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Un maire peut refuser le permis de construire d’un poulailler industriel en raison du manque d’eau, en tenant compte du changement climatique (jurisprudence cabinet)
[webinaire] 21 novembre 2025 : « Etat de droit et Environnement : le Conseil constitutionnel face aux reculs environnementaux » (La Fabrique écologique)
[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Défrichement : une autorisation initiale peut être régularisée par une autorisation modificative (Conseil d’Etat)
Par une décision du 17 décembre 2018 (n° 400311), le Conseil d’Etat transpose sa jurisprudence en matière de permis de construire modificatif à l’autorisation de défrichement, en jugeant qu’une autorisation de défrichement initiale peut être régularisée par une autorisation modificative, ce qui rend alors inopérants les moyens dirigés à l’encontre de cette autorisation initiale – en particulier ceux contre les mesures de compensation devenues illégales puis régularisées.
En l’espèce, deux sociétés projetaient la construction d’un ensemble immobilier, nécessitant pour cela un permis de construire de la part du maire ainsi qu’une autorisation de défrichement de la part du préfet.
Dans le cas de cette dernière, l’autorisation a été obtenue par l’une des deux sociétés, et a ensuite été modifiée par une nouvelle autorisation.
A la suite d’un recours formé par une association et plusieurs particuliers, le tribunal administratif de Pau a annulé l’ensemble de ces décisions, en statuant en premier et dernier ressort s’agissant du permis de construire. La cour administrative d’appel de Bordeaux a ensuite annulé ce jugement en tant qu’il annulait les autorisations de défrichement et a rejeté la demande d’annulation de ces autorisations. Le Conseil d’Etat a alors été saisi par pourvoi en cassation :
– des requérants initiaux, contre l’arrêt de la cour administrative d’appel, s’agissant des autorisations de défrichement obtenue par l’une des sociétés ;
– de l’autre société, contre le jugement du tribunal administratif, s’agissant du permis de construire.
Cette décision est ici remarquable sur le plan du défrichement.
En premier lieu, le Conseil d’Etat commence par statuer sur la recevabilité de l’appel de la société qui n’a pas bénéficié des autorisations de défrichement. Il tire de l’article L. 341-7 du code forestier, rappelé à l’article L. 425-6 du code de l’urbanisme, qui imposent l’obtention préalable de l’autorisation de défrichement à toute autorisation administrative nécessaire à la réalisation d’une opération ou de travaux, la recevabilité d’un tel appel en ces termes :
» […] si la société X était seule titulaire des autorisations de défrichement, la délivrance de ces autorisations conditionnait celle du permis de construire sollicité par la société Y ; qu’ainsi, l’annulation par le tribunal administratif de Pau des autorisations de défrichement préjudiciait aux droits de la société Y ; que, par suite, la cour administrative de Bordeaux n’a pas commis d’erreur de droit en regardant comme recevable l’appel de la société dirigé contre le jugement en tant qu’il annulait les autorisations de défrichement litigieuses « .
Ainsi, du fait de l’existence de ces dispositions quasiment identique au sein des codes forestier et de l’urbanisme, le bénéficiaire d’un permis de construire peut avoir intérêt à agir dans le cadre d’une action contre une autorisation de défrichement dont il ne serait pas bénéficiaire mais qui aurait des conséquences sur son projet.
En second lieu, sur le fond, le Conseil d’Etat rend possible la régularisation d’une autorisation de défrichement, notamment au regard des mesures de compensation.
En l’espèce, le préfet a délivré une première autorisation de défrichement, subordonnée au financement d’opérations de boisement et d’aménagement en espaces boisés naturels, dont les modalités d’exécution étaient définies dans une convention signée entre la commune et les deux sociétés. Par la suite, le conseil municipal a retiré la délibération par laquelle il avait autorisé le maire à signer cette convention, entachant d’irrégularité ces mesures de compensation inexécutables. Une autorisation modificative de défrichement a alors été adoptée par le préfet, afin de substituer aux mesures de compensation définies dans l’autorisation initiale une nouvelle mesure, consistant à verser une indemnité au Fonds stratégique de la forêt et du bois.
En réponse au pourvoi des requérants, qu’il rejette, le Conseil d’Etat confirme ici l’arrêt de la cour administrative d’appel et juge que l’autorisation modificative de défrichement a bien eu pour effet de remplacer celle initiale, dont les mesures de compensation.
Dans ce cadre, en se prévalant d’éventuelles irrégularités ayant affecté la définition des mesures de compensation prévues par l’autorisation initiale, ou de ce que le retrait de la délibération du conseil municipal avait rendu illégale cette même autorisation initiale, les requérants ont invoqués des moyens inopérants.
En conclusion, comme en matière de permis de construire (voir la fameuse décision CE, 2 février 2004, n°238315, SCI La fontaine de Villiers), l’illégalité d’une autorisation initiale de défrichement peut être régularisée par la délivrance d’une autorisation modificative, en l’espèce en substituant les mesures de compensation prévues à des nouvelles. Ainsi, les éventuelles irrégularités soulevées à l’encontre de l’autorisation initiale deviennent inopérantes.
Rappelons également par les présents termes du Conseil d’Etat que la rédaction actuelle de l’article L. 341-6 du code forestier fait « de la définition de telles compensations une obligation » dans le cadre de l’obtention d’une autorisation de défrichement.
Camille Pifteau
Avocate – Cabinet Gossement Avocats
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