Travaux miniers : l’étude d’impact doit porter sur la totalité du projet (Tribunal administratif de la Guyane)

Fév 18, 2019 | Droit de l'Environnement

Par jugement du 11 février 2019 (n° 1800145 et 1800149), le tribunal administratif de Cayenne a apporté des précisions intéressantes sur le périmètre de l’étude d’impact propre à un projet soumis à autorisation environnementale, ainsi que sur l’exigence d’autonomie de l’autorité environnementale.

Dans cette affaire, une société, déjà exploitante d’un programme minier dans la zone, a formulé une demande d’autorisation d’ouverture de travaux miniers (AOTM) pour une exploitation d’or alluvionnaire au sein de sa concession. Par un arrêté du 13 décembre 2017 le préfet de Guyane a autorisé cette exploitation.

Par deux requêtes séparées des associations ont formé un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de cette décision.

Le tribunal administratif a fait droit à leur demande et a fondé son annulation sur deux moyens.

En premier lieu, le tribunal administratif a regardé l’étude d’impact comme insuffisante. Selon lui, le préfet aurait dû relever la préexistence d’un programme minier dans la zone d’exploitation et ainsi regarder les exploitations comme un projet unique. L’absence de prise en compte de l’exploitation existante entraîne l’insuffisance de l’étude d’impact qui aurait dû porter sur le projet global.

Pour assimiler les deux projets d’exploitation, outre leur proximité immédiate, le tribunal a établi qu’il y avait identité du secteur d’exploitation et de la ressource recherchée. Il a également considéré la différence des moyens d’exploitation, alluvionnaire pour l’un et par extraction pour l’autre, comme insuffisante pour écarter la qualification de projet unique.

Ainsi, et dès lors que les projets sont regardés comme constituant un seul et même projet, l’étude d’impact imposée par le point III de l’article L. 122-1 du code de l’environnement doit être commune. La procédure était donc entachée d’une illégalité substantielle.

En second lieu, les juges ont considéré que l’autorité environnementale qui s’est prononcée sur la délivrance de l’autorisation environnementale n’était pas autonome vis-à-vis de l’autorité signataire de l’arrêté litigieux.
Ici le tribunal s’évertue à restituer pédagogiquement le cadre juridique.

D’une part, il évoque les exigences du droit européen et l’importance de garantir une autonomie à l’autorité environnementale. Spécifions que cette dernière intervient afin de rendre « un avis sur l’évaluation environnementale des plans et programmes ou sur l’étude d’impact des projets, publics ou privés, susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, avant leur approbation ou leur autorisation, afin de permettre la prise en compte de ces incidences ». Il est donc nécessaire qu’elle soit en mesure de le faire, et, pour ce faire, qu’elle dispose d’une autonomie réelle vis-à-vis de l’autorité décisionnaire.

D’autre part, le tribunal rappelle que l’autorité compétence pour autoriser un projet peut être chargée de la consultation en matière environnementale uniquement s’il existe une séparation fonctionnelle au sein de cette autorité. Une séparation qui se traduit par une autonomie interne.

En l’espèce, la même autorité s’est successivement prononcée sans apporter la preuve d’une séparation fonctionnelle, ce qui justifie l’annulation de l’arrêté.

En conséquence, la juridiction a déduit que l’exploitation ne pouvait être réalisée en l’état et a annulé l’arrêté.

Laetitia Domenech

Juriste

Gossement Avocats

Vous avez apprécié cet article ? Partagez le sur les réseaux sociaux :

Découvrez le cabinet Gossement Avocats

Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d’excellence :
droit de l’environnement, droit de l’énergie, droit de l’urbanisme, tant en droit public qu’en droit privé.

À lire également

Dérogation espèces protégées : l’administration n’est pas tenue de vérifier la fiabilité d’un dispositif anticollision prescrit par le juge administratif ou d’exiger le dépôt d’une demande de dérogation (Conseil d’Etat, 22 décembre 2025, n°497091 et 492940)

Dérogation espèces protégées : l’administration n’est pas tenue de vérifier la fiabilité d’un dispositif anticollision prescrit par le juge administratif ou d’exiger le dépôt d’une demande de dérogation (Conseil d’Etat, 22 décembre 2025, n°497091 et 492940)

Par deux décisions rendues ce 22 décembre 2025, le Conseil d'Etat a apporté d'importantes précisions relatives à la procédure d'autorisation de déroger à l'interdiction de destruction d'espèces protégées. En premier lieu, la Haute juridiction administrative a jugé que...

Charte de l’environnement : le juge judiciaire est compétent, à certaines conditions, pour statuer sur une demande de réparation du préjudice écologique causé par une activité autorisée (AMM) par l’administration (Cour de cassation, 13 novembre 2025, n°500 FS-B)

Charte de l’environnement : le juge judiciaire est compétent, à certaines conditions, pour statuer sur une demande de réparation du préjudice écologique causé par une activité autorisée (AMM) par l’administration (Cour de cassation, 13 novembre 2025, n°500 FS-B)

En cette année du vingtième anniversaire de la Charte de l'environnement, la Cour de cassation vient, pour la deuxième fois (cf. notre commentaire) d'en faire application. Mais d'une manière qui peut apparaître surprenante. Par un arrêt rendu ce 13 novembre 2025, la...

Dérogation espèces protégées : l’illégalité de l’autorisation d’exploiter une activité industrielle peut démontrer l’existence d’un « risque suffisamment caractérisé » imposant au préfet d’enjoindre au porteur de projet de déposer une demande de « dérogation espèces protégées » (TA Guyane, 11 décembre 2025, Association Guyane Nature Environnement, n°2201889)

Dérogation espèces protégées : l’illégalité de l’autorisation d’exploiter une activité industrielle peut démontrer l’existence d’un « risque suffisamment caractérisé » imposant au préfet d’enjoindre au porteur de projet de déposer une demande de « dérogation espèces protégées » (TA Guyane, 11 décembre 2025, Association Guyane Nature Environnement, n°2201889)

Par un jugement n°2201889 rendu ce 11 decembre 2025, le tribunal administratif de la Guyane a annulé, à la demande de l'association Guyane Nature Environnement, d'une part une autorisation d'exploiter une mine d'aurifère, d'autre part le refus du préfet d'ejoindre au...

Découvrez le cabinet Gossement Avocats

Notre Cabinet

Notre valeur ajoutée :
outre une parfaite connaissance du droit, nous contribuons à son élaboration et anticipons en permanence ses évolutions.

Nos Compétences

Gossement Avocats est une référence dans ses domaines d'excellence :
droit de l'environnement, droit de l'énergie, droit de l'urbanisme, tant en droit public qu'en droit privé.

Contact

Le cabinet dispose de bureaux à Paris, Rennes et intervient partout en France.