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[colloque] 17 octobre 2025 : intervention d’Arnaud Gossement à la IXème édition des Journées Cambacérès sur « Justice et Environnement » organisées par la Cour d’appel et la Faculté de droit de Montpellier
Urbanisme : rejet d’une demande de QPC portant sur le pouvoir de régularisation d’une autorisation d’urbanisme du juge tel qu’issu de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme (Conseil d’Etat)
Par arrêt du 24 juillet 2019 (n° 430473), le Conseil d’Etat a rejeté une demande de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi ELAN du 23 novembre 2018, relatives au pouvoir de régularisation d’une autorisation d’urbanisme du juge administratif.
Dans cette affaire, le maire de la commune de P. (Essonne) a délivré à une société civile immobilière (SCI) des permis de construire et d’aménager un complexe sportif ainsi qu’un certificat d’autorisation tacite se rapportant à cette opération.
Le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier voisin a alors saisi le Tribunal administratif de Versailles d’une demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir des autorisations d’urbanisme précitées. Le syndicat requérant a, devant la juridiction de première instance, produit un mémoire par lequel il soulève une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Par jugement n° 1706682 du 3 mai 2019, le Tribunal administratif de Versailles a décidé, avant de statuer sur le fond du litige, de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 (dite « loi ELAN »).
Pour rappel, la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit dans la Constitution un nouvel article 61-1 permettant à tout justiciable, à l’occasion d’un litige porté devant une juridiction, de contester la conformité d’une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Afin d’être envoyée au Conseil constitutionnel, la QPC soulevée doit remplir plusieurs conditions :
- La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
- La disposition n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel ;
- La question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.
Si ces trois conditions sont réunies, alors la juridiction du fond sursoit à statuer sur le litige principal et transmet la QPC à la juridiction suprême de son ordre (Conseil d’Etat ou Cour de cassation), laquelle décide ensuite de transmettre ou non la question au Conseil constitutionnel.
Une fois la question renvoyée, le Conseil constitutionnel dispose d’un délai de trois mois pour se prononcer :
- S’il déclare la disposition législative contestée conforme à la Constitution, alors celle-ci conserve sa place dans l’ordre juridique interne.
- S’il déclare la disposition législative contestée contraire à la Constitution, alors celle-ci est en principe abrogée à compter de la publication de la décision.
En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de l’article 80 de la loi ELAN du 23 novembre 2018 :
« Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. «
Ainsi, le juge administratif peut, sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5 du même code, être tenu de surseoir à statuer sur les conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable dont il est saisi, en vue de permettre la régularisation en cours d’instance d’un vice qui entache la décision litigieuse et entraîne son illégalité.
En deuxième lieu, le Conseil d’Etat précise que le juge administratif fait usage de ce pouvoir de régularisation à la condition que, à la date à laquelle il se prononce, une autorisation d’urbanisme puisse légalement intervenir pour régulariser le projet, compte tenu de ses caractéristiques, de l’avancement des travaux et des règles d’urbanisme applicables, dans les mêmes conditions que si l’autorisation d’urbanisme initiale avait été annulée pour excès de pouvoir.
En troisième lieu, il résulte également de ces dispositions qu’il lui appartient, avant de surseoir à statuer, d’inviter les parties à présenter leurs observations jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe. Selon le Conseil d’Etat, ce délai doit être suffisant au regard de l’objet des observations demandées pour garantir le débat contradictoire et les droits de la défense.
En quatrième lieu, le syndicat requérant invoquait le moyen selon lequel l’entrée en vigueur immédiate des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme porterait atteinte au principe d’égalité devant la loi, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable garantis par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Sur ce point, le Conseil d’Etat juge que l’application immédiate de ces dispositions ne porte atteinte à aucune situation qui serait acquise ou définitivement constituée et n’affecte pas la substance du droit au recours :
» 4. Ces dispositions, dont l’application immédiate aux instances en cours dès leur entrée en vigueur ne porte atteinte à aucune situation qui serait acquise ou définitivement constituée, se bornent, sans affecter la substance du droit au recours ni porter atteinte à aucun des droits des requérants, à instituer des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme. […] «
La Haute juridiction précise en effet que cet article se borne à instituer des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme.
En cinquième lieu, le syndicat requérant invoquait le moyen selon lequel l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme conduirait le juge de l’excès de pouvoir à rejeter la requête au vu d’une mesure de régularisation intervenue pendant le délai fixé par le juge et porterait ainsi atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et au droit de propriété, garantis par les articles 16 ainsi que 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Sur ce point, le Conseil d’Etat écarte ce moyen et juge que ces dispositions n’affectent pas davantage le droit des requérants de contester un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou une décision de non-opposition à déclaration préalable devant le juge de l’excès de pouvoir, et d’obtenir qu’une telle décision soit conforme aux lois et règlements applicables.
En dernier lieu, le Conseil d’Etat apporte une dernière précision selon laquelle le fait qu’un requérant conteste l’illégalité d’une décision qui, du fait de son recours, est ensuite régularisée, n’est pas de nature à lui permettre d’être qualifié de « partie perdante » dans l’instance :
« 6. Au demeurant, la seule circonstance que le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu’elle était illégale et dont il est, par son recours, à l’origine de la régularisation, ne devrait pas, pour l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, conduire le juge à regarder nécessairement le requérant comme étant, dans l’instance, la partie perdante pour l’essentiel. «
Par conséquent, le Conseil d’Etat juge que la question soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux et qu’il n’y a donc pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le Tribunal administratif de Versailles relative aux dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi ELAN du 23 novembre 2018.
Laura Picavez
Avocate – Cabinet Gossement Avocats
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