En bref
Certificats d’économies d’énergie (CEE) : arrêté du 7 avril 2025 modifiant l’arrêté du 4 septembre 2014
Modification de l’arrêté tarifaire S21 : refonte majeure actée et à venir des conditions d’achat pour les installations sur toiture et ombrière inférieure ou égale à 500 kWc
Code minier : publication de l’arrêté du 3 avril 2025 soumettant les décisions d’octroi, d’extension ou de prolongation des concessions et permis exclusifs de recherches (PER) à évaluation environnementale
Déforestation importée : consultation publique sur un projet de règlement modifiant le règlement 2023/1115 (RDUE)
Round up 360 : le tribunal administratif de Lyon procède à une application extensive du principe de précaution
Par jugement n°1704067 du 15 janvier 2019, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 6 mars 2017 par laquelle le directeur général de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a autorisé la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique Roundup Pro 360 par la société Monsanto.
A titre liminaire, il convient de préciser que la présente note procède d’une analyse strictement juridique du jugement étudié, l’auteur de ces lignes faisant abstraction – autant que faire se peut – de l’appréciation personnelle qu’il peut également avoir de cette annulation de l’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytosanitaire.
Résumé
Par jugement n°1704067 du 15 janvier 2019, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 17 mars 2017 par laquelle le directeur de l’ANSES a autorisé la mise sur le marché du « Round up pro 360 » par la société Monsanto.
Après avoir procédé à sa propre qualification du risque sanitaire et environnemental généré par la mise sur le marché de ce produit, le tribunal administratif de Lyon a jugé que « l’ANSES a commis une erreur d’appréciation au regard du principe de précaution défini par l’article 5 de la charte de l’environnement en autorisant le Roundup Pro 360 malgré l’existence de ce risque« .
Du strict point de vue juridique, ce jugement « tranche » avec la jurisprudence administrative passée en la matière.
– d’une part le tribunal administratif de Lyon a entendu augmenter l’intensité du contrôle exercé sur l’appréciation du risque par l’autorité administrative compétente, ici l’ANSES ;
– d’autre part, ce tribunal administratif a procédé à une application directe du principe de précaution en en retenant une définition très volontaire.
Sur le fond, ce jugement appelle les observations suivantes.
Le contrôle plus intense de l’appréciation du risque par l’autorité administrative compétente
A titre liminaire, il convient de rappeler – même très schématiquement – de quelle manière le juge administratif – qui n’est pas un scientifique – contrôle l’appréciation par l’administration d’une situation scientifique ou complexe.
Généralement, lorsque le juge administratif contrôle l’appréciation par l’administration d’une situation scientifique ou complexe, il « restreint » son contrôle à la recherche d’une « erreur manifeste d’appréciation ». Ce n’est alors que si l’administration a, à l’évidence et sans véritable discussion possible, commis une erreur d’analyse que le juge peut annuler la décision prise après une telle erreur. Dans d’autres cas, le juge procède à un contrôle normal de l’erreur d’appréciation. Il n’est pas utile de détailler ici les différences entre ces deux contrôles.
Au cas présent, le tribunal administratif de Lyon a opéré, non un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation mais un contrôle normal de l’erreur d’appréciation éventuellement commise par le directeur de l’ANSES : il a donc augmenté l’intensité de son contrôle.
En premier lieu, le tribunal administratif de Lyon a entendu procédé lui-même à la qualification du risque :
« 11. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le Roundup Pro 360 est probablement cancérogène pour l’homme eu égard notamment au résultat des expériences animales, est une « substance suspectée d’être toxique pour la reproduction humaine » au regard des expériences animales et est particulièrement toxique pour les organismes aquatiques. Dès N° 1704067 10 lors, malgré les précautions d’emploi fixées par la décision attaquée, qui préconise un délai minimal de 7 à 21 jours entre le traitement des cultures et la récolte et une distance de sécurité de cinq mètres pour les zones aquatiques adjacentes non traitées, l’utilisation du Roundup Pro 360, autorisée par la décision attaquée, porte une atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé.(…) «
En deuxième lieu, le tribunal administratif de Lyon critique l’erreur d’appréciation de l’ANSES mais aussi celle de l’EFSA qui est pourtant un organe scientifique de niveau européen. Et ce, en pointant une contradiction éventuelle entre son analyse et sa conclusion à propos du risque propre au glyphosate :
« Si l’étude de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ne classe le glyphosate ni en catégorie 1B, ni même en catégorie 2 « Substances suspectées d’être cancérogènes pour l’homme », l’EFSA explique sa différence de classification du glyphosate avec le CIRC par le fait que ce dernier s’est intéressé à la fois au glyphosate et aux préparations N° 1704067 9 en contenant. L’EFSA admet ainsi que les données scientifiques disponibles permettent de penser que certaines préparations contenant du glyphosate sont probablement cancérogènes sans que la substance active le soit.«
Après avoir étudié les pièces du dossier et souligné la fragilité – selon lui- des avis émis par l’EEFSA et l’ANSES, le tribunal administratif de Lyon procède donc à sa propre qualification du risque et en déduit une « erreur d’appréciation » de la part de l’ANSES.
