Recours administratif : abandon de la prise en compte de la date de réception au profit de la date d’expédition pour les délais de recours (Conseil d’Etat)

Juil 4, 2025 | Droit de l'Environnement

Par une décision du 30 juin 2025, n°494973, le Conseil d’Etat a simplifié la règle de calcul du délai à respecter pour l’introduction, par voie postale, d’un recours administratif, gracieux ou hiérarchique à l’encontre d’une décision administrative. Le principe est désormais que « la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi. Il en va de même pour apprécier si un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, a pour effet de conserver ce délai ».

Pour rappel, sauf règlementation contraire, toute décision administrative peut faire l’objet, dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, d’un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai contentieux. Le délai du recours contentieux, prorogé par l’exercice du recours administratif, ne recommence à courir à l’égard de la décision initiale que lorsqu’il a été rejeté. Le respect de ces délais conditionne la recevabilité du recours en annulation.

Jusqu’à présent, l’interruption du délai de recours contentieux était caractérisée à la date de réception du recours administratif. Un recours administratif reçu après le délai de recours faisait obstacle à la possibilité de contester l’acte administratif devant le juge. Par sa décision du 30 juin 2025, le Conseil d’Etat a modifié cette règle, en opérant un revirement de la jurisprudence.

La simplification des règles pour le recours administratif envoyé par voie postale

Aux termes de sa décision du 30 juin 2025, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours administratif adressé par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, et non la date de sa réception. Le cachet de la poste de la date d’envoi fait foi :

« 2. Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu’elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi. Il en va de même pour apprécier si un recours administratif, gracieux ou hiérarchique, a pour effet de conserver ce délai. »

De sorte qu’un tel recours gracieux ou hiérarchique permettra de conserver les délais de recours lorsqu’il sera envoyé, et non plus reçu, avant l’expiration du délai de recours contentieux.

Cette nouvelle appréciation a pour but de sécuriser les administrés utilisant la voie du recours administratif. La réception de ces derniers envoyés par voie postale pouvait arriver tardivement et intervenir après l’expiration du délai contentieux même si l’envoi était antérieur et que l’administré était diligent.

Par cette décision, le Conseil d’Etat vient finalement simplifier la saisine de l’administration ainsi que la gestion des délais de recours.

Une appréciation attendue, nécessaire et cohérente

La décision rendue par le Conseil d’Etat le 30 juin 2025 était attendue. Il importe en effet de rappeler que le Conseil d’Etat, par une décision du 13 mai 2024, n°466541, a déjà pu modifier la jurisprudence applicable concernant la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux. Dans cette décision, il a jugé que ce n’était plus la date de réception, mais est celle de l’expédition du recours qui devait prévaloir.

La question s’était alors posée de savoir si cette nouvelle règle jurisprudentielle se limitait à l’envoi postal des recours contentieux. Ou si elle pouvait d’étendre à l’envoi postal des recours administratifs non obligatoires. En tout état de cause, la décision du 13 mai 2024 du Conseil d’Etat ne tranchait pas la question du recours administratif facultatif. L’appréciation du Conseil d’Etat était donc attendue pour ce dernier.

La réponse à cette question a été apportée par la décision du 30 juin 2025, et par l’affirmative.

Entretemps, des juridictions administratives avaient déjà pu faire prévaloir la date d’envoi au détriment de la date de la réception des recours administratifs, en s’inscrivant dans le sens de la décision du 13 mai 2024 (Cf. Par exemple, CAA Versailles, 1er juillet 2024, n°21VE03465).

En outre, la prise en compte de la date d’envoi est également la règle pour les recours administratifs préalables obligatoires.

Plus largement, il s’agit de la règle qui s’applique pour toute demande d’une personne lorsque celle-ci est tenue, à l’égard de l’administration, de respecter une date limite pour présenter une demande, déposer une déclaration, exécuter un paiement ou produire un document (Cf. Article L. 112-1 du code des relations entre le public et l’administration). Cette disposition ne concerne pas les recours administratifs non obligatoires. L’appréciation du Conseil d’Etat était nécessaire pour clarifier la situation.

La décision du 30 juin 2025 s’insère dans ce contexte juridique. Elle permet d’harmoniser la règle de l’envoi pour les différentes saisines des administrés. Ces derniers se trouveront dans une situation analogue, qu’ils adressent par voie postale un recours administratif préalable obligatoire, un tel recours non obligatoire, ou un recours contentieux auprès d’une juridiction administrative.

Le droit vient à de nombreuses reprises complexifier les règles de recevabilité en matière de recours contre un acte administratif. Tel est en particulier le cas en droit de l’urbanisme et en droit de l’environnement. Cette décision poursuit au contraire une simplification et une mise en cohérence des règles applicables pour les administrés.

Florian Ferjoux

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