Allégations environnementales : publication du nouveau « Guide pratique des allégations environnementales à destination des consommateurs et des professionnels »

Mai 28, 2023 | Environnement

La prévention et la répression de l’écoblanchiment (« greenwashing ») viennent de connaître d’une nouvelle étape. Ce 26 mai 2023, le Conseil national de la consommation a publié la nouvelle version de son « Guide pratique des allégations environnementales à destination des consommateurs et des professionnels« . Présentation. 

Tout acteur économique devrait désormais procéder à un audit juridique des allégations environnementales, explicites ou implicites, qu’il entend formuler à propos d’un bien ou d’un service qu’il propose ou à propos de sa propre organisation. Alors que le droit de l’Union européenne sera bientôt doté de deux nouvelles directives relatives aux allégations environnementales, le CNC publie une nouvelle version – très attendue – de son « guide pratique des allégations environnementales à destination des consommateurs et des professionnels ».

Pour mémoire, une première version du guide des allégations a été publiée en novembre 2010. Ce guide a été complété en février 2012, par l’ajout de 8 nouvelles allégations. La nouvelle version de ce guide, publiée ce 26 mai 2023, est le résultat d’un travail engagé en 2019. Comme le précise l’avis du 20 mars 2023 par lequel le CNC a adopté ce guide révisé, le groupe de travail était composé de membres du CNC (conseil national de la consommation), du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, l’Agence de la transition écologique (ADEME) et de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

Ce guide est constitué de deux parties. La première est consacrée au cadre juridique applicable, qui a considérablement évolué ces dernières années. La seconde a une portée plus pratique pour l’utilisation volontaire par les professionnels de différentes allégations environnementales.

I. La valeur juridique du guide

Ainsi que le précise l’introduction de ce guide, celui-ci n’a pas de valeur réglementaire :

« le guide n’a pas de valeur réglementaire, mais il constitue un document de référence qui décrit l’état du droit et qui fixe des lignes directrices au regard des connaissances scientifiques du moment pour le recours à des allégations environnementales. S’il n’existe pas de sanction en cas de non-respect de ce guide, les services de la DGCCRF peuvent, en tout état de cause, dans le cadre de leur mission de contrôle, s’appuyer sur son contenu pour relever et sanctionner les manquements ou infractions aux dispositions légales en vigueur, s’agissant tout particulièrement des pratiques commerciales trompeuses. »

Toutefois, il serait erroné de conclure à l’absence de toute valeur juridique de ce guide, notamment pour les motifs suivants.

  • Ce guide est certainement une référence, tant pour l’administration que pour tous les acteurs économiques qui sont de plus en plus nombreux à formuler des allégations environnementales.
  • Il est tout à fait possible que ces acteurs économiques s’obligent entre eux, par exemple par contrat écrit, à respecter les termes de ce contrat.
  • Le droit positif et plus particulièrement le droit de l’Union européenne va bientôt comprendre de nombreuses nouvelles règles relatives à la formulation et à la communication des allégations environnementales. Dans ce contexte, le risque juridique et réputationnel relatif au maniement des allégations environnementales est devenu plus important
  • Rien n’interdit au juge de tenir compte des termes de ce guide dans son analyse des obligations des parties à un procès qui aurait pour origine un litige relatif à la formulation d’allégations environnementales. Le contentieux des pratiques commerciales trompeuses pourrait sans doute un jour accueillir des débats sur le sens et la portée de ce guide.

Au demeurant, le guide lui-même fait état de mécanismes qui sont d’ores et déjà à la disposition des consommateurs pour assurer le respect des recommandations qu’il contient.

Le consommateur peut ainsi utiliser la plateforme SignalConso : « En cas de doute sérieux sur la véracité d’une allégation, la première démarche est de se rapprocher du professionnel et de lui demander des informations complémentaires. Dans le cas où l’entreprise concernée dispose d’un service consommateurs, il est recommandé de lui transmettre une réclamation écrite. Il est également toujours possible d’utiliser la plateforme SignalConso (https://signal.conso.gouv.fr) ou d’écrire à DGCCRF- RéponseConso – B.P.60 – 34935 Montpellier Cedex 9.« 

Il peut aussi saisir l’ARPP ou son jury de déontologie publicitaire : « Par ailleurs, un consommateur peut signaler une publicité à l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ou au Jury de déontologie publicitaire (JDP), instance associée au dispositif de régulation professionnelle de la publicité concertée avec la société civile qui a été mis en place par l’ARPP, dont les avis, rendus publics, peuvent conduire à faire cesser la diffusion d’une campagne publicitaire« 

