En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Eolien : la covisibilité d’un parc éolien avec « des bâtiments remarquables » doit être prise en compte (Conseil d’Etat, 22 septembre 2022, n°455658)
Par arrêt du 22 septembre 2022, n°455658 (publié au Recueil) le Conseil d’Etat a apporté une précision importante afin d’évaluer l’impact d’un projet de parc éolien sur les « bâtiments remarquables » présents sur le site destiné à accueillir le projet.
Faits et procédure
En l’espèce, le préfet de la Côte-d’Or avait refusé de délivrer à la société X l’autorisation d’exploiter un parc de cinq aérogénérateurs, refus qui a été validé en première instance. La cour administrative d’appel de Lyon a, à la demande de la société exploitante, annulé le jugement et enjoint le préfet de reprendre l’instruction de la demande d’autorisation (cf. CAA Lyon, 17 juin 2021, n°18LY03943). Un pourvoi en cassation a été formé par la ministre de la transition écologique contre cette décision.
Par arrêt du 22 septembre 2022, le Conseil d’Etat annule l’arrêt rendu par la cour administrative d’appel. L’arrêt retient que le critère de la covisibilité avec des monuments historiques peut, contrairement à ce qui a été jugé en appel, utilement caractériser une atteinte à l’un des intérêts protégés à l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme, y compris dans le cas où le projet de parc éolien devait s’implanter en dehors du périmètre de protection institué au titre des abords d’un monument historique.
Commentaire
En droit, pour mémoire, l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme (anciennement article R. 111-21) prévoit que « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des (…) ouvrages à édifier (…), sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ». Ainsi, l’autorité administrative doit prendre en compte les intérêts mentionnés à cet article pour délivrer une autorisation de construire.
Pour rechercher l’existence d’une atteinte susceptible de fonder un refus d’autorisation ou d’assortir l’autorisation de prescriptions spéciales conformément à l’article R. 111-27, le Conseil d’Etat a, aux termes d’une décision Engoulevent du 13 juillet 2012, n° 345970, élaboré une méthodologie constamment appliquée depuis (cf. par exemple récemment, CAA Marseille, 3 mai 2022, n°19MA04735). Selon le Conseil d’Etat, il convient, dans un premier temps, d’apprécier la qualité du site sur lequel le projet a vocation à s’implanter puis, dans un second temps, d’évaluer l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Il convient de souligner que cette méthodologie est également appliquée pour examiner la légalité d’une autorisation environnementale délivrée pour un projet de parc éolien, conformément à l’article L. 181-3 du code de l’environnement (pour un exemple récent, cf. CAA Douai, 18 juillet 2022, n°21DA00632).
Pour caractériser le site destiné à accueillir le parc éolien projeté, le juge administratif tient compte de l’ensemble des monuments et sites protégés qui sont répertoriés dans le périmètre proche et éloigné du site afin de déterminer si le projet est susceptible d’être en covisibilité avec l’un de ces monuments protégés (cf. en ce sens, CAA Bordeaux, 28 février 2022, n° 19BX04024). Il y a lieu de relever, sur ce point, que les abords des monuments historiques bénéficient d’un régime de protection spécifique (en l’occurrence, une servitude d’utilité publique) prévu aux articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine.
En l’espèce, par arrêt du 17 juin 2021, la cour administrative d’appel de Lyon avait jugé que le critère de covisibilité ne pouvait utilement être invoqué pour caractériser une atteinte à l’un des intérêts protégés par l’article R. 111-27 dès l’instant où le parc éolien projeté n’avait pas vocation à s’implanter dans le périmètre de protection institué au titre des abords. L’arrêt retient, en particulier, que si le parc éolien projeté sera visible depuis certains sites et monuments protégés, distants de plusieurs kilomètres, l’impact visuel sera « très limité » dès l’instant où, selon les juges du fond, « le critère de co-visibilité ne pouvant être utilement invoqué pour caractériser une atteinte contraire à l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme qui prolongerait, hors du périmètre de protection de ces monuments, la servitude d’utilité publique instituée par l’article L. 621-31 du code du patrimoine. » (cf. CAA Lyon, 17 juin 2021, n°18LY03943, §7). Ainsi, selon la cour, le fait de tenir compte du critère de covisibilité afin d’apprécier l’impact du projet sur les monuments historiques reviendrait à prolonger, en dehors du périmètre de protection, la servitude d’utilité publique instituée au titre de la protection des abords, ce qu’elle écarte.
La décision du 22 septembre 2022 s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence Engoulevent, qu’elle précise. Pour évaluer l’impact du parc éolien projeté sur le site, le Conseil d’Etat considère, contrairement à ce qui a été jugé en appel, qu’il convient de prendre en compte « l’ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d’autres législations». Plus précisément, l’arrêt du 22 septembre 2022 retient que le critère de covisibilité d’un projet de parc éolien avec des monuments historiques peut être pris en compte pour caractériser, le cas échéant, une atteinte qui serait contraire à l’article R. 111-27, peu importe que le parc projeté soit implanté, comme c’est le cas en l’espèce, en dehors du périmètre de protection prévu au titre des abords des monuments historiques.
L’arrêt précise, en effet que :
« 5. Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l’impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l’ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d’autres législations.
6. Il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que le critère de covisibilité avec des monuments historiques ne pouvait être utilement invoqué pour caractériser une atteinte contraire à l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme en raison de l’implantation du projet en dehors du périmètre de protection résultant des articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. Par suite, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens soulevés, la ministre de la transition écologique est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué. »
Les porteurs de projet sont, dès lors, invités à prêter une attention particulière au risque de covisibilité de leurs parcs éoliens projetés avec les « bâtiments remarquables », y compris lorsque ces derniers sont distants de plusieurs kilomètres du projet et peu importe qu’aucun des aérogénérateurs ne soit compris dans un périmètre de protection spécifique.
Emma Babin
Avocate associée
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