En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Hydroélectricité : une centrale sur un cours d’eau classé en liste 1 et en réservoir biologique ne constitue pas un obstacle à la continuité écologique (CAA Lyon, 14 mai 2025, n°23LY00401)
Par une décision du 14 mai 2025, la cour administrative d’appel de Lyon a annulé le jugement rendu par le tribunal administratif de Grenoble n°2002004 du 6 décembre 2022, lequel avait annulé l’autorisation environnementale délivrée par le préfet de la Haute-Savoie pour l’exploitation d’une centrale hydroélectrique sur un cours d’eau classé en liste 1 (réservoir biologique).
Faits et procédure
En l’espèce, la société X a sollicité une autorisation environnementale pour exploiter une centrale hydroélectrique sur un cours d’eau classé en liste 1, conformément au 1° de l’article R. 214-17 du code de l’environnement aux termes duquel le préfet identifie, pour chaque bassin ou sous-bassins, des cours d’eau ou parties de cours d’eau qui sont en très bon état écologique ou qui sont identifiés dans les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) comme jouant le rôle de réservoir biologique. Le projet de centrale hydroélectrique litigieux consiste à créer une prise d’eau reliée à une centrale par une conduite forcée enterrée.
Par un arrêté du 26 décembre 2019, le préfet de la Haute-Savoie a délivré l’autorisation environnementale sollicitée. Celui-ci a été contesté par une association, qui a saisi le tribunal administratif de Grenoble d’un recours en annulation. Par un jugement du 6 décembre 2022, le tribunal a annulé l’arrêté du 26 décembre 2019 et a enjoint la société X de démolir le seuil et de remettre en état le site. Sur demande de la société X, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Lyon a, par une ordonnance du 4 mai 2023 n°23LY00402, sursis à l’exécution du jugement précité. Statuant sur le fond, la cour a, par arrêt du 14 mai 2025 ici commenté, annulé ledit jugement.
La décision du 14 mai 2025 complète utilement la jurisprudence en matière de contrôle de légalité des autorisations environnementales délivrées pour des projets de centrales hydroélectriques, tout particulièrement sur les enjeux liés à la préservation de la continuité écologique et du bon état écologique des masses d’eaux.
Précisions sur l’impact d’un projet hydroélectrique sur l’hydrologie
Pour mémoire, les premiers juges ont annulé l’arrêté portant autorisation environnementale au motif que le projet modifierait substantiellement l’hydrologie de la réserve biologique et qu’à ce titre, il constituerait un obstacle à la continuité écologique conformément aux dispositions du 4° du I de l’article R. 214-109 du code de l’environnement (cf. point 6 du jugement).
Si la décision du 14 mai 2025 considère que la majeure partie du tronçon court-circuité par le projet se situe dans la partie du cours d’eau classée en liste 1, la cour considère que le projet n’affectera pas de manière substantielle l’hydrologie du cours d’eau. La décision retient, sur ce point, la circonstance que le débit réservé est supérieur au débit minimum biologique prévu par l’article L. 214-18 du code de l’environnement (1/10ème du module) et que l’arrêté est assorti de nombreuses prescriptions permettant notamment la constitution d’un réservoir biologique important ainsi qu’un suivi de l’hydrologie sur une durée de cinq ans avec une éventuelle réévaluation du module, ce qui permettrait d’ajuster le débit réservé.
Au-delà des circonstances particulières du projet litigieux, cette décision confirme l’attention portée par le juge administratif aux avis rendus par les autorités ou les organismes consultés lors de l’instruction de la demande d’autorisation environnementale (tels que ceux rendus en l’espèce, par l’agence française de la biodiversité (AFB) et la commission locale de l’eau).