II. La définition des allégations environnementales

La notion d’allégations environnementales ne fait pas encore l’objet, en droit positif, d’une définition complète. Pour l’heure, le droit positif comporte surtout une liste des allégations environnementales d’ores et déjà interdites ou interdites sous condition. C’est ainsi que l’article L.541-9-1 du code de l’environnement interdit d’ores et déjà les mentions suivantes : « Il est interdit de faire figurer sur un produit ou un emballage les mentions  » biodégradable « ,  » respectueux de l’environnement  » ou toute autre mention équivalente. »

Allégations environnementales et pratiques commerciales trompeuses. Pour l’heure, en droit interne, la notion d’allégation environnementale est susceptible d’être maniée pour qualifier une pratique commerciale trompeuse. A la suite de l’entrée en vigueur de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, l’article L121-2 du code de la consommation dispose qu’une pratique commerciale est trompeuse, notamment lorsqu’elle repose sur des allégations erronées relatives à l’impact environnemental d’un bien ou service ou lorsqu’elle procède d’engagements pris en matière environnementale, eux aussi erronés : 

« Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :(..)

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants:

(…) b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l’apposition des mentions  » fabriqué en France  » ou  » origine France  » ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l’Union sur l’origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;

(..)e) La portée des engagements de l’annonceur, notamment en matière environnementale, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; (…) » (nous soulignons)

Le projet de définition de la Commission européenne. Il convient de souligner que, le 30 mars 2022 Commission européenne a présenté une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2005/29/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et à de meilleures informations (pour en savoir plus sur le contenu de cette proposition de directive : cf. notre commentaire).
Cette proposition de directive comporte notamment la définition de la notion d’allégations environnementales » qui serait ainsi rédigée :

« o) ‘allégation environnementale’: tout message ou toute déclaration non obligatoire en vertu du droit de l’Union ou du droit national, notamment du texte, une image, une représentation graphique ou un symbole, sous quelque forme que ce soit, y compris un label, une marque, une dénomination sociale ou une dénomination de produit, dans le cadre d’une communication commerciale, qui affirme ou suggère qu’un produit ou un professionnel a une incidence positive ou nulle sur l’environnement, est moins préjudiciable pour l’environnement que d’autres produits ou professionnels, ou a amélioré son incidence environnementale au fil du temps.« 

Outre cette définition de la notion d’allégations environnementales, la Commission européenne a proposé – au sein du même article 2 de la directive 2005/29/CE – de définir les catégories suivantes :
  • « allégation environnementale explicite » : une allégation environnementale sous forme de texte ou faisant partie d’un label de durabilité;
  • « allégation environnementale générique » : toute allégation environnementale explicite qui ne fait pas partie d’un label de durabilité, lorsque la spécification de l’allégation n’est pas fournie en des termes clairs et bien visibles sur le même support ; »

La définition retenue par les auteurs du guide des allégations environnementales. Il est intéressant de souligner que, dans l’attente d’une définition stable de cette notion en droit positif, le guide en propose une, principalement tirée de la norme ISO 140211 :

« Qu’est-ce qu’une allégation environnementale ?

La notion d’allégation recouvre l’action d’alléguer, c’est-à-dire de citer un fait, une autorité, une norme de droit ou un autre texte de référence comme preuve de ce qu’on affirme, afin de s’en prévaloir.
En marketing, l’allégation est synonyme de déclaration de l’entreprise quant aux qualités du produit proposé, qu’il s’agisse d’un bien ou d’un service, et plus largement quant aux avantages et aux bienfaits qu’il est censé procurer.
La Norme ISO 140211 définit les allégations environnementales comme des mentions, symboles ou graphiques indiquant un aspect environnemental d’un produit, d’un composant ou d’un emballage.
Elle précise :
« Une allégation environnementale peut apparaître sur les étiquettes du produit ou de l’emballage, sous forme de documentation relative au produit, de bulletins techniques, de publicité, de publications, de télémarketing, ou être véhiculée par le biais de supports numériques ou électroniques tels qu’internet. »
Une allégation est donc un message sur une ou plusieurs qualités ou caractéristiques environnementales du produit (ou de son emballage), qui permet de distinguer et valoriser un produit (bien ou service) ou son emballage. Cette allégation peut être visible sur l’emballage, sur l’étiquette ou sur la publicité du produit en vue de sa commercialisation ou pour information.
Il est essentiel de distinguer les allégations environnementales des informations portant uniquement sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits ou de l’information environnementale du produit
« 

Le guide prend également soin de rappeler qu’une allégation peut être qualifiée d’allégation environnementale, quelle que soit sa forme :

« Quelle forme peut prendre une allégation environnementale et sur quel support peut-elle figurer ?

