en cas de perte de la maîtrise foncière des terrains, par exemple en cas de changement de propriétaire, le maître d’ouvrage peut s’exposer à des sanctions.
Les modalités de sécurisation foncière de l’opération
La maîtrise foncière peut s’obtenir de diverses manières, plus ou moins fiables et durables.
Le mécanisme le plus sûr, mais qui peut aussi s’avérer onéreux, est celui de l’acquisition foncière des terrains. La rareté des terrains disponibles à la vente, le coût du foncier et des taxes afférentes (droits de mutation, taxe foncière sur les propriétés non bâties) ainsi que la question de la revente peuvent cependant dissuader les porteurs de projet.
Dans la plupart des cas, lorsque le maître d’ouvrage ne peut pas acquérir les terrains, il doit obligatoirement conclure un contrat avec le propriétaire concerné, et, le cas échéant, le locataire ou l’exploitant. Ce contrat doit définir la nature des mesures de compensation, leurs modalités de mise en œuvre, ainsi que leur durée (article L.163-2 du code de l’environnement).
Si toute latitude est laissée au maître d’ouvrage sur la nature de ce contrat, diverses solutions, plus ou moins sécurisées, s’offrent aux porteurs de projets, incluant, de façon non exhaustive, les mécanismes suivants.
En premier lieu, le maître d’ouvrage peut envisager, de façon classique, le recours à un contrat de bail. Le bail rural à clauses environnementales régi par les articles L.411-27 et R.411-9-11-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime permet l’insertion de différentes clauses visant à encadrer les pratiques culturales (par exemple le non-retournement des prairies, l’interdiction ou la limitation des produits phytosanitaires). Ce bail n’offre toutefois qu’un droit personnel au preneur. Le bail emphytéotique, qui peut être conclu pour une durée maximale de 99 ans et confère un droit réel immobilier au preneur, est une option intéressante (article L.451-1 du code rural et de la pêche maritime).
En deuxième lieu, les porteurs de projets peuvent avoir recours à des conventions de gestion de droit privé par lesquelles l’exploitant d’une installation convient avec le propriétaire d’un terrain la mise en œuvre de certaines mesures (plantations de haies, entretien…). Il convient cependant d’être prudent avec ce type de conventions qui ne confèrent que des obligations personnelles entre les co-contractants (article 1999 du code civil). Elles ne sont pas opposables au nouvel acquéreur en cas de vente des terrains, ce qui peut mettre en difficulté le maître d’ouvrage.
En troisième lieu, l’établissement de servitudes conventionnelles de droit privé peut être envisagé (article 686 du code civil). Les servitudes sont des droits réels attachés aux fonds, quelles que soient les mutations de propriété (Cass., Civ.3ème, 5 décembre 1969, Publié). Elles sont donc opposables aux tiers en cas de vente des terrains dès lors qu’elles ont fait l’objet d’une publication aux services de la Publicité foncière. Elles doivent toutefois être établies entre deux fonds appartenant à des propriétaires différents, ce qui présuppose que le maître de l’ouvrage dispose déjà d’un droit réel sur un terrain, en général celui où est implanté le projet (par un titre de propriété ou un bail réel).
En quatrième et dernier lieu, le législateur a créé le dispositif des obligations réelles environnementales (ORE) par l’article 72 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016. Les ORE constituent un outil foncier ambitieux codifié à l’article L.132-3 du code de l’environnement.
Elles peuvent permettre à des propriétaires fonciers de conclure, pour une durée fixée entre les parties, un contrat portant sur la mise en œuvre d’actions en faveur de la biodiversité avec une collectivité publique, un établissement public, ou « une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement » (article L.132-3 du code de l’environnement). Elles peuvent être utilisées à des fins de compensation.
L’intérêt de ce dispositif est qu’il s’agit d’un contrat par lequel le propriétaire du terrain confère à son co-contractant un droit réel attaché au terrain à préserver, comme dans le cas d’une servitude conventionnelle, mais de façon plus souple puisqu’un seul fonds est nécessaire et que le contenu de l’obligation est fixé en fonction d’une finalité mieux adaptée, à savoir « le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de services écosystémiques » (article L.132-3 du code de l’environnement).
Or, depuis leur entrée en vigueur et dans le domaine de la compensation, seuls 5 contrats ORE ont été signés, pour une durée moyenne d’environ 40 ans. Sept projets d’aménagement routiers ont fait l’objet de près de 120 promesses d’ORE.
Il est à noter que le champ des personnes autorisées à conclure des ORE est limité par la loi aux « personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement ». Le dispositif n’est donc pas ouvert à toutes les personnes morales de droit privé, ce qui exclut, de facto, le maître d’ouvrage de la conclusion directe d’un contrat ORE avec un propriétaire foncier. Le maître d’ouvrage semble ainsi devoir passer par un opérateur de compensation qui va ensuite mettre en œuvre la convention ORE avec le propriétaire du terrain, ce qui pourrait décourager les porteurs de projet qui entendent se charger directement des mesures compensatoires.
Conclusion
Ainsi, pour les maîtres d’ouvrage souhaitant mettre en place directement les mesures compensatoires, la question de l’obtention de la maîtrise foncière des terrains doit faire l’objet d’un état des lieux précis dès le stade de l’étude d’impact afin d’étudier la contractualisation la plus adaptée et la plus sécurisée sur le temps long, sans négliger la question de l’indemnisation des propriétaires fonciers susceptibles de mettre à disposition des terrains éligibles à la mise en œuvre de ces mesures.
Céline Ciriani
Avocate – Bureau de Nice
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