Elle confirme, en outre, la nécessité pour le porteur de projet d’accorder un soin particulier à la rédaction de l’étude d’impact, la cour n’ayant pas hésité à s’appuyer sur les pièces du dossier, en particulier sur l’étude d’impact, pour remettre en cause en l’espèce les conclusions de l’AFB relatives à l’impact substantiel du projet sur l’hydrologie. L’arrêt précise sur ce point que :
« Si l’agence française de la biodiversité (AFB) qui, après avoir émis un premier avis favorable le 28 mai 2018 sur le projet d’attribution d’un débit réservé de 50 l/s, a estimé, par un courrier du 21 décembre 2018, que le projet en litige a un impact substantiel sur l’hydrologie du réservoir biologique concerné bien que le débit réservé ait été porté de 50 l/s à 80 l/s, du fait qu’il engendrerait une » réduction de 53 % de l’hydrologie de la réserve biologique « , une telle réduction n’est ni démontrée ni établie par les autres pièces du dossier. » (cf. point 4 de l’arrêt).
Sur la dispense de dérogation à l’interdiction de détérioration de l’état de la masse d’eau
S’agissant d’un projet consistant à créer une prise d’eau reliée à une centrale par une conduite forcée, la décision rappelle tout d’abord qu’un tel projet consiste une dérivation et non un prélèvement d’eau, ce qui est une clarification utile dès l’instant où les débits d’eau prélevés sont immédiatement restitués en aval.
Pour écarter le moyen soulevé par les requérants en première instance tiré de la méconnaissance de la procédure de dérogation à l’interdiction de dégradation de l’état d’une masse d’eau, l’arrêt relève la faible incidence du projet sur les milieux aquatiques, l’absence d’incidence sur le transport sédimentaire et la faiblesse des enjeux piscicole. La décision retient, en outre, que la requérante ne démontre pas que l’état de la masse d’eau concernée serait détériorée par l’implantation de la centrale hydroélectrique dès lors qu’il a été établi que celui-ci n’affectera pas de manière substantielle l’hydrologie du réservoir biologique.
La décision rappelle ainsi que l’implantation d’un ouvrage hydroélectrique sur un cours d’eau classé en liste 1 n’emporte pas ispo facto détérioration de l’état de la masse d’eau et qu’une analyse circonstanciée des incidences du projet sur les milieux aquatiques, le transport sédimentaire ainsi que l’hydrologie doit être menée afin de déterminer, le cas échéant, si une dérogation au principe de non détérioration est requise.
La contribution du projet aux engagements en matière de production d’énergies d’origine renouvelable
On relèvera avec intérêt que, pour écarter l’allégation selon laquelle l’utilité publique du projet ne serait pas établie, la cour retient que le projet permet d’alimenter en électricité jusqu’à 2800 foyers, soit 15% de la population de la commune concernée et que le projet contribue à l’obligation pour la France d’honorer ses engagements en matière d’électricité verte mais aussi de la couverture électrique de la commune concernée (il est en effet prévu que le projet puisse constituer un élément de secours du réseau électrique mobilisable par Enedis au profit des habitants de la commune concernée) (cf. point 23 de la décision).
Cette partie de la décision tranche avec, par exemple, la décision rendue par le Conseil d’État le 18 avril 2024 n° 471141, aux termes de laquelle la Haute juridiction avait notamment relevé que le projet litigieux (un parc éolien) « n’apporterait qu’une contribution modeste à la politique énergétique nationale de développement de la part des énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie ». Mais il est vrai qu’aux termes de cette décision, le Conseil d’État se prononçait sur les conditions de l’octroi de la dérogation « espèces protégées », plus particulièrement sur l’existence de raisons impératives d’intérêt public majeur.
Si le caractère particulièrement circonstanciée de la décision du 14 mai 2025 en limite nécessairement la portée, il n’en demeure pas moins qu’une telle décision a le mérite de confirmer qu’une centrale hydroélectrique peut s’implanter sur un cours d’eau classé en liste 1, sans méconnaître nécessairement les dispositions législatives et règlementaires applicables à la préservation de la continuité écologique ni détériorer l’état de la masse d’eau.
Emma Babin
Avocate
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