Les allégations environnementales peuvent être présentes sur le produit ou sur son emballage, ainsi que sur différents supports : affichage, documents d’accompagnement, brochure, publicité, ou page Internet.
La notion d’allégation environnementale s’inscrit dans celle plus large de la pratique commerciale ainsi définie : « toute action, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit au consommateur.
Les allégations environnementales peuvent prendre plusieurs formes visuelles telles que des images, du texte ou d’autres signes distinctifs ou figuratifs (logo, couleur, mots, groupes de mots, dénominations) et/ou parfois sonores.
« 

III. Les nouvelles recommandations pour l’utilisation par les professionnels des allégations environnementales

La version 2023 du guide 2023 comporte une liste considérablement plus étendue et plus détaillée de recommandations, assorties de précisions très intéressantes sur le contenu des allégations environnementales les plus courantes ou faisant déjà l’objet d’une réglementation. Les deux annexes du guide comportent en outre des conseils méthodologiques très pertinents pour le choix et la rédaction des allégations.

Les recommandations sont classées en deux parties, selon qu’elles intéressent les allégations sur les produits ou sur les entreprises

Allégations sur les produits

  • Allégations « sans substances x »(produits non alimentaires)
  • Bio (produits non alimentaires)
  • Biosourcé
  • Compostable
  • Dépolluant, assainissant, purifiant
  • Durable
  • Ecoconçu
  • Économe : « consomme moins »
  • Écotoxicité réduite et allégations de même nature
  • Renouvelable / Emploi de ressources renouvelables
  • Empreinte écologique réduite
  • Low-tech
  • Naturel (produits non alimentaires)
  • Recyclable
  • Réemployable/ Réutilisable
  • Réparable
  • Upcyclé / Upcycling ou Upcyclage ou Surcyclage

Allégations relatives aux entreprises

  • Allégations environnementales qualifiant une entreprise
  • Les opérations de compensation

On notera tout particulièrement l’entrée « les opérations de compensation ». A ce titre, le guide précise : 

« Les opérations de compensation
(Par exemple : « un produit acheté = un arbre planté »)

Définition

Une compensation écologique se définit comme un «
ensemble d’actions en faveur de l’environnement, permettant de contrebalancer les
dommages causés par la réalisation d’un projet qui n’ont pu être évités
ou limités. La compensation écologique peut consister en la protection
d’espaces naturels, la restauration, la valorisation ou la gestion dans la
durée, d’habitats naturels ».
Les allégations se rapportant à une opération de compensation ne
concernent pas les activités de l’entreprise ou le produit, mais un engagement externe du professionnel en faveur de la protection de l’environnement. Ces allégations ne doivent pas laisser entendre au consommateur que le produit a certaines qualités environnementales, ni que l’intégralité de ses impacts environnementaux a été compensée. En effet, ce n’est généralement pas le cas, puisque la compensation ne concerne souvent qu’un seul impact, l’effet de serre par exemple, qu’elle contrebalance en tout ou partie. Ainsi, la démarche doit être présentée clairement et précisément :
afin de ne pas créer de confusion entre le bienfait de la démarche pour l’environnement et les impacts du produit lui-même sur
l’environnement

afin de ne pas permettre de doute chez le consommateur sur la nature de l’opération présentée. En outre, l’opération de compensation doit avoir été effectivement engagée, être quantifiable et vérifiable (exemples : nombre d’arbres plantés, sommes versées à des ONG…), significative eu égard au volume d’affaires dégagé ou prévu pour le produit en cause, et pertinente en termes de

bénéfices attendus pour l’environnement
.
« 

Conclusion. Ce guide, très utile, est publié à la veille de la publication de plusieurs textes importants qui auront pour effet de constituer un cadre juridique solide et cohérent pour la formulation et la communication d’allégations environnementales. Dans un contexte où les pratiques d’écoblanchiment (greenwashing) ne sont plus tolérées. Toute entreprise, organisation ou collectivité a certainement intérêt à s’en saisir pour vérifier la légalité des allégations qu’elle formule, explicites ou implicites, sur ses biens, services ou sur elle-même.

Arnaud Gossement
avocat, docteur en droit

professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne


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