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Délais de recours contentieux : application de la jurisprudence Czabaj aux décisions non réglementaires et non individuelles pour lesquelles une notification est requise pour déclencher le délai de recours (Conseil d’Etat)
Par un arrêt du 25 septembre 2020 (n° 430945, publié au Recueil), le Conseil d’Etat a précisé le champ d’application de sa jurisprudence « Czabaj » rendue en formation d’Assemblée le 13 juillet 2016 (n°387763)
Faits et procédure
En l’espèce, la commune de Megève (Haute-Savoie) a souhaité intégrer dans son domaine public diverses voies privées ouvertes à la circulation du public, en application de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme dans sa rédaction en vigueur applicable au litige. Par un arrêté du 3 août 2006, le préfet de la Haute-Savoie a prononcé le transfert d’office et sans indemnité des parcelles concernées dans le domaine public communal. La décision, qui ne mentionnait pas les voies et délais de recours, a été notifiée aux propriétaires des parcelles le 17 août 2006.
Opposés à cette décision préfectorale, les requérants ont demandé son annulation devant le Tribunal administratif de Grenoble. Toutefois, le juge a rejeté leur requête pour tardiveté, par un jugement n° 1607373 du 20 février 2018.
Ils ont alors interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Lyon. Cette dernière, relevant que la requête a été enregistrée au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2016, soit plus de dix ans après l’expiration du délai de recours contentieux, les a déboutés par un arrêt n° 18LY01427 du 21 mars 2019. Les requérants ont ensuite formé un pourvoi en cassation.
La jurisprudence « Czabaj »
Par principe, la juridiction administrative de premier ressort ne peut être saisie que par voie de recours contentieux formé dans le délai de « deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée » (article R. 421-1 du code de justice administrative). Par exception, ces délais de recours contentieux ne sont opposables « qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision » (article R. 421-5 du code de justice administrative).
Ainsi, le non-respect de l’obligation d’informer l’intéressé d’une décision, sur les voies et les délais de recours, ou en l’absence de preuve qu’une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais recours contentieux précités.
Afin de garantir la sécurité juridique des situations consolidées par l’effet du temps, le Conseil d’Etat avait consacré par sa jurisprudence Czabaj, le principe selon lequel il est « fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d’une telle notification, que celui-ci a eu connaissance » (CE, Ass., 13 juillet 2016, Czabaj, n° 387763, point 5).
A l’occasion de cet arrêt d’Assemblée, il a jugé que, dans cette hypothèse, « le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d’un délai raisonnable » qui ne saurait, « sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant » et sous réserve de l’exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, « excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu’il en a eu connaissance ».
Dans l’espèce commentée, les requérants ont soutenu, devant la Cour administrative d’appel de Lyon, que leur demande n’était pas tardive. Ils avaient notamment soutenu que la jurisprudence Czabaj – qui ne serait cantonnée qu’aux décisions administratives individuelles – ne s’appliquait pas à la décision de transfert d’office litigieuse, qui s’apparente à un acte ni réglementaire ni individuel.
Par sa décision du 25 septembre 2020, le Conseil d’Etat a eu l’occasion de dégager plusieurs règles contentieuses en la matière.
D’une part, le Conseil d’Etat a étendu les règles issues de la jurisprudence Czabaj en considérant qu’elles sont « également » applicables à la contestation des « décisions non réglementaires qui ne présentent pas le caractère de décisions individuelles, lorsque la contestation émane des destinataires de ces décisions à l’égard desquels une notification est requise pour déclencher le délai de recours » (point 5).
Les règles contentieuses issues de la jurisprudence Czabaj ne sont dès lors pas seulement cantonnées aux décisions administratives individuelles mais s’appliquent ainsi également aux dites « décisions d’espèces ».
Le professeur René Chapus les définissait comme « des mesures qui ne font qu’appliquer à une espèce particulière une réglementation préalable, qui n’est pas modifiée » (Droit administratif général, tome 1, § 702). En outre, le code des relations entre le public et l’administration les définit comme « des décisions qui font une application particulière d’une réglementation à une situation ou à une opération donnée » (« Sous-section 2 Décisions ni réglementaires ni individuelles », éd. Dalloz, commentaire). Il en existe de multiple dans notre droit, telles que les déclarations d’utilité publique en matière d’expropriation, les actes de création d’une zone d’aménagement concerté, la décision portant fusion de commune, les décisions créant une servitude d’urbanisme, etc.
D’autre part, le Conseil d’Etat confirme une règle contentieuse – précédemment dégagée par un son arrêt du 13 octobre 2016 n° 381574 – relative au point de départ des délais de recours contentieux des décisions de transfert prises sur le fondement de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme. Il rappelle ainsi que le délai « ne peut courir, pour les propriétaires intéressés, qu’à compter de la date à laquelle celle-ci leur a été notifiée, peu important que cette décision ait été par ailleurs publiée ou affichée » (point 3).
Le point de départ du délai raisonnable, qui ne saurait excéder un an, ne peut donc pas courir à compter de la date à laquelle des propriétaires intéressés établiraient qu’ils auraient eu connaissance de l’arrêté de transfert.
Enfin, le Conseil d’Etat a précisé son office de juge de cassation dans le cadre de son contrôle.
En l’espèce, les requérants se sont bornés à invoquer devant la Cour, l’atteinte que porterait l’arrêté litigieux à leur droit de propriété. La Cour a estimé qu’ils ne faisaient état d’aucune circonstance particulière permettant de proroger au-delà d’un an le délai raisonnable dans lequel elles pouvaient exercer un recours juridictionnel.
A ce propos, le Conseil d’Etat considère que les juges du fond apprécient souverainement le point de savoir si un justiciable fait état d’une circonstance particulière justifiant de proroger au-delà d’un an le délai raisonnable au-delà duquel il est impossible d’exercer un recours juridictionnel. Il déclare n’exercer sur ce point qu’un contrôle de dénaturation des faits.
Depuis quelques années, le Conseil d’Etat ne cesse d’étoffer sa jurisprudence Czabaj. C’est donc dans la lignée de sa jurisprudence constante que le Conseil d’Etat garantit, par cette décision, le principe de sécurité juridique applicable aux situations consolidées par l’effet du temps. On peut donc penser que cette décision bouleversera, notamment, le contentieux de l’urbanisme dans lequel on retrouve de nombreuses décisions d’espèce.
Julie LOVERA
Juriste – Gossement Avocats
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