Nous sommes donc bien en présence d’un contrôle dont l’intensité est supérieure à celle généralement réalisée par le juge administratif.
Sur l’application directe et extensive du principe de précaution
S’agissant spécifiquement du principe de précaution, le jugement rendu par le Tribunal administratif de Lyon retient l’attention à plusieurs titres.
En premier lieu, le jugement précise que le principe constitutionnel de précaution est d’application directe, sans besoin du vecteur d’une loi :
« 6. Les dispositions de l’article 5 de la Charte de l’environnement, à laquelle le Préambule de la Constitution fait référence en vertu de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005, sont relatives au principe de précaution. Elles n’appellent pas de dispositions législatives et réglementaires précisant les modalités de mise en œuvre de ce principe. Elles s’imposent donc aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leurs domaines de compétence respectifs. Il résulte des dispositions des articles 1er et 5 de la Charte de l’environnement ainsi que de l’article L. 110-1 du code de l’environnement que le principe de précaution s’applique en cas de risque de dommage grave et irréversible pour l’environnement ou d’atteinte à l’environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé.«
Ce point là a été discuté mais, à notre sens, n’est plus discutable. Reste une autre question qui n’est pas tout à fait tranchée par le tribunal administratif de Lyon et relative à l’articulation entre l’application du principe constitutionnel de précaution et celle du droit de l’Union européenne afférent aux produits phytopharmaceutiques.
En deuxième lieu, le jugement fait application du principe de précaution a une autorisation qui n’a pas été précédée d’une évaluation des risques. Il s’agissait au demeurant d’un argument important pour l’ANSES qui a fait valoir que l’autorisation du Round up pro 360 était la conséquence logique de celle d’un autre produit phytopharmaceutique : le Typhon. C’est ce dernier qui a fait l’objet d’une évaluation des risques.
Cette absence d’évaluation des risques du Round up 360 ne faut pas obstacle, pour le tribunal administratif de Lyon, à l’application directe du principe de précaution.
En troisième lieu et surtout, le tribunal administratif de Lyon procède à une interprétation assez extensive du de la portée du principe de précaution.
Il convient de rappeler la définition de ce principe à l’article 5 de la Charte constitutionnelle de l’environnement :
« Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.«
Aux termes de cette définition, le principe de précaution :
– impose à l’autorité publique de décider en situation d’incertitude scientifique
– mais il n’indique pas quel doit être le sens de cette décision (autorisation, refus d’autorisation, interdiction..) ;
Jusqu’à présent, le Conseil d’Etat a toujours fait application du principe de précaution dans le cadre d’un contrôle restreint à l’erreur manifeste d’appréciation et sans indiquer quelle doit être le sens de la décision de l’administration lorsqu’elle est tenue de faire application de ce principe (cf. par ex. CE, 19 octobre 2018, n°411536).
Or, le Tribunal administratif de Lyon va plus loin en déduisant ici du principe de précaution une obligation pour le directeur de l »ANSES, compte tenu de l’appréciation du risque qui aurait dû être la sienne, de refuser l’autorisation de mise sur le marché du produit litigieux. Ce qui revient à une interprétation assez ambitieuse de la portée du principe de précaution. En cas d’appel voire de cassation, il sera intéressant d’étudier l’analyse qui sera effectuée par les juridictions supérieures (cour administrative d’appel de Lyon puis Conseil d’Etat).
En conclusion, il est trop tôt pour identifier avec précision les suites qui seront données, tant par l’ANSES que par le ministre compétent à cette décision du Tribunal administratif de Lyon. Il convient cependant de faire montre de la plus grande prudence car un appel est possible.
D’ores et déjà il est toutefois possible de déduire de ce jugement l’impérieuse nécessité de revoir enfin les procédures d’autorisation de mise sur le marché de ces produits qui ne sont pas anodins de par leurs risques. Les conditions d’expertise et d’évaluation de ces demandes d’autorisation sont désormais critiquées, non sans motifs, par le juge lui-même et cela justifie une intervention du législateur européen et français.
Arnaud Gossement
Avocat associé – Cabinet Gossement Avocats
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